(Suite de la séance du 12 mai 1871.)

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MALON. J’appuie l’idée développée par le citoyen Fränkel. J’ajoute que différents secrétaires des associations ouvrières sont venus me trouver, me demandant s’il n’y aurait pas moyen de revenir sur les marchés passés. On paye aujourd’hui dans la proportion des 2/5 en moins que le gouvernement du Quatre-Septembre, qui avait fait un cahier des charges pour les prix; aujourd’hui, ce cahier des charges n’existe pas. Aux Batignolles, on fait des vareuses à 6 sous par jour; il n’est pas possible de continuer un pareil état de choses; l’intendance s’est trompée, on doit réviser les contrats. À la prochaine séance, nous vous présenterons un rapport et un nouveau projet de travail.
SERRAILLIER. La commission, dont je fais partie, vous propose des conclusions. À l’avenir, les contrats, qui seront passés, le seront avec la Commission du Travail et de l’Échange, qui appellera dans son sein des hommes compétents. Nous demandons la révision des traités passés. Il faut aviser parce que l’ouvrier, ne trouvant pas un prix rémunérateur de son travail, vient, d’un autre côté, réclamer les moyens de se procurer des subsistances. Je demande un vote d’urgence.
PLUSIEURS VOIX. Adopté!
ARNOULD. Je trouve la question extrêmement grave; elle touche à l’honneur de la Commune. Il y a, pour moi, urgence à trancher cette question, qui est de premier ordre.
VICTOR CLÉMENT. Je demande que les marchés conclus soient résiliés.
(Réclamations.)
SERRAILLIER. Je demande simplement que nous ayons le droit de réviser les traités passés.
UN MEMBRE. La résiliation, pure et simple, ce serait la ruine de toutes les associations.
J.-B. CLÉMENT. Il faut que l’on prenne des mesures sérieuses; si l’on n’en prenait point, il y aurait, à coup sûr, une manifestation imposante des ouvrières.

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VÉSINIER. Je demande à faire une proposition:
«1° La Commission du, Travail et d’Échange est autorisée à réviser les marchés, conclus jusqu’à ce jour par la Commune;
«2° La Commission du Travail et d’Échange demande que les marchés soient directement adjugés aux corporations et que la préférence leur soit toujours accordée;
«3° Les conditions des cahiers des charges et les prix de soumission seront fixés par l’intendance, la Chambre syndicale de la corporation et une délégation de la Commission du Travail et d’Échange, le délégué et la Commission des Finances entendus.»
JOURDE dépose un quatrième article ainsi conçu :
«4° Les cahiers des charges, pour toutes les fournitures à faire à l’administration communale, porteront dans les soumissions desdites fournitures les prix minimum du travail à la journée, ou à la façon, à accorder aux ouvriers ou ouvrières, chargés de ce travail.»
BERGERET. J’appuie la proposition du citoyen Fränkel. J’invite mes collègues à m’envoyer des ouvrières, j’en occupe déjà 2.000.
JOURDE. La révision, que l’on propose, apportera une entrave aux fournitures. Si la mesure était adoptée, les entrepreneurs ne sauraient plus à qui s’adresser. Il ne faut pas oublier qu’il y a des fournitures urgentes, que l’on est obligé de payer dans les vingt-quatre heures; pour ces opérations, il ne peut y avoir de révision. Pour moi, il faudrait que la Commission d’Échange n’eût qu’un contrôle à exercer; lui faire. réviser les traités déjà passés, ce serait nous mettre dans l’impossibilité d’en faire de nouveaux.
SERRAILLIER. Nous ne demandons pas l’annulation des marchés déjà faits; nous voulons seulement empêcher l’exploitation de la classe ouvrière, en établissant une commission de contrôle, qui veillerait à ce que les prix soient établis arbitralement entre les ouvriers et les chambres syndicales, ou les entrepreneurs. Pour répondre au citoyen Bergeret, au sujet du travail des femmes, je lui dirai que la Commission de Travail et d’Échange s’est fait adresser, par les diverses mairies, les ouvrières qui manqueraient d’ouvrage. Le citoyen Bergeret n’a donc qu’à nous prévenir du nombre qu’il en peut employer.
RÉGÈRE. Je ferai remarquer que, si la proposition du citoyen Serraillier doit, comme le citoyen Jourde vient de nous le déclarer, entraver la confection des habillements pour la Garde nationale, cela serait déplorable; car, dans mon arrondissement, entre autres, on se plaint justement que l’habillement ne marche que très lentement.
FRÄNKEL. Je comprends fort bien la situation du citoyen Jourde et, comme lui, je ne voudrais pas entraver les marchés en cours d’exécution; ce que je demande, c’est que, dans chaque cahier des charges apporté par des entrepreneurs, il soit fait mention des salaires qu’ils offriront à leurs ouvriers, afin que la Commission du Travail choisisse l’entrepreneur qui offre le plus d’avantages à l’ouvrier.
MALON. Nous demandons simplement que le travail soit réparti sur une base équitable et scientifique. Dans les fournitures qui seront faites, il me paraît bon que nous puissions connaître les prix du travail et de la matière première pour les contrôler.
VICTOR CLÉMENT. Je dis que vous ne pouvez pas changer les termes d’un contrat; vous ne pouvez que résilier ce contrat. Quant aux associations, je voudrais que les bénéfices, si minimes qu’ils soient, que pourrait faire l’entrepreneur, fussent acquis aux ouvriers. Il est temps que les travailleurs ne soient plus exploités.
CLÉMENCE. Dans le IVe arrondissement, on payait, sous le gouvernement du Quatre-Septembre, les vareuses 4 francs. Aujourd’hui on ne les paye plus que 2 fr. 75. Je demande que l’intendance soit mise en demeure de rétablir les prix d’une façon plus rémunératrice et que l’on ouvre des ateliers de confection pour les femmes.

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JOURDE, délégué aux Finances. Il est évident que la préoccupation des entrepreneurs est d’établir des prix inférieurs à ceux de leurs collègues, en arrachant du bénéfice aux ouvriers. Les marchés devraient toujours contenir le maximum et le minimum du salaire des ouvriers, qui, en somme, sont les véritables exécuteurs du marché. Je voudrais qu’on fît de cette proposition l’objet d’un 4e article que j’ai déposé
BILLIORAY. Je voudrais que la Commune n’accordât de travaux qu’aux associations ouvrières. Ce serait le premier pas sérieux fait dans la voie du socialisme.
(La clôture !)
VÉSINIER. J’ai toujours été de cet avis; nous devons abolir l’exploitation. C’est pour cela que je demande que les adjudications de travaux soient faites, directement et préférablement, aux associations ouvrières.
LE PRÉSIDENT. Je mets la clôture aux voix. La clôture est mise aux voix et prononcée.
LE PRÉSIDENT. Je vais donner lecture des conclusions de la Commission de Travail et Échange.
CONCLUSIONS.
«La Commission du Travail et de l’Échange demande que les marchés, qui pourront être directement passés avec les corporations, leur soient confiés.
«Les prix seront arbitralement fixés avec l’intendance, la Chambre syndicale de la corporation et une délégation de la Commission du Travail et de l’Échange.
«Le Membre de la Commune,
délégué à la Commission du Travail et de l’Échange,
«LÉO FRÄNKEL.»
(À suivre.)
Au sommaire du blog de Michèle Audin, à la date du 27 novembre 2016
Gustave Maroteau, personnalité de la Commune