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Billet de blog 1 novembre 2022

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Discours de Lula, 30 Octobre 2022

Traduction vers le français du discours prononcé par Lula le 30 Octobre 2022, après l'annonce de sa victoire aux élections présidentielles brésiliennes. Traduction amateure, basée sur la retranscription du discours par Jornalistas Livres.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Premièrement, je voudrais féliciter chaque coéquipier, chaque coéquipière qui se trouve ici derrière moi, qui ont joué un rôle important dans cette campagne, en particulier les personnes qui nous ont rejoint pour le deuxième tour, comme la coéquipière Simone, qui était candidate pour le parti PMDB.


Notre coéquipière Eliziane, notre chère sénatrice de l’état du Maranhão, qui nous a beaucoup aidé.e.s. Tous les autres autres ici sont tous des marins… Vous savez, des marins qui prennent la mer pour la première fois. Je veux débuter cette petite prise de parole, que je vais vous lire, avec mes remerciements à Dieu, parce que moi, toute la vie, j’ai toujours pensé que Dieu avait toujours été très généreux avec moi, de m’avoir permis de sortir de là d'où je viens, d'arriver là où je suis arrivé. Surtout en ce moment, alors que nous faisons face à un adversaire. Nous ne faisons pas face à un candidat, nous faisons face à la machine d’Etat brésilienne mise au service du candidat de la situation pour tenter d’éviter que nous gagnions les élections. Et grâce au peuple brésilien, que je veux remercier de tout mon cœur, le peuple qui a voté pour moi, le peuple qui a voté pour l’adversaire, le peuple qui est allé aux urnes, qui a daigné tenir son engagement citoyen, ce peuple, je veux le féliciter. Surtout, je veux féliciter les personnes qui ont voté pour moi, parce que je me considère comme un citoyen qui est passé par un processus de résurrection dans la politique brésilienne. On a essayé de m’enterrer vivant, et aujourd’hui je suis là.


Je suis ici pour gouverner ce pays qui traverse une situation très difficile, mais j’ai la foi en Dieu que, avec l’aide du peuple, nous allons trouver une issue pour que ce pays se remettre à vivre en démocratie et en harmonie, que nous pourrons même rétablir la paix entre les familles, entre les opinions divergentes, pour que nous puissions construire le monde dont nous avons besoin et le Brésil. Je veux remercier mon camarade Fernando Haddad, mon grand allié, qui a fait une campagne extraordinaire. Et Ana Estela, son épouse. Et Marina Silva, note coéquipière qui vient d’arriver.


Je vais mettre mes lunettes, et Janja va tourner les pages pour moi.


Nous voilà arrivé.e.s au terme de l’une des élections les plus importantes de notre histoire. Une élection qui a mis face à face deux projets opposés pour le pays, et qui n’a aujourd’hui qu’un seul grand vainqueur: le peuple brésilien.

Ceci n’est pas une victoire personnelle, ni du PT (Parti des Travailleurs), ni des partis qui m’ont soutenu pendant cette campagne. C’est la victoire d’un immense mouvement démocratique qui s’est formé au-delà des partis politiques, des intérêts personnels et des idéologies, pour que la démocratie sorte gagnante.

En ce 30 octobre historique, la majorité du peuple brésilien a clairement montré qu’elle voulait plus — et pas moins — de démocratie.

Elle veut plus — et pas moins — d’inclusion sociale et d’opportunités pour tous. Elle veut plus — et pas moins — de respect et de compréhension entre les brésiliens. En somme, elle veut plus — et pas moins — de liberté, d'égalité et de fraternité pour notre pays.

Le peuple brésilien a montré aujourd’hui qu’il voulait plus que simplement exercer son droit sacré de choisir qui gouvernera sa vie. Il veut prendre activement part aux décisions du gouvernement.

Le peuple brésilien a montré aujourd’hui qu’il souhaitait plus que le simple droit de protester parce qu’il a faim, parce qu’il n’y a pas de travail, parce que son salaire ne suffit par pour vivre correctement, parce qu’il n’a pas accès à la santé et à l’éducation, parce qu’il lui manque un toit pour vivre et élever ses enfants en sécurité, parce qu’il n’y a pas d’avenir.

Le peuple brésilien veut vivre bien, manger bien, être bien logé. Il veut un bon travail, un salaire réajusté toujours au-dessus de l’inflation, il veut avoir accès à un système de santé et à une éducation publiques et de qualité.

Il veut la liberté religieuse. Il veut des livres plutôt que des armes. Il veut aller au théâtre, au cinéma, avoir accès à tous les biens culturels, car la culture nourrit notre âme.

Le peuple brésilien veut retrouver l’espoir.

C’est comme ça que je comprends la démocratie. Pas seulement comme un joli mot inscrit dans la loi, mais comme quelque chose de palpable, que nous sentons dans notre chair, et que nous pouvons construire chaque jour.

C’est cette démocratie, au sens le plus large du terme, que le peuple brésilien a choisie aujourd’hui dans les urnes. C’est avec cette démocratie — réelle et concrète — que nous avons tenu notre engagement tout au long de notre campagne.

C’est cette démocratie que nous allons chercher à construire chaque jour de notre gouvernement. Avec une croissance économique répartie entre toute la population, parce que c’est ainsi que l’économie doit fonctionner — comme un instrument permettant d’améliorer la vie de tous, non pas perpétuant les inégalités.

La roue de l’économie va recommencer à tourner, avec une génération d’emplois, la revalorisation des salaires et la renégociation des dettes des familles qui ont perdu leur pouvoir d’achat.

La roue de l’économie va recommencer à tourner en incluant les plus pauvres dans l’équation. A travers le soutien des petits et moyens producteurs ruraux, responsables de 70 % des aliments qui arrivent dans nos assiettes.

Avec tous les encouragements possibles pour les petits et moyens entrepreneurs, pour qu’ils puissent mettre leur extraordinaire potentiel créatif au service du développement du pays.

Et il faut aller au-delà. Il faut renforcer les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, et garantir qu’elles gagnent le même salaire que les hommes pour des fonctions équivalentes.

Il faut faire face, sans relâche, au racisme, aux préjugés et à la discrimination, pour que les personnes blanches, noires et autochtones aient les mêmes droits et opportunités.

C’est seulement de cette manière que nous serons capables de construire un pays qui soit le nôtre à tous. Un Brésil égalitaire, dont la priorité sont les personnes qui se trouvent le plus dans le besoin.

Un Brésil de paix, démocratie et opportunités.

Mes amies, mes amis.

A partir du 1er janvier 2023, je vais être le président de 215 millions de brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi. Il n’y a pas deux Brésils. Nous sommes un seul et unique pays, un seul peuple, une grande nation.

Personne ne veut vivre dans une famille où règne la discorde. Il est temps de rassembler à nouveau les familles, de recréer les liens d’amitiés rompus à cause de la propagation criminelle de la haine.

Personne ne veut vivre dans un pays divisé, en état de guerre permanent.

Ce pays a besoin de paix et d’union. Ce peuple ne veut plus être en conflit. Ce peuple est fatigué de voir en l’autre un ennemi à craindre ou à détruire.

Il est temps de baisser les armes, qui n’auraient jamais dû être brandies. Les armes tuent. Et nous, nous choisissons la vie.

Le défi est immense. Il faut reconstruire ce pays dans toutes ses dimensions. Sa politique, son économie, ses affaires publiques, son harmonie institutionnelle, ses relations internationales, et surtout, son soin aux plus nécessiteux.

Il faut reconstruire l’âme même de ce pays. Retrouver sa générosité, sa solidarité, le respect face aux différences et l’amour du prochain.

Retrouver la joie d’être brésiliens, et la fierté que nous avons toujours eue des couleurs verte et jaune du drapeau de notre pays. Le vert et jaune de ce drapeau qui n’appartiennent à personne, à personne d’autre qu’au peuple brésilien.

Notre engagement le plus urgent est d’en finir, une fois encore, avec la faim. Nous ne pouvons pas accepter comme quelque chose de normal que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants n’aient pas à manger dans ce pays, ou consomment moins de calories et de protéines que ce dont le corps a besoin.

Si nous sommes le troisième plus grand producteur mondial d’aliments et le premier de protéines animales, si nous avons la technologie et une immensité de terres cultivables, si nous sommes capables d’exporter dans le monde entier, alors il est notre devoir de garantir que chaque brésilien puisse avoir un petit déjeuner, un déjeuner et un dîner tous les jours.

Ceci sera, une nouvelle fois, l’engagement numéro 1 de notre gouvernement.

Nous ne pouvons pas accepter comme quelque chose de normal le fait que des familles entières soient obligées de dormir dans la rue, dans le froid, la pluie et la violence.

Pour cela, nous reprendrons le programme Minha Casa Minha Vida [Ma Maison Ma Vie], en donnant la priorité aux familles aux revenus modestes, et reprendrons les programmes d’inclusion sociale qui ont sorti de l’extrême pauvreté 36 millions de Brésiliens.

Le Brésil ne peut plus vivre avec cet immense fossé sans fond, ce mur de béton et d’inégalité qui sépare le pays en parties inégales qui ne se reconnaissent pas entre elles. Ce pays doit se reconnaître. Il doit se retrouver lui-même.

En plus de combattre l’extrême pauvreté et la faim, nous rétablirons le dialogue dans le pays.

Il est nécessaire de reprendre le dialogue avec les pouvoirs Législatif et Judiciaire. Sans essayer de transgresser, d’intervenir, de contrôler ou d’acheter, mais en cherchant à construire la cohabitation harmonieuse et républicaine entre les trois pouvoirs.

La normalité démocratique est inscrite dans la Constitution. C’est elle qui définit les droits et les obligations de chacun des pouvoirs, de chacune des institutions, des Forces Armées et de chacun d’entre nous.

La Constitution régit notre existence collective, et personne, absolument personne, ne se trouve au-dessus. Personne n’a le droit de l’ignorer ou de la confronter.

Il est aussi plus qu’urgent de reprendre le dialogue entre le peuple et le gouvernement.

C’est pour cela que nous rétablirons les conférences nationales. Ceci afin que les intéressés choisissent leurs priorités, et présentent au gouvernement leurs suggestions de politique publique dans chaque domaine: éducation, santé, sécurité, droits des femmes, égalité raciale, jeunesse, logement et tant d’autres encore.

Nous reprendrons le dialogue avec les gouverneurs [de chaque Etat] et les maires, afin de définir ensemble les tâches à effectuer en priorité selon chaque population.

Ceci indépendamment du parti politique des gouverneurs ou des maires. Notre engagement sera toujours celui de l’amélioration de la vie de la population dans chaque état, chaque commune du pays.

Nous rétablirons également le dialogue entre le gouvernement, les chefs d’entreprise, les ouvriers et la société civile organisée, à travers le retour du Conseil de Développement Economique et Social.


En d’autres mots, les grandes décisions politiques qui impactent la vie de 215 millions de brésiliens ne seront pas prises en silence, en pleine nuit, mais seront le fruit de vastes dialogues avec la société.

Je crois que les problèmes principaux du Brésil, du monde, de l’être humain, peuvent être résolus à travers le dialogue, pas à travers la force et la violence.

Que personne de doute du pouvoir des mots lorsqu’il s’agit de chercher la compréhension et le bien commun.

Mes amis, mes amies.

Lors de mes voyages à l’international, et des échanges que j’ai continué d’avoir avec les leaders de nombreux pays, ce que j’entends le plus souvent est à quel point le Brésil manque au monde.

Le Brésil qui lui manque est le Brésil souverain, qui parlait d’égal à égal avec les pays les plus riches et puissants. Et qui en même temps contribuait au développement des pays les plus pauvres.

Le Brésil qui a soutenu le développement des pays africains, à travers des coopérations, des investissements et le transfert de technologie.

Le Brésil qui a travaillé pour l’intégration de l’Amérique du Sud, de l’Amérique latine et des Caraïbes, qui a consolidé le Mercosul, qui a aidé à créer le G-20, la UnaSul, la Celac et les BRICS.

Aujourd’hui nous disons au monde que le Brésil est de retour. Que le Brésil est bien trop grand pour être relégué à ce triste rôle de paria du monde.

Nous reconquerrons la crédibilité, la prévisibilité et la stabilité du pays, pour que les investisseurs — nationaux et internationaux — retrouvent confiance en le Brésil. Pour qu’ils cessent de voir le Brésil comme une source de profit immédiat et prédateur, et qu’ils deviennent nos alliés dans la reprise de la croissance économique, pensée en accord avec l’inclusion sociale et le développement durable.

Nous voulons un commerce international plus juste. Reprendre nos partenariats avec les Etats-Unis et l’Union Européenne sur de nouvelles bases. Les accords commerciaux qui condamnent notre pays à un éternel rôle d’exportateur de « commodities » et de matières premières ne nous intéressent pas.

Nous allons ré-industrialiser le Brésil, investir dans l’économie verte et digitale, soutenir la créativité de nos chefs d’entreprise et entrepreneurs. Nous voulons également exporter nos savoirs.

Nous lutterons cette fois encore pour une nouvelle gouvernance internationale, avec l’inclusion de plus de pays au Conseil de Sécurité de l’ONU et la fin du droit de veto, qui porte atteinte à l’équilibre entre les nations.

Nous sommes prêts à nous engager une nouvelle fois face à la lutte contre la faim et l’inégalité dans le monde, et à mettre nos efforts au service de la paix entre les peuples.

Le Brésil est prêt à retrouver son rôle de protagoniste dans la lutte contre la crise climatique, en protégeant tous nos écosystèmes, en premier lieu la forêt amazonienne.

Pendant mes précédents mandats, nous avons été capables de réduire à 80% la déforestation en Amazonie, en diminuant de manière considérable l’émission de gaz à effet de serre qui provoquent le réchauffement climatique.

Cette fois, nous lutterons pour la déforestation zéro de l’Amazonie.

Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie vivante. Un arbre vivant vaut plus que des tonnes de bois coupé illégalement par ceux qui ne pensent qu’au profit facile, engendrant la détérioration de la vie sur la Terre.

Une rivière aux eaux pures vaut beaucoup plus que tout l’or extrait avec du mercure qui détruit la faune et met en péril la vie humaine.

Quand une enfant autochtone meurt assassinée par la cupidité des prédateurs de l’environnement, une partie de l’humanité meurt avec elle.

C’est pour cela que nous reprendrons le suivi et la surveillance de l’Amazonie, et nous combattrons toute activité illégale — que cela soit le garimpo [extraction d’or], l’extraction minière, la coupe de bois ou l’occupation agricole abusive.

En même temps, nous promouvrons le développement durable des communautés qui vivent dans la région amazonienne. Nous prouverons une fois encore qu’il est possible de générer de la richesse sans détruire l’environnement.


Nous sommes ouverts à la coopération internationale pour préserver l’Amazonie, que cela soit sous la forme d’investissements ou de recherche scientifique. Mais ceci toujours sous la direction du Brésil, sans ne jamais renoncer à notre souveraineté.

Nous avons un engagement auprès des peuples autochtones, auprès des autres peuples de la forêts et de la biodiversité. Nous voulons la pacification environnementale.

Nous ne voulons pas la guerre pour l’environnement, mais nous sommes prêts pour le défendre face à quelconque menace.

Mes amis, mes amies.

Le nouveau Brésil que nous construirons à partir du 1er janvier prochain ne s’intéresse pas seulement au peuple brésilien, mais à toutes les personnes qui travaillent pour la paix, la solidarité et la fraternité, dans n’importe quel endroit du monde.

Mercredi dernier, le Pape Francisco a envoyé un message important au Brésil, dans lequel il priait pour que le peuple brésilien se libère de la haine, de l’intolérance et de la violence.

Je veux exprimer que nous souhaitons la même chose, et nous travaillerons sans relâche pour un Brésil où l’amour gagnera sur la haine, la vérité sur les mensonges, et où l’espoir sera plus grand que la peur.

Tous les jours de ma vie je me rappelle le plus grand enseignement de Jésus-Christ; l’amour de son prochain. Pour cela, je crois que la plus grande vertu d’un bon dirigeant sera toujours l’amour — pour son pays et pour son peuple.


En ce qui nous concerne, il ne manquera pas d’amour dans ce pays. Nous prendrons soin avec beaucoup de tendresse du Brésil et du peuple Brésilien. Nous vivrons une nouvelle ère. De paix, amour et espoir.

Une ère pendant laquelle le peuple brésilien aura à nouveau le droit de rêver. Et aura à nouveau les opportunités de réaliser ce dont il rêve.

Pour cela, j’invite chaque brésilien et chaque brésilienne, indépendamment du candidat pour qui il ou elle a voté pour cette élection. Plus que jamais, unissons nous pour le Brésil, en portant notre regard vers ce qui nous unit plutôt que vers nos différences.

Je suis conscient de l'ampleur de la mission que l’histoire m’a réservée, et je sais que je ne pourrai pas l’accomplir seul. J’aurai besoin de tous — les partis politiques, les gouverneurs, les maires, les fidèles de toutes les religions. Des Brésiliens et Brésiliennes qui rêvent à un Brésil plus développé, plus juste et fraternel.

Je vais dire à nouveau ce que j’ai dit tout au long de la campagne. Ce qui n’a jamais été une simple promesse de candidat, mais une profession de foi, un engagement de vie :

Le Brésil peut s’en sortir. Nous serons tous ensemble capables de réparer ce pays, et de construire un Brésil de la taille de nos rêves — avec des opportunités pour les transformer en réalités.

Encore une fois, je renouvelle ma gratitude éternelle au peuple brésilien. Je vous serre fort dans mes bras, et que Dieu bénisse notre nouveau périple.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.