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Billet de blog 13 juillet 2016

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Commune de Paris. Séance du 8 mai 1871 (X).

JOURDE. «Ne mettez pas une délégation dans l’obligation de vous présenter une loi absurde, d’une difficulté immense, parce qu’une commission se sera laissé forcer la main.»

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Illustration 1
Commune de Paris, François Jourde. © Eloi Valat.

(Suite de la séance du 8 mai 1871.)
LEFRANÇAIS. La difficulté, signalée par le citoyen Pyat, n’est pas aussi invincible qu’il veut bien le dire. Le projet du citoyen Vésinier dit que l’on ne publiera que les projets qui auront été pris en considération. Ainsi, pour exemple, je prends la question des octrois. On dépose sur le bureau un projet disant: les octrois sont supprimés. Le premier acte, que nous aurons à faire, est d’examiner l’opportunité; mais, en même temps que les journaux publieront le projet, ils publieront aussi si cette proposition est, ou n’est pas, prise en considération. Il n’y aura donc là aucune anomalie, ni rien d’illogique.
MIOT. Mais alors vous jugez un projet avant de l’avoir discuté.
PYAT. Vous n’avez pas répondu à l’objection du citoyen Urbain. Je répète que, par le fait même du dépôt sur le bureau, tous les journaux publieront le projet, excepté l’Officiel, et le public en aura connaissance, que vous preniez ou que vous ne preniez pas le projet en considération. Ainsi l’observation du citoyen Urbain reste donc tout entière. Pour obvier à cela, il ne faudrait pas de dépôt sur le bureau.
VAILLANT. Je trouve que l’inconvénient serait moindre avec le système de Lefrançais. Mais il y a un moyen plus efficace, ce serait de revenir sur le décret relatif à la publicité des séances. Ce décret a été enlevé à un commencement de séance, peu de membres étant présents. Je crois qu’il est bon qu’on revienne là-dessus. Si on ne revient pas sur ce décret, je demande l’adoption de la proposition Lefrançais.
CHALAIN. Je demande que chaque citoyen qui présente un projet de décret ait le droit de le faire imprimer à l’Imprimerie Nationale et distribuer à ses collègues.
URBAIN. Le citoyen Lefrançais ne me paraît pas avoir prouvé que la conséquence que j’avais signalée n’existe pas. Je suppose que je dépose un projet de décret et qu’il ne soit pas pris en considération. Il n’est pas publié. Mais je conserve le droit d’écrire à un journal que j’ai présenté un projet de décret et de faire publier ce projet. Voilà un droit qui me reste. Je suppose encore que, mon projet n’ayant pas été adopté, vous interdisiez aux journaux de le publier. Vous n’empêcherez pas les auditeurs de la séance, puisqu’elles seront publiques, d’en parler au dehors. Longuet a fait une erreur matérielle. Voici les usages: je déclare que je dépose un projet de décret; je le lis, et ce n’est qu’après l’avoir lu que je le dépose sur le bureau. Par conséquent tout le public l’a entendu et le projet sera connu, quand même les journaux n’en parleraient pas. Vous avez admis le public dans un sens et, aujourd’hui, vous n’en voulez pas dans un autre. C’est une contradiction flagrante, dont vous ne sortirez pas.
LONGUET. Mais nous pouvons revenir sur un vote.
URBAIN. Le citoyen Jourde a eu raison de dire qu’il fallait consulter les commissions. Mais si, après avoir consulté le délégué chargé de l’exécution et la commission, il y a dissentiment entre, vous serez toujours libre de faire l’assemblée juge entre l’auteur du projet et la commission; et alors, quand même le projet ne serait pas pris en considération, vous ne pourrez échapper à la publicité.
LONGUET. Mais nous sommes convaincus que, quand vous aurez été éclairé, vous retirerez votre projet.
SERRAILLIER. Je ne voudrais pas faire perdre du temps à l’assemblée; mais nous venons d’accompagner les dépouilles du frère d’un citoyen, membre de la Commune [Félix Theisz, capitaine d’artillerie dans la Garde nationale, mort d’une blessure reçue à Neuilly, frère d’Albert Theisz, directeur général des Postes]. Nous ne connaissons pas la question: je demanderai qu’on donne lecture de ce qui est en discussion.
Nouvelle lecture de la proposition Vésinier et de l’amendement Urbain.
LEDROIT. Je demande, avant le vote, que l’assemblée prenne en considération l’amendement de Grousset, exigeant que le projet soit signé par cinq membres.
MIOT. C’est contester la valeur de chacun de nous.
LONGUET. Croyez-vous véritablement que la question de publicité soit résolue? Je vous apporterai demain une demande, signée de beaucoup de membres, réclamant la non-publicité de nos séances. Et alors nous serions en face de deux décrets antérieurs qu’il faudrait annuler. Je demande que le vote soit remis à demain.
ARNOULD. Il y a un amendement de Grousset et personne ne peut s’opposer à ce qu’il soit mis aux voix.
LE PRÉSIDENT. Je mets aux voix l’amendement Urbain, qui est le plus large.
L’amendement Urbain, mis aux voix, est adopté.
LE PRÉSIDENT. L’amendement Urbain supprime toutes les propositions du citoyen Vésinier.
VÉSINIER. Mais non! c’est un peu fort!
LE PRÉSIDENT donne lecture de l’article 2.
JOURDE. Il est inacceptable que, puisque vous admettez que chaque membre a l’initiative la plus absolue, je ne sais pas pourquoi vous voulez renvoyer à une commission.
VÉSINIER. L’article premier de l’amendement Urbain dit que toutes les propositions, déposées sur le bureau de l’assemblée, seront insérées à l’Officiel. Je demande que toutes ces propositions soient mises à l’étude par une commission compétente; que, quand elles viendront en discussion devant l’assemblée, on puisse se prononcer d’une manière éclairée. La seule garantie des comités de la Commune, c’est l’étude préalable des questions. Il est d’intérêt général pour la Commune que ces propositions soient étudiées et discutées par la commission compétente qui fera un rapport. J’ajoute un mot, pour l’article 3; il y a une lacune. Certaines propositions ne peuvent pas être renvoyées devant les neuf commissions existantes, parce qu’il n’y en a pas de compétentes. Je faisais observer au citoyen Andrieu que je ne demande pas une commission de législation. Je veux que chaque comité fasse sa rédaction. Il faut qu’il y ait une commission compétente; je vous demande la création de cette commission pour les projets de législation et d’intérêt général qui ne ressortent pas du domaine des neuf délégations, dans l’intérêt de l’étude des questions et dans un intérêt de contrôle.
JOURDE. Je combats l’article 2. Un exemple récent m’a prouvé que des propositions de décret inopportunes ont dû être acceptées par une délégation, qui vous a présenté un décret, bien qu’elle ne fût pas d’avis qu’on les adoptât. Je ne suis donc pas d’avis qu’on renvoie les projets de décret à une commission. C’est à la Commune à apprécier ces décrets et rien ne doit être fait avant qu’elle les ait examinés. Ne mettez pas une délégation dans l’obligation de vous présenter une loi absurde, d’une difficulté immense, parce qu’une commission se sera laissé forcer la main.
PARISEL. Je crois que la publicité des projets n’engage que la responsabilité de celui qui les présente et non celle de la commission ou de la Commune. Quand un projet se présente avec un caractère tel qu’il force la main à une commission, c’est que le projet est d’un intérêt général et que la question, à laquelle il s’applique, demande à être résolue le plus promptement possible. Quelle que soit l’abondance du travail, rien pour moi ne doit être négligé et il faut se garder de prendre des mesures qui auraient pour résultat d’empêcher la diffusion des projets. Quant à l’article en discussion, je ferai un amendement. Je veux bien qu’on renvoie les projets à une commission, mais je voudrais que cette commission, pour éviter tout retard, n’eût pas à faire de rapport; qu’elle fit connaître simplement si elle est prête à soutenir le projet.

(À suivre.)

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