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(Suite de la séance du 6 mai 1871 [la Commune est réunie en Comité secret].)
PARISEL. Voici ma motion d’ordre: il est d’usage dans les assemblées que, lorsqu’on propose l’ordre du jour, on accorde la parole à un orateur pour parler contre l’ordre du jour et l’on vote ensuite sur cette proposition. Or l’ordre du jour est demandé, et on ne peut pas arriver à le mettre aux voix. Je demande le vote sur l’ordre du jour.
LE PRÉSIDENT. Il y a plusieurs ordres du jour, il y en a de motivés. (Bruit.) En bon français, l’ordre du jour veut dire que l’assemblée continue à discuter la question à l’ordre du jour.
PARISEL. Après ma motion.
URBAIN. Si vous aviez lu l’Officiel, vous verriez que vous êtes dans la plus profonde erreur.
VALLÈS. Il y a un peu de confusion, mais qui va disparaître facilement. Beaucoup de membres demandent l’ordre du jour en voulant dire qu’on ne parlera plus du Comité de salut public; et je viens dire, moi, à mes amis, de se rallier à cette proposition, parce qu’il ne faut pas de tumulte inutile et qu’il vaut mieux passer à des discussions sérieuses. Je demande que l’ordre du jour actuel consiste à abandonner la discussion sur le Comité de salut public et aborder la question du Mont-de-piété.
UN MEMBRE. Je demande qu’on passe à la discussion sur le Mont-de-piété.
L’assemblée, consultée par le citoyen président, décide que la discussion sur le Comité de salut public sera ajournée et passe à la question du Mont-de-piété.
LEFRANÇAIS. Une simple observation. Si vous n’écoutez pas les renseignements qui doivent vous être fournis par la Commission des Finances, vous allez discuter dans le vide.
LEFRANÇAIS. Je me suis mis en relation avec le citoyen André Cochut, directeur du Mont-de-piété, et voici les renseignements qui m’ont été fournis; en admettant le projet de décret qui fixe le maximum à 50 francs, et en ne tenant compte que des vêtements, linge, literie et instruments de travail, vous aurez environ 1.200.000 articles à dégager, représentant une valeur d’engagement de 12 millions, peut-être davantage. Quant au, maximum de délivrance, l’on ne peut dépasser 4.000 articles par jour, quelque diligence qu’on y mette. Il n’y a que trois magasins; cette circonstance et le contrôle à exercer empêchent de passer ce chiffre; or 4.000 articles par jour, pour 1.200.000, représentent environ dix mois à un an. À 30 francs, vous aurez un million d’articles, représentant 9 millions et demandant, pour le dégagement, de 9 à 10 mois. Voilà les éléments du problème. J’ai demandé s’il ne serait pas possible d’augmenter le nombre de dégagements journalier. Il m’a été répondu que c’était totalement impossible; l’expérience en a été faite, lors des derniers dégagements, sous le gouvernement du 4 septembre. On nous a ajouté qu’en donnant ce nombre, on n’avait aucun intérêt à le restreindre; que bien souvent déjà, l’administration a songé dans son intérêt à diminuer l’encombrement résultant d’un écoulement journalier aussi minime, mais elle n’y a pas réussi. J’ai demandé aussi ce qui aurait lieu, si la somme était descendue à 20 francs. Il m’a été répondu que le nombre d’objets engagés ne descendrait pas au-dessous de 900.000, ce qui s’explique facilement par ce fait que le nombre d’engagements est loin d’être proportionnel à la somme prêtée sur chaque objet et qu’il y avait infiniment plus d’articles à 3 francs qu’à 50 francs. Comme. vous voyez, je ne veux pas entrer dans la discussion; j’ai tenu seulement à vous indiquer les grandes difficultés pratiques que vous aurez à résoudre.
LE PRÉSIDENT. Vous n’avez pas de conclusions à nous présenter, citoyen Lefrançais ?
LEFRANÇAIS. Le citoyen Jourde vous parlera à ce sujet, mais vous voyez en somme que la publicité inopportune de nos premiers débats sur cette question a mis la Commune dans une impasse d’où il lui sera difficile de sortir.
LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Jourde.
JOURDE. Les conclusions qu’on demande à connaître sont très embarrassantes à exprimer. Un membre de cette assemblée demandait si l’on ne pourrait pas augmenter, par un moyen quelconque, le nombre des dégagements que le Mont-de-piété aurait à faire journellement. Non, ce n’est pas possible; parce qu’il faut prendre des garanties pour que l’emprunteur seul fasse le dégagement et, pour obtenir cette garantie, il faut que l’employé du Mont-de-piété ait ses livres sous les yeux; on ne pourrait faire la copie de livres qui indiquent l’engagement de plus de 1.200.000 articles, ou du moins ce serait très long et l’on risquerait de faire des confusions regrettables. Quelles conclusions puis-je vous donner? Vous avez soulevé cette question des dégagements, il faut la résoudre, je le comprends bien, car il serait impossible de laisser le débat où il en est. Voici une solution possible, je crois, mais qui est peut-être peu pratique. Il faudrait trouver le moyen de faire une liquidation, mais à une condition: c’est qu’on mettrait quelque chose, c’est-à-dire une autre institution, à la place du Mont-de-piété.
AVRIAL. Créez cette institution!
(À suivre.)