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(Suite de la séance du 6 mai 1871 [la Commune est réunie en Comité secret].)
J.-B. CLÉMENT. Chaque fois que nous consulterons les Finances, on nous dira qu’il n’y a pas moyen de faire de sacrifices. L’on aurait dû prendre des mesures pour pouvoir être plus généreux vis-à-vis de ceux qui se battent pour notre cause et qui ont besoin d’aide. Je demande qu’on soit aussi large que possible; le décret sur le Mont-de-piété est le seul dont le peuple pourra jouir. Je demande que, si vous acceptez la somme de 20 francs je ne demande pas 30 francs, car on arriverait aux choses de luxe, vous décidiez que l’on pourra dégager les instruments de travail engagés pour plus de 20 francs, à la condition de payer la différence. Cette mesure aurait pour résultat de faire rentrer ainsi un peu d’argent.
LE PRÉSIDENT. Rédigez votre proposition.
JOURDE. Auparavant, laissez-moi vous lire le projet de décret sur le Mont-de-piété. Le voici dans toute sa simplicité.
JOURDE donne lecture du projet:
Décret sur le Mont-de-piété.
«La Commune décrète:
«Art. 1er. Toute reconnaissance du Mont-de-piété antérieure au 25 avril 1871, portant engagement d’effets d’habillement, de meubles, de linge, d’objets de literie et d’instruments de travail, ne mentionnant pas un prêt supérieur à la somme de 20 francs, pourra être dégagée gratuitement à partir du 12 mai courant.
«Art. 2. Les objets ci-dessus désignés ne pourront être délivrés qu’au porteur qui justifiera, en établissant son identité, qu’il est l’emprunteur primitif.
«Art. 3. Le délégué aux Finances sera chargé de s’entendre avec l’administration du Mont-de-piété, tant pour ce qui concerne le règlement de l’indemnité à allouer que pour l’exécution du présent décret.»
DEREURE. Quand j’ai demandé la parole, il y a deux ou trois jours, sur la proposition d’Avrial, disant qu’il s’en remettait à la Commission des Finances pour fixer le maximum, je n’avais pas bien compris; je croyais que la somme indiquerait le maximum du dégagement que pourrait faire chaque individu; du moment que la Commission des Finances nous dit que toute reconnaissance, jusqu’à concurrence de 20 francs, pourra être retirée, je n’ai qu’à m’incliner. Je me contente de faire remarquer qu’il me semble que l’on pourrait, en opérant les dégagements dans tous les bureaux, délivrer beaucoup plus de 4.000 articles par jour?
LEFRANÇAIS. Je sais qu’il y a vingt-quatre grands bureaux, mais je répète qu’il n’y a que trois grands magasins où puissent s’effectuer le dégagement. Je suis allé très souvent dégager des objets et, quand j’ai été heureux, j’ai toujours attendu au moins une demi-heure.
(C’est vrai!)
UN MEMBRE. Oui, mais avec quel personnel? Avec un personnel qui ne tenait point à être agréable au public.
DEREURE. À notre arrondissement, nous avons dégagé en janvier pour 18.000 francs d’articles; je puis affirmer que si ces objets avaient été dégagés dans les bureaux respectifs, au lieu de l’être au bureau central, cela eût été plus vite fait. Il faudrait décentraliser ce service.
UN MEMBRE. On s’arrangera pour cela plus tard.
DEREURE. Nous avons parlé du dégagement d’une foule de choses, de mobiliers, d’outils, de vêtements, mais je crois que vous avez oublié les livres.
PARISEL. Les livres sont des instruments de travail; ils sont compris par conséquent dans notre décret.
(Oui! Oui!)
UN MEMBRE. Les livres de science seulement.
JOURDE. Si nous rentrons dans ces questions de détail, nous n’en sortirons pas; et notre tâche, déjà difficile, deviendra impossible. Je dis qu’il faut que nous restions dans le domaine très large des dégagements en dessous de 20 francs, quel que soit l’objet engagé. Sans doute, il y aura des inutilités qui passeront, mais, si nous voulons en faire la nomenclature, nous n’aboutirons à rien. Pour ce qui est de la question des 4.000 objets dégagés par jour, je me suis borné à vous rendre compte du fait, purement et simplement, parce qu’il me paraissait impossible de dépasser ce chiffre. Si vous, de votre côté, vous trouvez un moyen, tant mieux! je suis prêt à l’exécuter.
LEFRANÇAIS. Devant ce maximum d’articles à dégager journellement, j’ai demandé au citoyen Cochut si, les Finances en faisant les frais, il n’y avait pas moyen d’établir des succursales qui activeraient le travail. Il m’a répondu que ce n’était pas la question des bureaux qui mettait des entraves à la chose, mais bien celle des magasins et du contrôle, à laquelle nous ne pouvons rien.
PARISEL. Il est très regrettable que le chiffre de 50 francs ait été précédemment mis en avant; si aujourd’hui le chiffre de 20 francs est adopté, je demande que les motifs en soient parfaitement indiqués au public. Je ferai observer en outre que les objets placés pour une somme supérieure à 50 francs, mais qui ne sont pas cependant des objets de luxe, sont cependant de première nécessité; telles sont les machines à coudre par exemple; je demande que l’on rende aussi ces objets. Pour la facilité du travail, la seule difficulté consiste dans le petit nombre de livres d’inscription des objets; s’il n’y a que trois magasins, il ne peut en effet y avoir que trois livres. Si le petit nombre des livres était la seule objection à la facilité du débit, je crois qu’elle pourrait être levée, quand même on devrait faire imprimer les indications des livres pour les avoir eh grand nombre. Puisque la constatation de l’identité suffirait, une copie ainsi faite des livres résoudrait la question; si maintenant, la reproduction de la signature était nécessaire, il n’y aurait pas encore là d’impossibilité matérielle; il suffirait de faire photographier ces signatures.
(À suivre.)