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Billet de blog 8 mai 2023

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L'espace vide des Champs-Élysées, ou la célébration du peuple sans lui

Ce matin, l’espace désert des Champs-Élysées était poignant. La certitude, sans cesse reprise par le Président de la République, de savoir mieux que tous et contre tous, avait trouvé son image. Mais nous étions le 8 mai. Nous n'étions pas censés célébrer des dirigeants sûrs de leur fait mais le peuple résistant.

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L’espace n’est rien et pourtant ne cesse de parler. Il est ce qui reste hors des murs, ou entre eux. Ce qui permet à plusieurs êtres de se retrouver. Ce matin, l’espace vide des Champs-Élysées était poignant. La certitude, sans cesse reprise par le Président de la République, de savoir mieux que tous et contre tous, avait trouvé son image. La nation n’était plus qu’un homme seul, enfermé dans une voiture, entouré de gardes à cheval. Tout le reste en était exclu.

Certains avaient condamné par avance l’idée d’une manifestation le jour de la capitulation du nazisme. Les affaires intérieures avaient-elles leur place, face à la célébration de la nation tout entière ? L’espace leur a répondu mieux que les casseroles redoutées. Un homme s’était substitué à la nation.

Quand le Président descendit de sa voiture pour écouter le Chant des Partisans, celui-ci sonna pour certaines oreilles comme un appel à l’émeute. « Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ? Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme »… C’est que ces chants sont à nous, comme l’on dit, dans des manifestations si redoutées, que les rues « sont à nous ». Qu’on ne s’approprie pas un chant comme celui-ci comme on s’est approprié, au nom de la nation et avec force police, les Champs-Élysées. Et que même là, l’espace résiste.

J’imagine que le Président n’a pas entendu cette double portée du Chant des Partisans, cet appel à la liberté d’un peuple là où le peuple avait été laissé en-dehors. Il a été élu, il ne cesse de le répéter. A ce titre, il représente la nation à lui seul. Mais nous célébrions le 8 mai. Et si le 8 mai, la France pouvait être dite victorieuse, c’est justement parce qu’elle ne se confondait pas avec ses représentants légaux, venus du vote et de la délégation des pleins pouvoirs, mais avec la Résistance et les Partisans. Du moins avons-nous vécu sur cette histoire. Du moins les célébrations du jour tenaient-elles tout de cette histoire. Elles n’avaient aucun sens autrement. Pire : elles se trouvaient falsifiées.

Nous ne voulons pas d’une nation réduite à un homme seul. Nous ne voulons pas être mis en dehors de ce que nous sommes, ensemble.

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