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Billet de blog 26 mai 2016

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Commune de Paris. Séance du 6 mai 1871 (VII).

RANVIER. «Je crois que si vous avez nommé un Comité de salut public, c’est un peu parce qu’il y avait danger et péril en la demeure.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Gabriel Ranvier. © Eloi Valat.

(Suite de la séance du 6 mai 1871 [la Commune est réunie en Comité secret].)
LE PRÉSIDENT. Voyons, citoyens, revenons à la dignité que nous pouvons avoir pour nous-mêmes. Respectons-nous.
(Le bruit augmente. Plusieurs membres demandent qu’on lève la séance.)
LE PRÉSIDENT déclare se retirer.
LE PRÉSIDENT OSTYN cède le fauteuil de la présidence au citoyen VÉSINIER.
LE PRÉSIDENT. Citoyens, je reviens à mon ordre du jour. Citoyens, la première condition c’est de nous écouter, quelles que soient les opinions de l’orateur. (Bruit. Aux voix!) Je fais la proposition suivante :
«La question du Comité de salut public est réservée et renvoyée à demain.»
(Bruit. Interruptions.)
PARISEL. Je demande la parole.
CLÉMENT (ÉMILE). Je demande à parler contre la proposition.
LE PRÉSIDENT. Mais attendez, citoyens, je vais vous inscrire, mais il est inutile de crier; que ceux qui sont contre justement reproché au Comité de salut public d’avoir envoyé des ordres militaires et le colonel Rossel est venu ici dégager sa responsabilité. Donnez des avis, demandez des explications, mais n’envoyez pas d’ordre.
RANVIER. Je crois que si vous avez nommé un Comité de salut public, c’est un peu parce qu’il y avait danger et péril en la demeure. Je crois qu’il faut que ce Comité ait l’autorité nécessaire pour commander même au commandant en chef.
PARISEL. Je demande qu’on mette aux voix ma proposition.
LE PRÉSIDENT. Je donne lecture de la proposition Parisel:
«La Commune enverra immédiatement l’ordre de faire mettre dix pièces de 7 sur le bastion qui commande le fort d’lssy et d’ordonner la mise en batterie des pièces de marine qui sont au bastion.»
LONGUET. Il est inutile de continuer à discourir sur de pareilles questions. (Bruit.) Je demande que dorénavant le président soit seul juge de l’orateur qui a droit d’avoir la parole. Il est impossible qu’un orateur dise qu’il a le droit de prendre la parole.
BILLIORAY. Je demande que la proposition soit envoyée à la Guerre, pour armer les remparts de Paris.
RANVIER. Il vient d'être fait tout à l’heure une chose que la Commune n’a pas le droit de faire. (Bruit.) En définitive, je dirais que le Comité de salut public est responsable et qu’il a le droit de choisir ceux qu’il délègue. Le Comité de salut public doit avoir le droit de donner des ordres, ou il n’est pas le Comité de salut public. Si la Commune envoie aussi des ordres, il y aura confusion, il sera impossible de s’entendre. Ce matin, j’ai chargé quelqu’un de voir les pièces, de les reconnaître, et de s’occuper de l’armement des remparts.
J.-B. CLÉMENT. La mission du Comité de salut public est d’enjoindre à la Guerre d’avoir à pourvoir les remparts de canons. Mais il faut l’avertir; il ne faut pas de malentendu. J’ai signalé à la Commission exécutive qu’il y avait des pièces et des munitions et on n’en a pas tenu compte. Les matelots ont aussi demandé , pourquoi l’on ne se servait pas d’obusiers, puisque les munitions ne manquaient pas pour les engins. Aujourd’hui, malheureusement, la position est désespérée et les mitrailleuses seules peuvent servir. À côté des bastions d’Issy, il y avait en effet des canons et l’on a donné l’ordre de préparer un endroit pour les recevoir. Si ces canons donnent, l’on répondra, et je crois qu’il n’est pas inutile de faire remarquer qu’il y a une poudrière tout à côté.
PLUSIEURS MEMBRES. Je demande la parole.
AVRIAL. Il y a des choses que vous ne savez pas. Ce matin, j’ai vu Rossel et lui ai demandé les points sur lesquels il faut placer les batteries. J’ai le matériel nécessaire, c’est-à-dire des pièces, d’un côté, et des affûts, de l’autre, qu’il faut réunir, ce qui n’est pas peu de chose, ce qui n’est pas chose facile. Billioray nous a dit qu’il y a des munitions; qu’il fasse mieux, qu’il nous fasse connaître d’une manière exacte la quantité de munitions que nous possédons. Il est aussi important qu’il nous fasse connaître si on en fabrique encore, ou quand la fabrication reprendra, dans le cas où elle serait arrêtée à l’heure qu’il est. Il faut que nous ayons ces renseignements. Ils nous seront indispensables si on ouvre le feu. C’est une question dont je me suis déjà occupé avec Assi. Il a beaucoup de canons, beaucoup de munitions, beaucoup d’artilleurs; ce qui manque, c’est une bonne organisation. Je serais bien aise qu’au lieu de passer le temps à discuter, à nous montrer le poing, la Commune se divisât en deux parties, l’une qui resterait ici et l’autre qui se rendrait sur les remparts. C’est là notre rôle, c’est notre devoir.
JOHANNARD. Que feront-ils, vos canons, si Rossel ne veut pas les faire tirer?
LE PRÉSIDENT. Je vais mettre aux voix la proposition Parisel.
PASCHAL GROUSSET. Avez-vous les dix pièces seulement?
BERGERET. Il faut envoyer cette proposition à la Guerre.
LE PRÉSIDENT. Je crois cette proposition actuellement inutile; l’interpellation a dû déjà produire ses fruits. Il serait donc inutile d’envoyer la proposition.
(L’ordre du jour!)
PARISEL. Je me range à l’avis de l’ordre du jour, s’il est entendu que, dès ce soir, il y aura des canons sur le rempart; et ils battront les Versaillais entre Issy et Vanves.
RASTOUL. Je demande que nous ne parlions pas de choses sur lesquelles nous ne sommes pas compétents.
UNE VOIX. Parlez pour vous!

(L’ordre du jour! L’ordre du jour!)
BERGERET. Je demande la parole contre l’ordre du jour. Je vois dans la question présente un fait grave. Ce n’est pas moi qui vous dirai d’empêcher le délégué à la Guerre d’agir comme il le voudra; cependant nous devons aussi nous inquiéter des situations critiques qui nous sont signalées. Vous avez le droit de demander au délégué à la Guerre d’envoyer des canons sur les remparts. Ce que nous a dit Eudes du danger du fort d’Issy mérite d’être pris en considération, et, si Rossel sait ce qui se passe, il sera le premier à reconnaître la justesse de vos réclamations.
LE PRÉSIDENT. Puisque les renseignements qui viennent d’être donnés ont été entendus par la Commission militaire et par le Comité de salut public, ces commissions doivent avoir pris les mesures nécessaires.

PARISEL. La Commune peut bien exprimer une opinion sur les faits qui viennent de lui être connus.
LE PRÉSIDENT. C’est évident; mais alors remettez-moi un ordre du jour motivé.
QUELQUES MEMBRES. Nous demandons l’ordre du jour pur et simple!
MELLIET. Dans le cas où la discussion continuerait, je maintiendrais mon tour de parole.
UN MEMBRE. L’ordre du jour pur et simple étant demandé, le président doit le mettre aux voix.
PARISEL. Je rappelle que je propose un ordre du jour motivé.
LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour pur et simple ayant la priorité, je le mets aux voix.
L’ordre du jour pur et simple mis aux voix et adopté.

(À suivre.)


À découvrir :

le site de Michèle Audin, Commune de Paris
https://macommunedeparis.com/

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