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Billet de blog 1 juillet 2011

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Naviguons

Pour Viviana. Toute pensée du monde se fonde sur la quiétude du donné. Sur le fait impassible qui questionne, en soi, le monde et soi.

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Pour Viviana.

Toute pensée du monde se fonde sur la quiétude du donné. Sur le fait impassible qui questionne, en soi, le monde et soi.

Sur la conséquence étale, sur le point d’orgue dont la placidité préside à l’animation des souffles jumeaux de l’expérience et de la conception, de l’expérience de l’expérience et de l’idéation en soi de la conscience de ce qui a lieu parce qu’il s'est assis, reposé ; de ce qui a lit, plutôt que lieu, tout à fait à l’instar des cours d ‘eau.

L’animation de l’esprit et de ses exils suppose la quiétude relative de son support, de son objet, sa fixation comme objet, comme lieu, comme lit, comme sagesse relative convoquant la question, l’excitation de ce qui veut entrer en émulation avec cette fixité relative que rien ne semble altérer, si ce n’est le temps qui cependant n’altère le monde que pour le rapporter à lui-même, inaltéré, désaltéré.

Devenu ce qu'il est.

C’est l’étrange aventure immobile du monde qui excite, qui anime en soi ce qui fonde l’éternelle avidité, l’éternel détroit, l’éternelle détresse de celui qui est en quête de salut.

Voici sous nos yeux le salut, voici la paix trouvée : le monde est ce dans quoi je me meus en quête de cette paix profonde du monde qui est au monde.

Je n’ai conscience que de ce qui est objet et de cet objet le salut : la quiétude des choses, la liberté têtue et sereine des objets.

Point de claire conscience dans le vacarme, l’éboulement, l’errance, le coup de dés, les jeux antagonistes de forces, les frôlements, les fracas, la sarabande atomique, le rigodon cosmique.

Et si le monde est de tout cela le produit, je ne le puis penser que depuis cet oasis rasséréné qu’est le champ de la conséquence, des fins, au monde.

La nourriture de la pensée est téléologie.

De l’animation folle du monde sourd une paix. Cette paix est cela depuis quoi, parce que je puis y appliquer mon entendement, parce que j’y perçois le salut, je pense et j’anime ma pensée.

Elle est même, cette paix de la conséquence ultime de la lutte des forces, cela depuis quoi je pense ma pensée, cela depuis quoi, je suis, par mimétisme, une "âme critique".

Or, voici une semaine que le temps se refuse comme objet de pensée.

Voici une semaine que la cadence au monde des phénomènes rend le monde impropre à la consommation par une pensée appliquée.

Voici une semaine que le monde n’est plus pensable, que ce qui y pense y pense sans pensée, embarqué sur une nef sans haleurs…

Voici que le monde se donne comme une névralgie c'est-à-dire comme l’impensable, l’innommable de ce qui, en quête de son salut, ne saurait le trouver que dans la conscience ou l’illusion d’une bonace, que dans l’appréhension des choses comme conséquences sécables des spasmes qui les engendrent.

Voici une semaine impensable.

Une semaine carrousel dont il convient de jouir ou qu’il convient d’endurer perdu, le cœur et l’âme à l’abandon.

Martine Aubry, la Syrie, les otages, Lagarde, la Grèce, Ghesquière et Taponier, DSK, Contador, la Libye, Barouin et Le Maire, le hideux Monaco…

Soit : naviguons.

Le plaisir est éminent, aussi, de la navigation.

Nous ne vivons pas un temps de la pensée. Elle n’a pas encore son lieu, son lit.

Elle n’a point d’objet.

Quel besoin avons-nous de faire échec à la pensée en l’appliquant à ce qui n’est pas son territoire, à lui proposer de voir sans objet, de courir sans chemin, d’être agressée sans pouvoir répondre puisque ce qui advient est, non par nature mais par une construction qui la vaut bien, son "encore aveuglant" ? Quel besoin, sinon celui de goûter l’échec de la pensée, de faire pénitence en un temps d’inopportunité de la critique ou bien d’en dévaluer les efforts pour, plus tard, quand son temps sera venu, laisser prospérer bonnement l’idiotie stimulée (l’on entend « esclave du stimulus »).

Naviguons.

Laissons aller, comme au règne de l’esthétique. Offrons à la belle animation, à quoi revient la pensée, quelques vacances. Faisons ataraxie. Suspendons le jugement. Jouissons entre amis de converser à vau-l’eau de ce qui advient.

Naviguons.

Attendons pour penser et aimer penser que revienne le temps où, les conséquences engendrées de ce qui est au monde en lutte s’étant dessinées comme se dessinent un paysage, un ciel, une ville, un visage, la pensée ait son territoire.

Et pour l’heure, oui : laissons aller, naviguons…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.