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Billet de blog 25 mars 2020

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Le Nichoir - chroniques imaginaires d'une confinée - Jour 2

Un confinement qui laisse le temps de raconter des histoires, entre fiction et réalité...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Illustration 2

Je me suis réveillée comme si j’allais passer une journée normale.

Avant de me souvenir. Je me suis emballée dans ma couette, suis allée me faire un café et je me suis installée au milieu des coussins avec ma tasse.

Première journée.

J’ai sorti un carnet à dessin, mis tous mes nouveaux feutres dans un verre, et j’ai essayé toutes les couleurs sur la première page, avec beaucoup de satisfaction.

Quand le soleil a commencé à tourner et s’est infiltré dans le salon, j’ai ouvert grand les fenêtres, en espérant qu’une bourrasque s’y engouffre. Mais rien à faire.

Sur le balcon pareil, pas un courant d’air.

Je me suis fait un énorme petit déjeuner, dans mon appartement immobile, en écoutant les Stranglers. It’s always the sun.


Sur les réseaux, on ne parle que du confinement. J'ai une pensée pour les familles déchirées, où l'on n'a pas d'autre choix que de se respirer dans la figure les uns les autres. Les familles où l'on ne sait plus quoi se dire. Les familles où l'on se déteste à demi-mots. Les familles violentes. Que va provoquer cette proximité imposée ?

Et les enfants handicapés, les personnes âgées seules, les alcooliques, les suicidaires...

Dommages collatéraux.

Soudain ça m’envahit. Et je me sens très lasse. J'allume une cigarette au balcon. Ça ne passe pas. J'appelle une amie. Elle est inquiète pour sa mère. Elle me parle de la situation en Italie, du nombre de morts. Je ne sais pas quoi répondre. Je ne peux pas m'empêcher de me demander, si le virus touchait des enfants, dans quel était serait le monde. 

Je pose la question au hibou. Il n'a pas bougé depuis hier. Depuis le nid, on voit les deux billes qui lui servent de regard. Je préfère ne pas savoir, ce qu'il en serait du monde.

Je suis les nouvelles et ce qui s'échange sur les réseaux. On y rit d'une pénurie de papier toilette. Je prends le parti d'en rire aussi.

L'ennui qui nous menace tous va faire émerger des énergies folles. On s'encourage à être créatifs. Des sites proposent des logiciels gratuit pour créer de la musique. Je vois passer des tutos bricolage, des contes pour enfants, des playlists "spécial confinement", des vannes...

Je me sens mieux. L'humanité m'apparaît l'espace d'un instant comme le terreau des merveilles. Je décroche un peu du web, avant d'être rattrapée par de mauvais pronostics, la pénurie de masque et de matériel toujours plus importante... J'ouvre un bouquin.

C'est fou comme on peut toujours trouver dans une histoire quelque chose faisant écho à ce que l'on vit. Je prends un moment pour ausculter ma bibliothèque. Je peux survivre un moment à l'ennui, j'ai de quoi faire.

Cet après-midi, toujours pas de vent chez moi. Et la musique ne donne plus le change.

Je gribouille une autorisation de sortie. Je n'ai pas d'imprimante.


Dehors je croise quelques visages masqués. Je pense à une fille, que j'ai connu il y a longtemps et que les masques terrorisaient, à l'époque. Je me demande comment elle va. 

Les rues sont inanimées, mais dans les étages les fenêtres sont grandes ouvertes. J'entends des gens chanter.

En rentrant je lance un film. Un huit-clos, pour rester dans le thème. J'essaie de ne pas trop penser à la journée de demain. Un ami me conseille de me faire un planning. Et de m'y tenir. "Pour ne pas devenir folle, haha." Je verrai ça demain. J'ai le temps. Beaucoup de temps.

Pour lire la suite, jour après jour => Le Nichoir

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