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Billet de blog 30 novembre 2015

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Cérémonie contre cérémonie ? De la militarisation des morts à la profanation du mémorial de la République

Deux jours après le cérémonial aux Invalides, contribuant à rapatrier les tueries du 13 novembre vers une logique de guerre et d’état d’exception, le mémorial anonyme de la place de la République était piétiné par les forces de l’ordre appelées dans le cadre de l’état d’urgence.

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Deux jours après le cérémonial aux Invalides, contribuant à rapatrier les tueries du 13 novembre vers une logique de guerre et d’état d’exception (post précédent), le mémorial anonyme de la place de la République était piétiné par les forces de l’ordre appelées dans le cadre de l’état d’urgence.

Illustration 1
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https://www.youtube.com/watch?v=0jYA1uATTEg à partir de 19.20.

Faudra-t-il évoquer un conflit des cérémonies ? Puisqu’ici aussi il est un sacré en cours de constitution : centré sur l’effigie de la République, et non sur le chef des armées ; anonyme, et non incarné par les dirigeants d’exception.

Le 11 janvier, la cérémonie anonyme avait été préemptée par le défilé des chefs d’état qui s’était mise à sa tête, jusqu’à faire hésiter nombre de manifestants. En cette fin novembre, la récupération, comme l’on dit, pourrait bien avoir cédé la place à une confrontation plus ouverte, dont le piétinement du mémorial est un symptôme aussi symbolique qu’involontaire. La minute de silence des dirigeants, à la COP21, s’accompagne de l’interdiction de manifester.

Heureusement, le Premier Ministre (« Respecter ce lieu, c’est respecter la mémoire des victimes »), comme le Président de la république, ont immédiatement fait savoir leur condamnation : "C'est doublement regrettable, j'allais dire même scandaleux, place de la République, là où il y a toutes ces fleurs qui sont déposées, ces bougies en mémoire de ceux qui sont tombés sous les balles des terroristes".

Malheureusement, leurs propos visaient exclusivement d’autres acteurs de la scène : un groupe d’individus violents, masqués ou encapuchonnés, avaient commencé à piller le mémorial improvisé pour jeter vases et bougies sur les CRS auxquels ils entendaient se confronter.

N’hésitons pas à le dire. Un tel usage du mémorial, en un tel temps, lève le cœur. Qu’attendre de tous ceux qui, du 13 novembre, n’ont rien gardé de la blessure ? Quitte à rapprocher les divers profanateurs, on hésitera pourtant à dresser un parallèle. Les CRS n’ont-ils vocation, justement, à préserver l’ordre républicain, comme leur seul nom l’indique ? Et à protéger ses lieux symboliques ?

Les images disponibles, non contrôlées par le Ministère de la Défense cette-fois-ci, sont malheureusement sans appel : le mémorial est piétiné en vue d’en déloger des manifestants dont la tranquillité ne présente de toute évidence aucun danger pour les Compagnies de Sécurité – l’un est couvert d’un déguisement de tigre ! –, et qui, si l’on en croit divers récits, s’étaient même regroupés là pour s’opposer aux déprédations.

Une seule preuve ? Leurs vêtements de couleur. Il suffit de regarder les images de la police pour s’assurer du style peu individualisé des véritables assaillants encapuchonnés : ils vont tous du noir au bleu marine.

Pendant des heures, les mêmes manifestants en couleur – n’a-t-on pas remarqué leur ressemblance avec les victimes du 13 novembre, le fameux « visage de la France » ? – seront bloqués sur la place et interpellés un à un. Au total, 317 gardes à vue, soit plus en un jour que les 212 occasionnés jusqu’ici par l’état d’urgence.

Parmi eux, seuls 9 verront des charges de violence retenues à leur encontre. Heureusement, le Ministre de l’Intérieur n’a guère tardé à se prononcer : "Aucun amalgame ne saurait être fait entre des manifestants de bonne foi et ces groupes qui n'ont toujours eu qu'un seul dessein: profiter de rassemblements responsables et légitimes pour commettre des violences inacceptables".

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