LE COMITÉ SECRET.
«On devait procéder, dans une séance de nuit, en Comité secret, à la nomination des nouveaux membres qui devaient constituer le Comité de salut public.
«Une discussion très vive s’engagea. La Commission militaire demanda que les pouvoirs militaires fussent laissés encore pendant 24 heures au citoyen Rossel. Il y avait, selon elle, inconvénient à changer brusquement la direction des opérations engagée; il en pouvait résulter de grands revers; il ne lui paraissait pas politique d’arrêter immédiatement le délégué à la Guerre.
«Cette demande déplut au citoyen Félix Pyat qui parla avec une extrême animation de la trahison de Rossel sans en fournir, d’ailleurs, la preuve; il déclara son arrestation immédiate nécessaire, et réclama l’emploi des moyens les plus énergiques afin de faire cesser la trahison qui se sentait partout. Ce langage passionné ne fit pas changer la Commission militaire d’attitude; elle déclara qu’elle donnerait de suite sa démission si on ne voulait pas accepter ses propositions. La Commune, qui réprouvait les exhortations violentes du citoyen Pyat, laissa pleins pouvoirs à la Commission militaire.

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«Lorsque cette résolution eût été votée, grâce surtout à l’influence de la minorité socialiste, le citoyen Pyat continua ses récriminations, ses admonestations. Son irritation s’accroissait avec la discussion; il en vint jusqu’à insulter la minorité socialiste, blâmant ce qu’il appelait sa lâcheté, et la déclarant complice de toutes les tentatives de trahison que chaque jour révélait. Après le discours de cet énergumène, la séance fut suspendue pendant quelques minutes.
«Les révolutionnaires composant la majorité quittèrent alors la salle des séances. Une demi-heure après, ils n’étaient pas encore de retour. Quelques membres de la minorité, impatientés par cette longue absence qui retardait les délibérations, allèrent à la recherche de leurs collègues de la majorité. Ils les trouvèrent dans une des salles de l’Hôtel de Ville, occupés à délibérer en commun. Les révolutionnaires s’opposèrent d’abord à ce que les socialistes fussent admis dans la salle où ils se tenaient; mais ceux-ci, ayant insisté, entrèrent de force. Ils s’aperçurent que la majorité délibérait et prenait des résolutions à l’insu de la minorité.
«Les membres de la minorité qui avaient pénétré dans la salle, déclarèrent que la majorité n’avait pas le droit de délibérer ainsi à part; qu’elle devait rentrer aussitôt dans la salle des séances; que 40 membres de la Commune ne pouvaient pas en éliminer 23 autres; qu’ils ne souffriraient point, tant qu’ils auraient la faculté de siéger à l’Hôtel de Ville, en attendant que la majorité les, fît incarcérer, ce qui ne tarderait peut-être pas ajoutaient-ils, qu’il soit porté une aussi grave atteinte à leur droit. Cette sommation énergique suscita d’abord, parmi la majorité révolutionnaire, les protestations les plus acerbes; peu à peu, la ferme attitude des socialistes parvint cependant à la calmer; les révolutionnaires déférèrent aux désirs de leurs collègues et rentrèrent dans la salle des séances.
«Cet incident, où la violence et le grotesque jouent un rôle si considérable, permet de se faire une idée assez nette de l’animosité qui existait entre les diverses fractions de l’Assemblée communale, ainsi que du spectacle d’une bouffonnerie navrante que présentaient souvent ses séances.
«À la reprise de la discussion en commun, le citoyen Jourde demanda avec instance qu’on éliminât toute question de personnes pour ne se préoccuper que du salut de Paris. Contrairement à ce sage appel à l’apaisement, le citoyen Chalain réclama l’arrestation de la minorité «factieuse» qu’il jugeait cause dE tous les atermoiements, coupable de tous les désordres, et sollicita de la Commune l’incarcération du délégué à la Guerre Rossel.

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Cette proposition d’emprisonnement de la minorité fut relevée comme elle le méritait, par l’un de ses membres, le citoyen Malon, qui déclara que, formulée par tout autre, il la combattrait et y répondrait; mais que, venant de Chalain, elle était sans gravité, vu le peu d’importance qu’il faisait de son auteur». Sur ce, le citoyen Félix Pyat se récria, et voulut prononcer une fois encore des paroles de réprobation contre la minorité; mais le citoyen Malon, élevant la voix avec autorité, lui dit: «Vous êtes le mauvais génie de la Révolution. Taisez-vous! Ne continuez pas à répandre vos soupçons venimeux et à attiser la discorde. C’est votre influence qui perd la Commune; il faut qu’elle soit enfin anéantie.»
«Venant appuyer l’observation de Malon, le citoyen Arnold critiqua la conduite des vieux révolutionnaires de 1848, si funeste: «Ce sont encore eux qui perdront la Révolution», dit-il.
«Enfin, on procéda au vote des membres du Comité de salut public. Avant le dépouillement du scrutin, les révolutionnaires déclarèrent que, le lendemain, on procéderait à un nouveau vote si le résultat de celui qui s’effectuait ne leur plaisait point. Le Comité fut composé des citoyens Ranvier, Antoine Arnaud, F. Gambon, Eudes, Delescluze.»
En septembre, à l’affiche du site de Michèle Audin
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