Présenté dans la section Un Certain Regard de Cannes 2022, Le bleu du caftan a obtenu le prix FIPRESCI avant de poursuivre sa carrière dans d'autres festivals, notamment à Marrakech où il a remporté le Grand prix. Maryam Touzani, qui avait déjà marqué les esprits en coécrivant le courageux Much Loved aux côtés de Nabil Ayouch, revient derrière la caméra après son premier long métrage Adam. Ce dernier, situé dans la médina de Casablanca, explorait avec finesse la complicité entre deux femmes, tout en offrant une vision subtile de la condition féminine au Maroc. Le bleu du caftan poursuit dans cette veine, avec en plus un regard percutant et juste sur l'homosexualité masculine dans la société arabe, thème central du récit.
Halim et Mina forment un couple d'artisans spécialisés dans la confection et la vente de caftans. Cette tunique longue, emblématique de plusieurs cultures, est fabriquée avec soin et passion par Halim, qui tient à préserver la pratique artisanale face à une industrie textile de plus en plus mécanisée. Le film accorde une place significative au processus de fabrication des caftans, depuis le traitement du tissu jusqu'au produit final, adoptant une approche semi-documentaire qui fascine tout en offrant une réflexion sur la dualité entre l'artisan et l'artiste.
La narration s'attarde sur la relation entre Halim et Mina, un couple qui, à première vue, semble triste et résigné, partageant un lourd secret. L'arrivée d'un jeune et bel apprenti, à qui Halim souhaite transmettre son art, vient troubler l'équilibre de ce couple bien plus soudé qu'il n'y paraît. Le scénario de Touzani est limpide et solide, évitant les écueils du militantisme démonstratif et du mélodrame. La révélation d'un grave problème de santé chez Mina est traitée avec une dignité et une humanité rares, les personnages étant dépeints avec nuance, loin des archétypes.
La mise en scène de Touzani, classique mais épurée, témoigne d'un réel sens de l'atmosphère. Elle mise sur les regards et les non-dits, maîtrisant l'art de la suggestion pour montrer l'importance des gestes simples. Comme l'explique la réalisatrice : « On se dit parfois que le quotidien est ennuyeux, mais pour moi, il ne l'est pas du tout. Le quotidien est ce qu'il y a de plus vivant dans nos existences. Nos vies sont tissées de ça, de détails, et l'exceptionnel, on le trouve dans ces petites choses quotidiennes. Il faut savoir ressentir et voir ces choses-là. »
Le bleu du caftan n'est certes pas Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, mais il devrait toucher un large public. Le film est magnifié par ses trois interprètes, notamment Lubna Azabal, déjà remarquée dans Adam et Incendies. La réalisatrice est soutenue par une équipe artistique et technique talentueuse, avec une mention spéciale pour les superbes images de la directrice de la photographie Virginie Surdej.