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Billet de blog 20 juin 2016

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Commune de Paris. Séance du 8 mai 1871 (III)

ANDRIEU. «Je crois fort possible, en effet, qu’un inconnu, un étranger à nos discussions, puisse nous faire parvenir un projet excellent; mais je désire qu’avant qu’il nous parvienne, il passe au préalable par une espèce d’alambiquage, qu’il soit étudié sérieusement.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Jules Andrieu. © Eloi Valat.

 (Suite de la séance du 8 mai 1871.)
PARISEL demande à poser la question d’une autre manière et demande que l’on vote l’ordre du jour.
BABICK. J’appuie de toutes mes forces la demande de publicité et je dis que cela nous rendra plus sérieux. Je m’explique. La publicité nous obligera à examiner plutôt ici les questions communales républicaines, plutôt que ces questions personnelles, dont nous nous occupons trop et pour lesquelles nous n’avons pas été élus.
L’ordre du jour est mis aux voix.
PLUSIEURS MEMBRES. Le vote n’est pas clair, ainsi posé.
LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour est évidemment contre la publicité. Il indique que les séances qui n’ont pas été publiées ne le seront pas.
L’ordre du jour, mis aux voix, est adopté. En conséquence, les séances relatives au Comité de salut public ne seront pas publiées.
VIARD. J’insiste pour que l’on ouvre des boucheries municipales. Remarquez que la spéculation marche derrière nous…
(Interruptions.)
LE PRÉSIDENT. Citoyen Viard, convoquez vous-même, directement, vos collègues. Nous n’avons pas à nous occuper de cette question ici; suivons donc l’ordre du jour; or, nous avons aujourd’hui à nous occuper:
1° Du rapport de la commission chargée de chercher un local pour les séances de la Commune;
2° De la proposition Andrieu;
3° De la question Cluseret.
DEMAY. J’ai déposé des notes sur le bureau.
LE PRÉSIDENT. Je vous ferai remarquer que les notes déposées sur le bureau du président doivent passer au secrétariat avant d’être soumises à l’assemblée.
PARISEL. Je demande à faire, de vive voix, une proposition qui pourrait être mise à l’ordre du jour de demain. Je demande qu’il soit formé une commission chargée de recevoir et d’examiner les communications émanant des réunions publiques. Cette commission jugerait en premier ressort et verrait les propositions qu’il y aurait lieu de soumettre à la Commune.
ARNOULD. Il y a d’autres propositions très importantes, émanant de plusieurs membres de la Commune; il y a eu un vote de l’assemblée, établissant qu’il y aurait un registre où seraient enregistrées toutes les propositions; il faudrait qu’on ne le mît en discussion que dans leur ordre d’inscription sur le registre.
(C’est très juste!)
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Andrieu.
J. ANDRIEU. Il y a bien quinze jours, j’ai proposé un projet de décret organique ayant pour but de faire régner plus d’ordre dans nos discussions. Voici mon projet:
« Considérant que pour l’unité d’action il faut diviser le travail et utiliser toutes les forces la Commune décrète:
«Art. 1er. Les élus d’arrondissement s’occuperont uniquement, dans leurs municipalités respectives, d’assurer la défense au point de vue les subsistances et de l’organisation de la Garde nationale.
«Art. 2. L’administration purement municipale des mairies sera faite par des délégués nommés par les élus d’arrondissement.
«Art. 3. Il n’y aura plus que trois séances par semaine. Des séances extraordinaires pourront avoir lieu sur l’appel d’au moins dix membres.
«Art. 4. Il ne sera présenté à la Commune de projets de décrets que ceux qui auront été préalablement étudiés par la commission.»
Je vous demande la permission de vous montrer l’économie de mes quatre articles.
Vous le savez d’une façon générale, et moi je le sais comme délégué aux Services publics d’une manière particulière, le jeu des municipalités et de la Guerre ne se fait pas bien; on ne peut pas être en même temps aux avant-postes, à la Commune et aux mairies. Mon article 1er demande donc que les municipalités s’occupent spécialement de l’organisation de la Garde nationale et des subsistances; il faut que les citoyens élus, revêtus d’un mandat direct, s’occupent de la défense de la manière active, d’une manière spéciale, et pour cela il faut qu’il n’y ait plus que deux ou trois séances par semaine. Voilà pour l’article 3. Cependant, il peut se faire qu’une mesure très importante nécessite une séance extraordinaire; dans ce cas, dix membres en sont juges et suffisent pour convoquer toute la Commune.
L’administration municipale permettez de le dire à un ancien employé de mairie, demande bien du temps, des facultés administratives, mais n’engage point la responsabilité civique et politique des élus; je veux parler ici de la surveillance à exercer, des nombreuses signatures à donner; de l’administration purement municipale. J’ai donc proposé, par l’article 2, que l’administration municipale fût confiée, sous la responsabilité des délégués de la Commune, à des hommes choisis par eux. C’est là l’économie de l’article 2. Quant à l’article 4, vous en avez toujours senti vous-mêmes la nécessité; et, en le formulant, je n’ai fait que traduire vos désirs. En présence de la foule de projets, nés de la nécessité du moment, qui ne peuvent être élaborés, ni étudiés, que par vous en assemblée générale, j’ai pensé, et vous aussi sans aucun doute, qu’il était nécessaire que les commissions respectives étudiassent ces projets. Et, par là, je n’entends pas que les commissions soient, comme cela avait lieu sous l’ancien régime, des étouffoirs de projets; les commissions ne doivent jamais être juges sans appel des projets qui leur sont soumis, et ces projets, même désavoués par une commission, devraient toujours passer à leur tour devant la Commune, afin d’y être discutés.
Je crois fort possible, en effet, qu’un inconnu, un étranger à nos discussions, puisse nous faire parvenir un projet excellent; mais je désire qu’avant qu’il nous parvienne, il passe au préalable par une espèce d’alambiquage, qu’il soit étudié sérieusement. Il ne faut pas oublier qu’il peut nous être adressé de la sorte des projets qui ne seront rien moins que des idées de génie et qu’il serait regrettable de voir une commission les ensevelir, comme jadis l’Académie des sciences, pour la découverte de la vapeur. C’est donc une mesure des plus importantes que l’étude des projets au sein d’une commission.
Voilà, citoyens, ce que j’avais à dire sur ces quatre articles qui n’en font qu’un et dont le but est la division du travail, sans que cette division nuise en quoi que ce soit à l’unité d’action; au contraire, cette division du travail rendra l’unité d’action absolument efficace.

(À suivre.)

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