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Billet de blog 3 juillet 2024

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Hommage à Marie-Christine Aulas, la Méditerranée et l’Europe comme ligne de conduite

Marie-Christine Aulas, députée européenne écologiste de 1989 à 1995, nous a quittés le 29 juin 2024. Marie-Christine avait le souci des archives, inscrivant son engagement militant dans les temps longs de l’histoire des peuples, et dans les temps courts des contextes et des dangers du moment. Son rapport au réel était imprégné par la culture tragique de la mythologie grecque. 

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J’ai croisé Marie-Christine Aulas au siège des Verts en 1988. Elle avait à l’époque le souci des archives, inscrivant son engagement militant dans les temps longs de l’histoire des peuples, et dans les temps courts des contextes et des dangers du moment. Son rapport au réel était imprégné par la culture tragique de la mythologie grecque. Née à Oran en Algérie en 1945, elle était marquée par les fêlures de la guerre d'Algérie, un héritage colonial si mal digéré par la société française (et l’actualité politique nous le rappelle brutalement).

Marquée par la volonté politique de Michel Rocard de sortir d’un processus colonial de manière pacifique, les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie, que les écologistes avaient soutenus lors de la campagne référendaire, avait certainement conduit Marie-Christine à rejoindre les Verts.

Marie Christine Aulas était habitée par l’œuvre d’Albert Camus. Son exigence intellectuelle et éthique, m’a conduit avec d’autres militants des Verts, à soutenir sa candidature en position éligible sur la liste aux européennes de 1989. Ces élections ont été le premier succès important des Verts (10,59% des voix, 9 élus), pour un parti qui avait été fondé en 1984.

Cette 3ᵉ mandature du Parlement Européen de 1989 à 1994 a été traversée par les séismes de l’histoire de la fin du XXe siècle, qui marquent lourdement notre actualité présente (chute du mur de Berlin, effondrement du régime soviétique, guerre des Balkans, guerre du Golfe, conférence de Rio). Époque de la « médiatisation » (avant internet !) si bien résumée dans la chanson « 1990 » de Jean Leloup.

Marie Christine Aulas s’est appliquée à faire comprendre l’importance du monde arabe, et singulièrement la tragédie du peuple palestinien au parlement européen. Son engagement contre la guerre du Golfe était marqué par l’inquiétude du droit international brandi par la communauté internationale pour justifier l’intervention armée, mais refusée au peuple palestinien depuis des lustres ("Les prémices d’un monde unipolaire" (Marie-Christine Aulas, 18 février 1991). Ce « deux poids deux mesures » qu’une grande partie de la communauté internationale non occidentale ne supporte plus. Elle a dénoncé les dangers de la notion d’« ingérence humanitaire » et l’hypocrisie criminelle d’une « démocratisation du monde arabe » comme « but de guerre ». Avec la création de l'État Islamique, et le retour des talibans en Afghanistan, l'histoire lui a donné dramatiquement raison.

Marie Christine Aulas a aussi soutenu son groupe parlementaire traversé par la tragédie de la guerre des Balkans sur le continent européen avec la fin de la fédération Yougoslave. Tragédie qui, après la brève effervescence joyeuse de la fin de la guerre froide, marquait l’acte de décès du projet politique européen, malgré l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Europe de l’Est. Elle a continué ses engagements à Marseille, ville méditerranéenne et européenne qu’elle aimait.

Marie Christine ne se sera jamais résignée à la dépolitisation du projet européen. La paix et non la guerre comme le défi unificateur de son origine.

À son fils Pierre, ses amis, j’adresse mes sincères condoléances.

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