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Billet de blog 19 juillet 2016

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Commune de Paris. séance du 8 mai 1871 (XI).

MIOT. «Je demande la parole pour un seul mot. Pourquoi n’avons-nous pas de rapport de la Guerre depuis trois jours?»

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Illustration 1
Commune de Paris, Jules Miot. © Eloi Valat.

 (Suite de la séance du 8 mai 1871.)
J. ANDRIEU. Je vous ferai tout.d’abord remarquer que l’article 2, que vous discutez actuellement, n’est autre chose que mon article 4; et j’arrive à la question qui nous occupe actuellement. Sans aucun doute, je comprends parfaitement les dangers qu’il y aurait à ce que tous nos projets parussent à l’Officiel; mais je ne crois pas qu’il y ait de graves inconvénients à ce qu’ils y paraissent, après qu’une commission a été nommée pour les juger. Il y aurait, sans doute, une multiplicité très grande de décrets dans l’Officiel et, comme je ne reconnais pas au public une intelligence suffisante des affaires pour savoir discerner le décret bon et efficace, les commissions, de leur côté, auront assez de force pour déclarer: «Voilà une chose dont l’intention était bonne, sans doute, mais impossible à réaliser.» La tâche des commissions ne serait pas impossible avec l’amendement Urbain; cependant j’accorde qu’elle ne serait pas facile.
URBAIN. Je ne comprends pas parfaitement la théorie que je viens d’entendre et qui ne se produit pas ici pour la première fois. Il me parait certain, en effet, que chaque commission ne voudra pas présenter, ou tout au moins présentera à contrecoeur à l’assemblée un proj et de décret qu’elle n’aura pas enfanté.
JOURDE. Je proteste; je n’ai jamais dit cela.
URBAIN. Vous l’avez dit nombre de fois.
JOURDE. Cela n’est pas!
URBAIN. Cela est! Vous n’avez peut-être pas voulu le dire, mais vous l’avez dit. L’article 2 est une garantie suffisante pour la Commune, afin que les projets ne soient discutés que quand elle le voudra bien; et, de la sorte, il y aura de l’ordre dans nos discussions. Ensuite, c’est en même temps la garantie contre les craintes qu’avaient le citoyen Jourde et d’autres membres; en effet, le public, en lisant dans l’Officiel que tel projet a été déposé, saura parfaitement que ce projet n’a pas de force, uniquement parce qu’il a été déposé sur le bureau de la Commune, puisqu’il aura dû passer d’abord par l’examen d’une commission. C’est là qu’est la garantie contre la crainte qu’on paraît avoir. On nous a donné pour exemple, souvent, le projet de loi sur le Mont-de-piété; la comparaison n’est pas exacte. Ce décret a été tout d’abord discuté pendant plusieurs séances.
LEFRANÇAIS. Pendant une seule séance.
URBAIN. Pendant une seule, soit! Et quant au système qui consistait à me dire, dans la dernière séance, que j’avais un moyen à moi, que je ne mettais pas de bonne foi dans la discussion, je le méprise absolument. Le projet sur le Mont-de-piété a donc été discuté pendant une séance et ensuite abandonné pendant quinze jours; eh bien! en le discutant une première fois, la Commune avait engagé sa responsabilité et c’est pour cela qu’il a fallu revenir sur ce projet pour en achever la discussion et passer au vote; mais il avait été discuté avant d’avoir été abandonné. Si l’article 2 est voté, comme je le pense, il y aura une commission pour examiner les propositions déposées.
RÉGÈRE. Je voterai l’article 2 quoique je ne le trouve pas suffisamment libéral. J’y trouve un danger, car il ne me paraît pas logique de renvoyer l’examen des critiques, que l’on veut faire, à la commission même qu’il s’agit de critiquer.
JOURDE. On m’a prêté des paroles que je n’avais pas l’intention de prononcer. Cela peut être un lapsus; je l’avoue pour la bonne foi de l’assemblée et pour moi-même. J’ai toujours dit que les membres de la Commune étaient intéressés à consulter les commissions, mais que je reconnaissais le droit de l’initiative individuelle. Je ne réponds pas aux paroles malveillantes qui m’ont été adressées.
RÉGÈRE. Je n’ai aucune malveillance pour le citoyen Jourde.
(Interruptions.)
LE PRÉSIDENT. J’ai une nouvelle intéressante à donner à l’assemblée: le colonel Wetzel* vient d’être tué par l’ennemi à Issy.
DIVERS MEMBRES. Est-ce bien par l’ennemi?
MIOT. On ne sait pas. Toujours est-il qu’il a la balle dans le dos.
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Langevin.
MIOT. Je demande la parole pour un seul mot. Pourquoi n’avons-nous pas de rapport de la Guerre depuis trois jours?
DEREURE. Depuis huit jours nous n’en avons pas eu!
LE PRÉSIDENT. Voulez-vous envoyer deux membres au Comité de salut public?
RÉGÈRE. Le Comité est comme nous: il n’en a pas reçu.
LEFRANÇAIS. Le Comité central envoie tous les jours des rapports au Mot d’Ordre**.
L’incident est clos.

(À suivre.)

*L’agonie du fort d’Issy.
[…] Les jours suivants, soixante pièces de gros calibres concentrèrent leurs obus sur le fort, tandis que d’autres occupaient Vanves, Montrouge, les canonnières et l’enceinte. Issy répondait de son mieux; mais les tranchées que Wetzel ne savait pas commander étaient très mal tenues. […]
[…] Le lendemain le journal du fort relatait:
«Nous recevons jusqu'à dix obus par minute. Les remparts sont totalement à découvert. Toutes les pièces, sauf deux ou trois, sont démontées. Les travaux versaillais nous touchent presque. Il y a trente cadavres de plus. On vient de nous apprendre la mort de Wetzel; les uns disent qu’il a reçu une balle dans le dos. Nous sommes au moment d’être enveloppés... »
Lissagaray, Prosper-Olivier, Histoire de la commune de 1871, nouvelle édition précédée d’une notice sur Lissagaray par Amédée Dunois, Librairie du travail, 1929.

** Les communiqués officiels et militaires publiés dans le Mot d’Ordre, le journal de Rochefort, l’étaient également dans le Journal Officiel.

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