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Billet de blog 9 décembre 2011

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Le Parti socialiste doit-il perdre les élections locales?

Affaires, affaires, affaires... On le voit aujourd'hui la droite n'est pas la seule à confondre l'argent public et son portefeuille privé. Au PS aussi, et je le déplore, les affaires se succèdent, mettant en cause les élus locaux.

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Affaires, affaires, affaires... On le voit aujourd'hui la droite n'est pas la seule à confondre l'argent public et son portefeuille privé. Au PS aussi, et je le déplore, les affaires se succèdent, mettant en cause les élus locaux. Si les affaires liées au PS sont infiniment moins grave que celles touchant le gouvernement (montant des contrats, morts dans l'affaire Karachi), elles n'en révèlent pas moins que quelle que soit l'orientation politique des élus, la tentation est grande, lorsqu'il n'y a ni contre pouvoir politique et médiatique ni contrôle de l'argent public, d'en mettre un peu de côté pour les jours difficiles.

Cette affaire montre également ce qu'est devenu aujourd'hui le Parti Socialiste, un peu malgré lui d'ailleurs. Chaque élection intermédiaires gagnée par le PS depuis 2002 était davantage du à la politique sociale désastreuses du gouvernement qu'au talent certes réel mais pas décisif à lui seul de ses élus locaux. Ainsi, le Parti Socialiste est aujourd'hui à la tête de 21 régions, 62 départements, 28 villes de plus de 100 000 habitants sur 36 et autant d'agglomérations. A elles seuls ces grandes collectivités concentrent ainsi plus de 10000 élus socialistes et assimilés d'après mes calculs. Si on ajoute à ce chiffre les villes plus modestes mais tout de même importantes de plus de 10000 habitants, on se retrouve avec sans doute plus de 30 000 socialistes élus dans des collectivités de plus de 10000 habitants : c'est énorme et unique dans l'histoire d'un Parti quel qu'il soit (les anciens élus de droites battus n'étaient en effet pas souvent membres de l'UMP ou du RPR mais souvent divers droite). A cela, il faut ajouter les collaborateurs d'élus membres du PS (parfois élus eux mêmes) et dont j'ai fais parti jadis. Un calcul simple pourrait les mettre autour 2000 personnes dans toute la France.

Le premier constat à tirer de ce constat est que s'il y a quelques affaires graves sans doute plus de 99,9% des élus PS n'ont rien à se reprocher concernant l'utilisation de l'argent public (il y a sans doute quelques recels de billets de match de foot aux copains tout au plus).

Plus de 30000 personnes sont donc rémunérés. Parfois la rémunération est faible comme pour un simple conseiller municipal ou un conseiller délégué dans une petite ville, mais il arrive souvent que les élus locaux n'ont plus d'activité professionnelle une fois élus. On se retrouve donc face à une armée d'élus permanents et de leurs permanents à eux qui dirigent l'ensemble des structures fédérales du Parti Socialiste. Ils ont en effet plus la possibilité de prendre du temps pour s'occuper de « l'appareil » qu'un militant qui passe sa journée au travail quel que soit son métier.

Cette situation, si elle n'est pas seule responsable des verrouillages locaux de l'appareil et du manque parfois de débat internes au Parti, n'en a pas moins de nombreux inconvénients qui ont y compris un impact sur la situation nationale du Parti. D'abord, cette armée permanente qui doit son fauteuil ou son emploi au Parti doit maintenir la situation telle qu'elle est s'il veut garder son poste. Les militants socialistes ne roulent généralement pas sur l'or. Il y a dans notre parti malgré tout beaucoup de petits fonctionnaires, d'employés, ... Lorsqu'on a arrêté de travaillé pour être élu ou avoir un poste de permanent politique, il est extrêmement compliqué d'arrêter et de revenir dans son ancien poste à la fois pour des raisons de perte de pouvoir d'achat mais aussi parfois de déqualification. Ils ont donc de fait obligés de garder leurs postes coute que coute et donc d'éviter les soubresauts. La tendance naturelle va être comme on dit de « fermer sa gueule » et de rester sagement à attendre la prochaine élection en ne remettant jamais en cause son supérieur hiérarchique (maire, président de région, 1er secrétaire fédéral). C'est aussi pour cela qu'on voit souvent dans les congrès socialistes des scores relativement staliniens dans les départements. Il n'est en effet pas possible sociologiquement ou en matière de science politique, lorsqu'une élection est libre qu'on retrouve un score de 90% pour une motion dans un département alors que celle-ci ne fait que 20% au niveau national. L'influence des grands élus sur les petits et des petits sur les militants dits « de base » de moins en moins nombreux se faire ressentir fortement.

La deuxième conséquence négative est que même si personne ne le dit jamais, un élu local à intérêt à ce que le PS perde les élections nationales afin de profiter à nouveau de la colère populaire contre la droite la fois d'après.

Comment remédier à cette situation ? Comment faire en sorte que des débats aient à nouveau lieu dans ce Parti qui soit autre chose que du positionnement de « barons locaux ». Comment enfin faire en sorte qu'une voix compte pour ce qu'elle est et que l'éco-système local d'approvisionnement en emplois soit brisé afin que le Parti soit plus en phase avec la société.

Je ne vois pour le moment qu'une seule solution, perdre toutes les prochaines élections intermédiaires afin que les débats de sections puissent être en partie libérés des barons.

La première étape de cette défaite passe par une victoire aux élections présidentielles. Alors hommes et femmes de gauches qui souhaitez que le PS change, votez pour François Hollande.

Emir Deniz

Membre du Conseil National du PS

Membre du Bureau Fédéral de la Fédération de Moselle

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