Depuis quelques semaines, et deux portraits parus dans le JDD, je me suis pris au jeu de suivre numériquement deux jeunes intellectuels français Gaspard Koenig et Raphaël Glucksmann.
Cela fait du bien de voir un peu de sang frais, dans ce monde de l'intelligentsia où la gérontocratie et l'usure médiatique menacent (BHL, Glucksmann (père), Sollers…), même si la succession semble malheureusement vouloir se faire sur le modèle héréditaire (Koenig comme Raphaël Glucksmann sont, bien malgré eux, des "fils de").
Le problème auquel semble se heurter cette nouvelle génération est de donner corps et audience à leur pensée. Face à cela, Raphaël Glucksmann a choisi de conseiller l'Est de l'Europe, de la Georgie à l'Ukraine et d'exploiter sa filiation, Gaspard Koenig de lancer sa petite PME, le think tank Génération libre qui cherche pour sa part à redéfinir le concept du libéralisme.
Mais là, le soufflet retombe : nous avons d'un côté un Gaspard qui nous rejoue le "vu à la télé" des années 80 et qui semble mesurer sa côte de popularité aux nombres de caractères publiés dans la presse (avec le mot libéralisme, les points comptent double) et de l'autre côté un Raphaël qui nous explique qu'il n'a jamais eu qu'une relation "intellectuelle" avec ses parents, si bien que son père n'est qu'un personnage parmi d'autres dans son entourage avec lequel il se plait à échanger librement (sic).
Je ne remets absolument pas en cause les qualités intellectuelles de ces 2 personnages de "la nouvelle vague intellectuelle", je comprends leur souhait d'utiliser le système médiatique et ses nouveaux outils pour diffuser leur pensée, mais je trouve que pour rester crédible et audible, il ne faut pas vendre son âme au diable.
Le marketing personnel n'est qu'un miroir aux alouettes qui aujourd'hui, à l'heure de la transparence et de la surexposition médiatique, ne résiste pas très longtemps. N'est-il pas dangereux de tenter de vendre son personnage en même temps que ses idées ? La starification n'est elle pas la plus pauvre des créations contemporaines ? Figer son image a 35 ans n'est ce pas vieillir jeune ?
Notre société a besoin de ses intellectuels, de bouger, de préparer la relève, d'anticiper les enjeux de demain, mais pas de cette façon là.
Mettons le feu une bonne fois pour toute au concept de l'homme providentiel, dépassons les classes sociales pour que la pensée française s'ouvre et s'irrigue de l'ensemble de notre société, laissons le bruit médiatique de côté pour se concentrer sur le fond, imaginons à la manière d'un Tocqueville ou d'un Rifkin, les "communaux" ou tout autre nouvelle forme de gouvernance, pour organiser la société de demain !
Tout cela me semble plus utile à nos concitoyens, que de créer de nouvelles icones médiatiques…