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Billet de blog 6 juillet 2016

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Commune de Paris. Séance du 8 mai 1871 (VIII).

VÉSINIER. «J’ai fait un article 1er, qui déclare que les propositions, déposées sur le bureau du président, seront publiées lorsque l’assemblée le jugera convenable. Urbain demande, lui, que toute proposition faite soit insérée à l’Officiel. C’est là-dessus qu’il faut discuter, réserve faite de la proposition Andrieu.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Pierre Vésinier. © Eloi Valat.

(Suite de la séance du 8 mai 1871.)
VÉSINIER. Revenons à une chose pratique; il y a un article 1er
LE PRÉSIDENT. Pardon, citoyen, mais si vous voulez présenter un projet de décret analogue à celui du citoyen Andrieu, je dois vous dire que ce dernier a la priorité sur le vôtre.
VÉSINIER. Je prie le citoyen président de me laisser achever; il verra que ce que j’ai à dire entre parfaitement dans la discussion; à propos du projet de décret du citoyen Andrieu, on vient de s’apercevoir qu’il manquait ici une commission, à laquelle on aurait pu demander un rapport. Cette commission, je propose de la créer. Seulement, on devait à ce sujet discuter une question préalable, relative au mode de publicité d’une proposition qui serait faite. J’ai fait un article 1er, qui déclare que les propositions, déposées sur le bureau du président, seront publiées lorsque l’assemblée le jugera convenable. Urbain demande, lui, que toute proposition faite soit insérée à l’Officiel. C’est là-dessus qu’il faut discuter, réserve faite de la proposition Andrieu.
J. ANDRIEU. C’est tout ce qu’il me fallait, que ma proposition soit réservée.
LE PRÉSIDENT. Très bien! c’est ce que je demandais tout à l’heure au citoyen Andrieu.
VAILLANT. Il me semble impossible de ne pas admettre la proposition Vésinier, mais il me semble nuisible d’admettre l’amendement Urbain. Je crois nuisible, en effet que l’on publie immédiatement la première proposition venue, émanée d’un membre de l’assemblée; je voudrais même que chacun de nous acceptât de ne jamais publier dans un journal un projet de décret quelconque. Nous devons maintenir parmi nous une certaine unité qui pourrait être rompue par l’inobservation de cette règle. Il ne faut pas que l’Officiel contienne quelque projet de décret que ce soit, si nous n’avons pas jugé la chose convenable. Sans cela, nous ne pourrions jamais nous entendre, et nous ne ferions rien de bon.
JOURDE. J’appuie ce que vient de dire Vaillant. On vient de nous dire qu’il n’y avait rien d’impossible: je pense le contraire. Je crois que si un citoyen, qui propose un décret, avait entendu auparavant les observations du délégué chargé de l’exécution, peut-être reconnaîtrait-il que ce projet est inopportun ou inapplicable. Il est très facile, par exemple, de rédiger un projet qui proposerait de donner 20 francs par jour au peuple; celui-ci trouvera le projet superbe et en demandera l’application immédiate. Où seront les moyens pratiques d’application? Avant tout, il faut qu’un projet soit exécutable; et pour cela il faudrait que celui qui fait une proposition de loi fût chargé de son exécution. En effet, pourrait-on venir faire des reproches à un délégué qui n’exécuterait pas un projet impraticable, un projet sur lequel il n’aurait pas été consulté? Le public peut croire qu’un projet est bon, parce qu’il a été présenté; il peut croire au bon sens de son auteur, et sans s’occuper de savoir si ce projet est praticable, en demander l’exécution.
C’est ce qui est arrivé pour le projet relatif au Mont-de-piété; très bon en théorie, il est très mauvais en pratique. Il me paraîtrait sage et convenable, pour chacun de nous, de présenter peu de projets, mais de rechercher toujours à l’avance les moyens d’exécution; il y aurait danger pour la Commune, il faut bien se pénétrer de cette idée, à vouloir mettre des obstacles aux travaux de ceux qui sont chargés de l’exécution. Il faudrait toujours consulter les délégués, leur demander des renseignements, avant de faire une proposition de loi. Il ne faut pas non plus que l’on nous crée des embarras, en voulant nous faire faire des choses impossibles.
Ce n’est pas une raison, par cela seul que l’on a déposé un projet de décret sur le bureau, pour mettre le public dans la confidence de ce projet, par sa publication à l’Officiel; car, si ce projet n’est pas exécuté, c’est faire naître des doutes et des suspicions; et je vois là un véritable danger pour la Commune elle-même, tandis que, si vous ne faites paraître ce projet à l’Officiel qu’après avoir entendu les explications de la commission qui doit plus particulièrement être consultée, alors le public est édifié, et l’inconvénient, que je signale, disparaît. Je prie donc l’assemblée de vouloir bien y penser sérieusement. Cela évitera, pour l’avenir, des embarras et des désagréments.
LEFRANÇAIS. Je vais vous donner un exemple, encore plus frappant, du danger qu’il y aurait à suivre la théorie du citoyen Urbain. Vous n’avez qu’à insérer dans l’Officiel un projet de loi portant suppression des octrois. Il sera parfaitement accueilli de la population; et, cependant, je vous mets au défi de le mettre à exécution.
URBAIN. Les paroles que je viens d’entendre n’ont fait qu’affermir ma conviction. Si un projet de décret ne devait être publié qu’après avoir été pris en considération, on absorberait l’initiative des membres de la Commune. Vous êtes en contradiction avec vous-mêmes. Le principe est admis; chaque membre a le droit de déposer un projet de décret sur le bureau. Le point en discussion, c’est de savoir si le projet de décret, par le fait d’avoir été déposé sur le bureau, devra être à l’Officiel. Vous avez chargé une commission de chercher un local, pour tenir des séances publiques; donc vous avez admis la publicité.
UN MEMBRE. Ce n’est pas voté!
URBAIN. Comment empêcherez-vous, lorsque les séances seront publiques, qu’un projet de décret ne soit connu? Ce que vous ne voulez pas dans un sens, vous le voulez dans l’autre!
MIOT. Il est certain que la proposition de ne pas publier tous les projets de décret tend à vous enlever l’initiative qui doit appartenir à chacun des membres de l’assemblée. Je vous avoue que, dans ce sens, j’y serais opposé. Je maintiens que chacun de nous a le droit de déposer un projet de décret, quand il le juge convenable. Je trouverais fort déplacé qu’on voulût nous enlever ce droit.
LE PRÉSIDENT. Pardon, citoyen Miot, mais je crois que vous vous éloignez de la question. Il ne s’agit pas du droit d’initiative, c’est de l’impression des projets dont on parle.
MIOT. Alors, je n’ai plus rien à dire.
PARISEL. Je veux simplement relever cette phrase, qui, je crois, a échappé au citoyen Jourde: «Le public n’est pas juge des questions qui sont posées ici!» Eh bien! non seulement il est parfaitement juge, mais je crois que c’est le souverain juge! En effet, il ne peut en être autrement. On a dit que le peuple se trompait souvent: je me permettrai de dire que, si le peuple se trompe, c’est lui qui paie; tandis que, nous, nous ne devons pas nous tromper; et, pour cela, il faut que nous ayons pour chacun de nos actes le jugement du peuple; car, si le peuple ratifie ces actes, eh bien! il nous enlève une partie de notre responsabilité. On l’a dit souvent: «Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit qu’un seul, c’est le citoyen tout le monde!» Il serait surprenant, en effet, que dans Paris il ne se trouvât pas quelqu’un qui fût plus compétent, sur une question, que dans cette assemblée. On vient vous dire qu’il peut y avoir des projets dangereux, inexécutables. D’abord, c’est faire peu d’honneur aux membres de cette assemblée; et puis, on peut mettre en principe que tout projet doit contenir ses moyens d’exécution.
UN MEMBRE. Comme le projet sur les monts-de-piété, par exemple!

(À suivre.)

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