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Billet de blog 31 mai 2016

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Commune de Paris. Séance du 6 mai 1871 (XI).

ALLIX. «Ne faisons pas de décrets pour qu’on nous en sache gré; faisons avant tout des décrets pour le bien, pour la justice, et soyez sûrs que malgré tout on vous en sera reconnaissant.»

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Illustration 1
Commune de Paris, Jules Allix. © Eloi Valat.

(Suite de la séance du 6 mai 1871 [la Commune est réunie en Comité secret].)
FRÄNKEL. J’ai adhéré dernièrement au décret proposé par Avrial et j’exprimais même le désir qu’on pût élever jusqu’à 80 francs le taux de dégagement des machines et outils de travail. Après les explications fournies par le délégué aux Finances, je vois que l’exécution de ce décret est impossible. Mais je suis en présence d’une autre question. Si nous voulons faire un décret sur les engagements faits au Mont-de-piété, c’est probablement pour faire du bien à la population, et alors il faut prendre, des mesures plus urgentes, plus nécessaires. Dernièrement, je disais à Jourde que les femmes de Paris étaient sans travail en ce moment, que les gardes nationaux n’avaient pour vivre que leurs 30 sous; qu’enfin la misère était générale pour les ouvrières de Paris et que je me proposais, d’accord avec la Commission du Travail et de l’Échange, d’organiser des ateliers. Mais non pas des ateliers nationaux; ce seraient des ateliers où l’on distribuerait du travail, et où les femmes recevraient du travail à faire dans leur ménage, car, tout en procurant du travail, nous tenons en même temps à faire des réformes dans le travail des femmes.
En entendant le délégué aux Finances dire qu’il pourrait disposer de 8 à 10 millions pour les dégagements, je me demande si nous ne ferions pas beaucoup plus en procurant du travail aux femmes, en admettant pour plus tard les conclusions du rapport de la Commission du Travail et de l’Échange sur la liquidation des monts-de-piété. La Commission du Travail, en faisant son rapport, n’a pas entendu conseiller une liquidation immédiate. Quand nous aurons réformé notre état économique, on pourra liquider cette situation; mais, pour réformer l’état économique, il faut organiser le travail. Si vous ne procurez pas du travail, vous n’aurez fait qu’un changement de courte date. En effet, quand on aura dégagé les objets du Mont-de-piété, au bout de quinze jours la misère sera toujours la même.
En acceptant les conclusions de la Commission du Travail, il sera possible de retirer divers objets de travail indispensables, tels que les machines à coudre par exemple. Si l’on adopte la proposition Jourde, je l’accepterai; mais, cependant, je pense qu’il vaut encore mieux procurer du travail aux femmes pour qu’elles restent dans leur ménage au moyen des ateliers que je propose.
JOURDE. Je demande à répondre à Fränkel. J’ai été interpellé personnellement.
JOHANNARD. J’ai demandé la parole contre.
LE PRÉSIDENT. On ne peut pas empêcher le délégué aux Finances et celui de la Commission de répondre chaque fois. Citoyen Jourde, vous avez la parole.
JOURDE. Voici ce que je réponds. J’ai dit que les 8 millions en question seraient payés à raison de 100.000 francs par semaine. Cela ne ferait pas tout à fait 8 millions à donner de suite pour le travail des femmes. Mais je ne refuse pas des subsides pour ce travail, puisque je disais dernièrement à Malon: «Les Finances auront toujours 100.000 francs par semaine pour le Travail des femmes. Il me sera toujours facile de vous ouvrir un crédit.» Je ne puis pas répondre mieux à Fränkel. Je suis entièrement à sa disposition pour cela; mais, ainsi que je l’ai dit, les 8 millions du Mont-de-piété seront payés par 100.000 francs par semaine, ce qui ne constitue pas un capital de 8 millions immédiatement disponible.
LE PRÉSIDENT. Citoyen Fränkel, je vous donne la parole, non pour faire un discours, mais seulement pour dire deux mots.
FRÄNKEL. Je retire ma proposition, puisque le citoyen Jourde s’engage, non seulement à faciliter le dégagement des objets, mais aussi à donner une somme de 100.000 francs par semaine, jusqu’à concurrence d’autant de millions qu’il sera nécessaire pour le dégagement absolu des objets pour organiser le travail des femmes.
ALLIX. Cette question du Mont-de-piété qui est si grave, n’est grave que parce qu’on n’aborde pas la liquidation. Si vous vouliez vous placer en face des difficultés, non seulement d’argent, mais de travail, vous auriez l’organisation du travail et la suppression de la misère. Il faudrait envisager la possibilité de donner, à ces gens qui ont besoin, la satisfaction du besoin même. Si ceux qui ont mis des objets au Mont-de-piété prouvaient qu’ils ont besoin de ces objets, on pourrait remplacer ces objets par un prêt, qui leur permettrait de remplacer ces objets usés par des objets neufs. Alors, vous tireriez cette grosse épine de 10 millions qui vous embarrasse.
Qu’importe que vous donniez en prêts ou en dégagements du Mont-de-piété aux personnes qui ont besoin de leurs objets. Pour arriver à dégager jusqu’à 20 francs, vous vous donnez beaucoup de peine et vous multipliez les difficultés. Envisagez donc l’organisation du travail. Dites aux personnes qui ont mis des objets au Mont-de-piété et qui prouveront qu’elles en ont besoin, que nous leur en donnerons de nouveaux.
Croyez-le bien: il y en a dans les ateliers; et, en même temps que vous organiseriez le travail, vous feriez la liquidation du commerce, qui est d’une gravité pour le moins aussi grande que celle des Monts-de-piété. Donnez aux gens la satisfaction de leurs besoins, que ce soit sous forme de prêt, sous forme de travail, sous une forme quelconque, et soyez bien sûrs que vous aurez bien agi.
Ne faisons pas de décrets pour qu’on nous en sache gré; faisons avant tout des décrets pour le bien, pour la justice, et soyez sûrs que malgré tout on vous en sera reconnaissant. (Interruptions en sens divers.) On m’a accusé d’interrompre souvent ici; eh bien! je constate qu’il n’y a pas que moi qui interrompe; et je crois que, quand le public sera admis à nos séances, on n’oubliera pas les grands principes que nous représentons. Je ne sais pas comment vous envisagez la chose, mais je vous demande de me laisser exposer mon sujet en entier.
CLÉMENT. Je dis qu’on ne doit pas écouter la discussion d’un nouveau projet; quand un projet est en discussion, il faut le suivre.
LE PRÉSIDENT. Oui, restez dans le domaine du projet.
CLÉMENT. Parfaitement, et je conclus en demandant à l’assemblée de ne pas faire de discussions oiseuses et de s’en tenir à la question sur le Mont-de-piété seulement.
ALLIX. Les motions d’ordre sont toujours du désordre. (Rires.) Je dis que, quand on a des difficultés d’argent et qu’on passe son temps à chercher toutes les combinaisons du bien, comme fait Jourde, le citoyen Varlin lui a dit ce qu’il avait à faire pour être dans le sentiment du vrai, dans la situation exacte; c’est de supprimer les 12 millions.
(Bruit.)
ARNOULD. La conclusion
ALLIX, se rasseyant. Je m’en rapporte à vous pour la faire.

(À suivre.)

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