Sonnez trompette, les « petits hôteliers » ont terrassé le Goliath venu des USA, Booking.com !
Voilà le genre de belle histoire dont la presse est si friande et qui ravit l’égo de nos compatriotes et de nos politiques.
Petit rappel des faits : les hôteliers s’estimaient pieds et mains liés par le leader mondial de la réservation hôtelière qui leur imposait, d’une part, des commissions toujours plus importantes et d’autre part, des clauses restrictives en matière de tarification afin d’être certain de disposer des meilleurs offres.
Dans certains pays, nous aurions crié au génie entrepreneurial tant le modèle de Booking.com a fait ses preuves à travers le monde ; en France, nous crions à l’abus de position dominante et nous portons l’affaire sur la place publique, politique et judiciaire !
Reconnaissons quand même qu’à terme le système ne pouvait perdurer ainsi, mais l’histoire récente nous a montré que tout système dominant a généré, à terme, son contre système qui a permis de rebattre les cartes (Airbnb par exemple dans ce cas précis).
Ne voyez pas dans ces propos une charge libérale, je rêve d’un interventionnisme étatique sur les véritables enjeux d’avenir : climat, monde de la finance, génétique… mais pas sur des questions de réservation de chambres d’hôtel !
Ceci dit, faisons un peu de prospective sur les conséquences de cette décision.
Les plus téméraires des hôteliers vont reprendre leur indépendance, et enfourchant leur cheval blanc, tenter d’exister par eux-mêmes. A part ceux qui disposent d’une notoriété ou d’une ancienneté exceptionnelle, je leur souhaite bonne chance… Le ticket d’accès au digital aujourd’hui est tel que la commission demandée par Booking.com leur paraitra une aumône par rapport au budget que vont leur demander les agences de webmarketing pour obtenir un nombre de réservation équivalent.
D’autres hôteliers vont pouvoir faire jouer la concurrence entre les différents sites de réservation, sauf que les études montrent que, quand un leader est installé sur le marché, changer les habitudes est particulièrement difficile (cf. Google en France). De plus pour pouvoir lutter contre l’ogre Booking.com, les concurrents risquent de devoir mettre des budgets de marketing si conséquents en face, que la commission demandée aux hôteliers sera aussi importante voir supérieure.
Enfin, Booking.com pourrait décider de déréférencer tous les hôtels qui pratiquent une politique de prix de nature à contourner la réservation en ligne via leur site (activité sur laquelle Booking se rémunère), méthode punitive mais qui serait peut être la seule solution pour sauver leur business model.
Derrière ce « combat », il y a un véritable hiatus entre un monde qui change et des acteurs qui se crispent dans la défense de position acquise (voir le groupe Accor faire cause commune avec les petits hôteliers indépendants ne manque pas de saveur)… Les précédentes mutations (charbon, acier, automobiles…) ont montré que la défense de l’acquis ne garantissait en rien l’avenir…