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Billet de blog 30 mars 2022

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Gagner la paix

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que la seconde guerre mondiale battait son plein, le Conseil National de la Résistance définissait les principes et les mesures pour regrouper les forces de la Nation. Au Royaume-Uni, le rapport Beveridge jetait les bases de l’Etat social pour terrasser les géants de la pauvreté, du chômage, de l’ignorance, de la maladie et de l’insalubrité. De part et d’autre de la Manche, il s’agissait de montrer que les sacrifices n’avaient pas été vains et qu’on devait non seulement gagner la guerre mais préparer le monde à l’après.

A l’heure des catastrophes climatiques et d’une guerre en Europe, le temps de la solidarité devrait faire son grand retour. En commençant par sortir du gaz et du pétrole russe ! C’est le kairos, le moment opportun pour mener de front une transition écologique et sociale, éviter les divisions face à l’augmentation des prix à la pompe et au supermarché, pour adopter comme boussole la justice sociale et environnementale.

Pourtant, si le chef de l’Etat est à la hauteur de l’enjeu géopolitique, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron rumine ses obsessions inégalitaires. Sa première annonce prévoit le report de l’âge de départ à la retraite de trois années supplémentaires sans exprimer aucune considération pour l’accentuation des inégalités générées par son quinquennat. Est-ce en poussant les anciens à rejoindre les étudiants dans les files de l’aide alimentaire qu’on mobilise un pays face aux défis du siècle ? Ne devrait-on pas s’inspirer plutôt de l’âme du CNR ?

Aucune réinvention en vue. A trente jours de l’échéance majeur, rien n’est dit sur l’hôpital public à l’os avec 18 000 lits hospitaliers fermés en quatre ans et des soignants épuisés par une organisation maltraitante. La gestion comptable de la santé publique va se perpétuer.

Rien n’est envisagé pour lutter contre le réchauffement climatique. Total peut tranquillement investir dans ses projets climaticides dans l’Arctique et accumuler les bénéfices quand les automobilistes vont se priver de chauffage pour aller travailler. Le ressentiment n’en sera que plus grand et nous allons perdre sur tous les plans : intérieurs et planétaires.

Quant à la misère sociale, le candidat-président s’attache à stigmatiser et mépriser celles et ceux qui souffrent. On ne change pas de paradigme : ceux qui ne sont rien n’auront qu’à traverser la rue pour travailler gratuitement et arrêter de coûter un pognon de dingue. Répéter des stéréotypes n’a jamais éradiqué la pauvreté. Les précaires sont nés libres mais partout ils sont attachés aux fers de l’opprobre.

Pour se hisser à la hauteur des enjeux de notre époque, nous aurions besoin d’être visionnaires, d’une sécurité sociale et environnementale, de planification écologique et démocratique. Nous devrions réparer notre système de retraite en offrant des pensions dignes aux travailleurs précaires et aux femmes défavorisées. Nous devrions transformer l’assurance maladie en une couverture santé globale qui intègre des missions de santé environnementale, remette debout l’hôpital public et lutte contre les déserts médicaux. Nous devrions fonder une sécurité sociale alimentaire qui accélère l’avènement d’une agriculture extensive et biologique – sortant des engrais de la pétrochimie russe.

Ce qui vaut pour l’Europe vaut pour la France. Nous avons le choix entre l’impuissance de nos divisions ou la puissance de notre cohésion. Nous devons aider l’Ukraine à gagner la guerre mais aussi, pour nous et nos générations futures, gagner la paix.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.