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Billet de blog 14 décembre 2016

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Commune de Paris. 16 mai 1871, le renversement de la Colonne.

De nombreux élus à l’Assemblée communaliste assistent à cette fête de la Commune. Lectures Camille Lamache.

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(Pas de comptes rendus de séance pour les 13, 14, et 16 mai 1871 – 15 mai, Déclaration de la minorité.)


 Le Cri du Peuple, jeudi 18 mai 1871.
LA COLONNE
Elle est tombée!
La sentence du peuple est exécutée, justice est faite.
Elle est tombée, cette colonne faite de canons achetés par tant de cadavres; qui se dressait sombre, rigide, brutale, lourde et bête, portant au ciel un faux César aussi odieux que le vrai, monument de la dictature du sabre, du despotisme militaire au milieu du Paris républicain, artiste et ouvrier, pour lequel il était un outrage et un défi; souvenir insolent de l’empire, commencé le 18 brumaire et terminé par l’invasion.
Elle est tombée à l’heure du crépuscule, devant une foule énorme venue assister à l’exécution de cette fausse et odieuse gloire, condamnée par l’histoire, et saluée dans sa chute par l’immense vivat de la délivrance, sorti de dix mille poitrines.
Elle est tombée silencieusement, disloquée, sciée, dévissée, sur un tas de fumier ignominieux, comme le mépris public.
Il avait fallu, pour la bâtir, pour l’entourer de ce bronze que jamais ne regardent les mères, de ce bronze grandi sous les pleurs, l’effort, l’asservissement et le massacre d’une génération, des combats où la fureur dans le cuivre des clairons, où les chevaux et hommes tombaient éventrés par la baïonnette, écrasés par les boulets sur la terre sanglante des champs de bataille. Il a suffi, pour la renverser des calculs d’un ingénieur et de quelques bouts de cordage.
On croyait que cette colonne, que cette glaire ne pouvait tomber sans qu’il n’y eût dans le monde un ébranlement prodigieux, sans que les murs de Paris ne tremblassent, comme ceux de Jéricho, au son de la trompette des soldayts d’Israël; et les habitants s’attendaient à une commotion du sol, à la secousse des maisons, au bris des vitres. Illusion!
Rien n’a tremblé; il n’y a eu ni bruit ni secousse; ce pieu colossal, scié au pied, s’est abattu sur son lit de fumier, faisant craquer son écorce de métal, dont les morceaux se sont dispersés et enterrés là comme des feuilles mortes.
Maintenant, la colonne de bronze gît le cou tordu, les bras disloqués, enfouie dans la litière, regardée avec pitié par cette foule, au-dessus de laquelle le César du 18 brumaire avait cru faire planer sa gloire et se dresser éternellement dans l’apothéose sanglante du militarisme despotique et barbare.
De ce monument élevé pour célébrer l’empire et qui devait tomber avec lui, il ne reste plus que l’énorme socle, débarrassé des aigles lourds abattus de leur perchoir, qui demeure debout, décoré sur ses faces de bronze noirci, des trophées d’armes et de vêtements, ramassés pêle-mêle sur l’hécatombe des champs de bataille.
Il reste là, sombre, sinistre, portant aux quatre coins les faisceaux de drapeaux rouges, comme un catafalque immobile renfermant les cadavres de la gloire impériale et les libertés immolés par l’assassin de la République, par le triste et vieux forçat de la Sainte-Alliance.
Ils sont vengés, Justice est faite!
La colonne est tombée!

LE CRI DU PEUPLE

Camille Lamache lit À la colonne, publié dans La Liberté, octobre 1871, «attribué» à Jules Vallès.
(Ulysse Rouchon, La vie bruyante de Jules Vallès, Saint-Étienne, 1937.)


Jean Baronnet, commissaire de l’exposition Regards d’un parisien sur la Commune – Bibliothèque historique de la ville de Paris, 2006 – identifia plusieurs membres de la Commune sur la photographie de Bruno Braquehais – reproduite ci-dessous – , ainsi légendée:

«[…] On a cru voir Gustave Courbet, au centre en capuche. 
Au centre, de profil, Paschal Grousset; en haut-de-forme Washburne, ambassadeur des États-Unis; en haut-de-forme, barbus avec des lorgnons, probablement ThéophileFerré; barbu et coiffé d’un chapeau plat, Eugène Pottier.»

Illustration 2
Chute de la colonne. © B. Braquehais, Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis.


Pottier, c’est certain, reconnaissable, avec sa bonhomie souriante; Férré, peut-être; Waschbune et Grousset, sans doute. Quant au garde national, la capuche d’une capote d’officier d’artillerie recouvrant son képi, malgré une ressemblance de pilosité, de taille et de corpulence, il n’est pas le Courbet que nous ont laissé les témoignages de Vallès et de Maxime Vuillaume sur les habits et l’humeur du peintre ce jour-là.
Vallès: «Courbet.» – «[…] Le jour où la colonne fut renversée, il était là, sur la place, avec sa canne de vingt sous, son chapeau de paille de quatre francs, son paletot coupé à la confection […]»
Le Réveil, 6 janvier 1878.
(Jules Vallès, Œuvres, édition présentée et annotée par Roger Bellet, La Pléiade, Tome 2, 1990.)
Vuillaume: «Comment tomba la colonne Vendôme.» «[…] Deux heures. – Rue du Croissant. Nous avons quitté, Vermesch et moi, notre bureau du Père Duchêne.
— Tiens, Courbet!
C’est bien Courbet, sa haute taille et sa carrure puissante enfermées dans une vaste redingote de drap bleu aux innombrables plis.
— Tu viens avec nous, lui crie Vermesch, nous allons voir tomber la colonne!
Courbet ne répond pas. Il nous rejoint, l’œil inquiet.
— Qu’as-tu donc ? reprend Vermesch. Voilà pourtant une belle journée, et qui promet d’être rudement bien employée!
Courbet est toujours silencieux. Mais il a ouvert, avec lenteur, sa vaste redingote, comme on ouvre les battants d’une armoire. Il a retiré, d’une poche profonde comme un gouffre, un album, des crayons, un portefeuille, une pipe et enfin un volumineux paquet de lettres. Une à une, il fait passer sous nos yeux des adresses aux rédactions bizarres. “À monsieur Gustave Courbet, démolisseur de la colonne, à l’Hôtel de Ville.” D’autres aussi étranges.
— Ce n’est rien, dit le colosse. Lisez ça… et ça… Des menaces… On veut me tuer si la colonne est f… à bas… Oui. On veut m’assassiner… […]»
Le Matin, 16 mai 1913.
(Maxime Vuillaume, La fin de l’Empire, le Siège, la Commune, articles du Matin, présentés et annotés par Jean Baronnet, Du Lérot, éditeur, 2013.)
Si le paletot est devenu une redingote, il n’est jamais question d’uniforme – que Courbet, n’étant pas lui-même membre de la Garde nationale, n’aurait pu porter. Quant à notre officier d’artillerie que nous retrouvons ci-dessous, à la barricade de la rue de Castiglione, posant en arrière de la batterie dont il doit avoir le commandement, il reste anonyme.

Illustration 3
Barricade rue de Castiglione. © B. Braquehais, musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis.


Camille Lamache lit Albert Callet, témoignage publié dans La Nouvelle Revue, septembre 1918.
(Ulysse Rouchon, La vie bruyante de Jules Vallès, Saint-Étienne, 1937.)


Lire les articles que Michèle Audin consacre à Courbet sur son site
https://macommunedeparis.com/

et

Gustave Courbet et la colonne Vendôme – Plaidoyer pour un ami mort par Castagnary,
édition présentée et annotée par Bertrand Tillier, Du Lérot, éditeur, 2000.
http://www.dulerot.fr/index.php

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