(Pas de compte rendu pour le 11 mai.)
Président: FÉLIX PYAT.
Assesseur: VAILLANT.
La séance est ouverte à 3 h. 1/2.

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LÉO MELLIET donne lecture d’un rapport qu’il a adressé à la Commune de Paris, au Comité de salut public et au délégué à la Guerre:
« RAPPORT A LA COMMUNE DE PARIS, AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC ET AU DÉLÉGUÉ À LA GUERRE.
« Le 10 mai, entre 11 heures du soir et minuit, le nommé Thibaut (Émile-Cadet), garde à la 2e compagnie de marche du 184e bataillon de la Garde nationale, a été arrêté, vêtu d’habits civils, à la tranchée qui relie la redoute des Hautes-Bruyères à la barricade de Villejuif, par le citoyen Soincerre (Louis), capitaine au 184e bataillon, et la citoyenne Cabot, cantinière audit bataillon.
«Conduit à la redoute, il a subi un interrogatoire devant le commandant de la redoute, le commandant du 184e et plusieurs officiers des 176e et 134e bataillons de la Garde nationale.
«À la suite de cet interrogatoire, il a été conduit au fort de Bicêtre et mis à la disposition du gouverneur.
«Dans la même nuit, le fil télégraphique a été coupé entre les Hautes-Bruyères et Bicêtre; quelque temps après l’arrestation, une colonne d’infanterie et de cavalerie versaillaise se dirigeait sur le point où a été arrêté Thibaut. Quelques obus, lancés des Hautes-Bruyères, ont suffi à la disperser. En même temps, une compagnie du 69e bataillon était surprise, à la tranchée de Moulin-Cachan, par les gendarmes versaillais.
«Frappé de la coïncidence de ces événements divers, le gouverneur de Bicêtre a provoqué immédiatement une Cour martiale, composée, sous sa présidence, de quatre membres, tirés au sort parmi les différents officiers, sous-officiers et gardes, placés sous son commandement.
« La Cour martiale a été ainsi constituée:
«Léo Melliet, président.
«Maunoury, capitaine au 133e bataillon, Monray, capitaine au 176e bataillon, Gasnof, lieutenant au 156e bataillon, Carton, sergent au 101e bataillon, Juges.
«Marelle, adjudant de place, greffier.
«De l’audition des témoins et de l’interrogatoire, tant préliminaire qu’à l’audience, de Thibaut, il résulte:
«1° Qu’il a abandonné son poste, le 10 mai, à 11 heures du matin; qu’il a échangé son costume de garde national contre des effets civils, pour se rendre à l’Haÿ;
«2° Qu’arrivé à l’Haÿ, il a donné au sieur Robinet; marchand de tabac, et aux différentes personnes se trouvant dans l’établissement, les renseignements les plus circonstanciés sur les forces, tant en hommes qu’en armes, et les munitions qui défendent les Hautes-Bruyères et les avant-postes de Cachan;
«3° Qu’il a révélé à l’ennemi les points faibles de la défense;
«4° Qu’il a servi de guide à la colonne versaillaise qui se portait à l’attaque des Hautes-Bruyères;
«5° Qu’il a entretenu avec l’ennemi des intelligences fréquentes, pour lesquelles il aurait reçu de l’argent, ce qu’il a affirmé, puis dénié.
«En présence des aveux de l’accusé, la cour, ayant délibéré, l’a déclaré coupable d’abandon de son poste devant l’ennemi, crime qui entraîne la peine de mort, et d’avoir entretenu des intelligences avec l’ennemi, crime entraînant également la peine de mort.
« En conséquence, le nommé Thibaut a été condamné à mort.
«L’exécution a eu lieu le 12 mai 1871, à 5 h. 20 minutes du matin, à la redoute des Hautes-Bruyères, en présence des citoyens Amouroux, Dereure et Melliet, membres de la Commune de Paris, et de différents détachements délégués des 69e, 101e, 133e, 156e, 176e, 177e, 184e, 185e et 98e bataillons de la Garde nationale.
«Le présent procès-verbal, fait et rédigé à Paris, le 12 mai 1871, à une heure de relevée.
«Le membre de la Commune, gouverneur de Bicêtre, président de la Cour martiale,
«LÉO MELLIET.»
(Approbation.)

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RIGAULT, procureur de la Commune. La Commune, hier, en mon absence, avait déclaré que le citoyen Jules Allix serait remis en liberté. Depuis, il s’est produit un fait grave que je suis forcé de porter à la connaissance de l’assemblée, comme procureur de la Commune. Les scellés avaient été apposés à la mairie du VIIIe arrondissement par un commissaire attaché au Comité de salut public. Le citoyen Allix a brisé ces scellés en arrivant à la mairie, hier, 11 mai, à 4 heures du soir. C’est, ou une étourderie, ou un crime, ou bien, comme l’a dit le docteur Rastoul, un acte de folie. Néanmoins, le flagrant délit étant évident, on a dû procéder à l’arrestation immédiate du citoyen Allix et je demande que cette mesure soit ratifiée par la Commune.
CLOVIS DUPONT. Il y a une fausse position. La Commune avait laissé Allix libre, et on demande qu’il soit maintenu en état d’arrestation.
RIGAULT. Un mot d’explication. Tout citoyen était apte à arrêter Allix, surpris en flagrant délit de bris de scellés. Le plus grand désordre règne à la municipalité du VIIIe arrondissement; il faut absolument que vous nous laissiez agir pendant huit jours, afin que Vaillant et moi puissions dégager notre responsabilité morale devant nos électeurs. Je ne demande pas qu’Allix soit mis à Mazas, mais en un lieu qu’un de ceux de nos collègues qui sont docteurs pourra indiquer à ma place.
VICTOR CLÉMENT. J’appuie la proposition de Rigault. On ne peut laisser à la tête d’une administration municipale un citoyen qui se permet des bris de scellés et qui ne jouit pas d’une grande réputation intellectuelle.
VAILLANT. J’ajouterai que la responsabilité de la Commune a été couverte par un ordre, signé de trois membres du Comité de salut public, sur la demande du Comité de vigilance.
ARNAUD, membre du Comité de salut public. Si la Commune ne prend pas des mesures pour nous débarrasser d’Allix, on sera réduit à le faire fusiller.
E. GÉRARDIN. Il est résulté des explications du citoyen Allix qu’il acceptait toute la responsabilité des faits qu’on lui reprochait, parce que ses collègues n’avaient pas pris part à l’administration municipale du VIIIe arrondissement. Quand j’ai voté la mise en liberté d’Allix, j’ai dit que je le faisais en demandant une enquête sur les faits fâcheux commis par ce citoyen.
RIGAULT. Dès qu’il a été mis en liberté, Allix s’est rendu à la mairie du VIIIe arrondissement et c’est alors qu’il a commis le crime de bris de scellés. J’ajoute que, dans mon opinion, Allix doit relever d’une commission médicale.
LE PRÉSIDENT. L’arrestation du citoyen Allix a été faite pour cause de bris de scellés, et elle doit suivre le cours que vous avez décidé par votre décret sur les membres de l’assemblée.
L’assemblée, consultée, décide que le citoyen Allix sera renvoyé devant la Commission d’enquête.
L’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. Il est adopté sans observations.
(À suivre.)