Interview
Commerce équitable, du linéaire à l'hyper
Fondateur de l'enseigne Alter Eco, Tristan Lecomte a largement vulgarisé le commerce équitable en France en imposant aux mastodontes de la grande distribution ses produits dans leurs rayons alimentaires et en démontrant à ses pairs la rentabilité économique de cette nouvelle organisation du commerce.
A l'occasion de la parution de son dernier livre Le commerce sera équitable, aux Editions d'Organisation, et de la quinzaine du commerce équitable (du 28 avril au 13 mai 2007), nous avons rencontré cet homme d'affaires militant, pionnier du commerce de demain.
- Le thé noir aux épices du Sri Lanka, le cocktail brésilien de mangues, d'oranges et de goyaves gorgées de soleil, le quinoa rouge des hauts plateaux des Andes... Comment les produits du commerce équitable sont-ils fabriqués ?
Tristan Lecomte : Par les petits producteurs pauvres dans les pays du Sud. Avec leurs familles, ils représentent plus de 4 milliards d'individus, soit plus des deux tiers de la population mondiale, qui vivent en situation d'extrême précarité avec aujourd'hui un revenu de 50 à 500 euros en moyenne par an. C'est une situation plus qu'alarmante dont l'enjeu planétaire est au même titre que le réchauffement climatique.
Grâce au préfinancement des commandes, au paiement d'un prix juste, au versement d'une prime de développement pour financer des projets collectifs tels un puits, une école, une mutuelle..., le commerce équitable permet à ces populations de s'organiser en groupes ou coopératives et de développer durablement leur économie locale.- Fondée en 1998, Alter Eco a pris ses marques sur les linéaires des Monoprix, Carrefour, Leclerc et autres grands noms de la distribution. Avec un CA de 17 millions d'euros en 2006, la société démontre que le commerce équitable n'est pas une chimère...
“ Ils se sentent ainsi utiles tout en se faisant plaisir, ils changent le monde sans la bannière trotskiste.... ”
T.L. : Depuis 2001, Alter Eco a en effet largement contribué à développer le marché du commerce équitable en France, dont la notoriété est passée de 9 % en 2001 à plus de 80 % en 2006.
La demande croissante pour nos produits s'ancre durablement dans les mentalités car les consommateurs ont envie de contribuer à un monde plus juste par leurs habitudes de consommation. Ils se sentent ainsi utiles tout en se faisant plaisir, ils changent le monde sans la bannière trotskiste...
A prix comparable aux produits conventionnels, nos produits sont en plus d'une qualité supérieure. Le supplément d'âme et un geste pour l'Environnement en plus. Qu'est-ce qui pourrait alors entraver le développement du commerce équitable à grande échelle ? Rien. C'est pour cela que nous sommes convaincus que le commerce sera équitable.
- Des critères, des chartes et des organismes de certification légitiment la qualité de ces produits et le modèle de production. Pouvez-vous nous en présenter les principaux ?
“ La clé de notre succès réside dans la garantie de la marque Alter Eco à fournir des produits de qualité supérieure. ”
T.L. : Max Havelaar est le seul label international de commerce équitable valable à ce jour. Il garantit que le produit a été acheté à des groupes de petits producteurs défavorisés à un prix minimum juste, c'est-à-dire qui couvre au moins le coût de production.
En plus de ce label apposé sur nos produits, nous menons aussi nos propres audits chez les organisations de producteurs partenaires pour nous assurer non seulement du respect des critères du commerce équitable mais aussi de la qualité des produits, de l'hygiène et des conditions de production car la clé de notre succès réside dans la garantie de la marque Alter Eco à fournir des produits de qualité supérieure.
Nous réalisons ainsi des tests en laboratoire sur les propriétés physiques et microbiologiques des produits et d'autres à l'aveugle pour vérifier leur qualité.
Avant l'exportation des produits, nous vérifions qu'ils ont été produits selon les critères précis définis dans les cahiers des charges établis. Quand le produit est bio, le certificateur biologique vient lui aussi s'assurer sur le terrain du respect des standards internationaux de l'agriculture biologique.
Nous engageons non seulement la qualité des produits des petits producteurs défavorisés des pays du Sud mais aussi notre responsabilité d'importateur de produits.
- Ce modèle économique émergent semble si prometteur. Comment peut-il transformer le commerce international ? Sera-t-il la ou une nouvelle façon de faire du commerce demain ?
“ Cette loi de l'offre et de la demande appliquée à des considérations sociales et environnementales est devenue d'après nous un des moyens les plus puissants pour défendre ses idées. ”
T.L. : Qui serait contre un produit de meilleure qualité à un prix comparable au marché et qui permet en plus d'aider des populations défavorisées ?
Ayant une dimension symbolique, le commerce équitable permet aussi au consommateur d'envoyer un message au marché, aux industriels et distributeurs, qui sont très réceptifs et souhaitent répondre au mieux à la demande.
Quand nous achetons un paquet de café équitable, nous prenons aussi la parole dans les pays riches pour dire "oui, je fais attention à ce que je consomme et, en tant que citoyen, je souhaite consommer de façon à mieux respecter l'Homme et son Environnement".
Cette loi de l'offre et de la demande appliquée à des considérations sociales et environnementales est devenue d'après nous un des moyens les plus puissants pour défendre ses idées.
Le commerce équitable a aujourd'hui trouvé son modèle économique et sa finalité. C'est pourquoi le commerce de demain sera équitable.