Emmanuel Tugny (avatar)

Emmanuel Tugny

Ecrivain, musicien, chroniqueur. Né en 1968.

Abonné·e de Mediapart

201 Billets

0 Édition

Billet de blog 2 septembre 2015

Emmanuel Tugny (avatar)

Emmanuel Tugny

Ecrivain, musicien, chroniqueur. Né en 1968.

Abonné·e de Mediapart

Mireille Perrier : ici, maintenant, ailleurs

Mireille Perrier est, sur les scènes et les plateaux français, aux deux sens du terme, une "présence" : elle y est, elle y est à pleins poumons, elle y est en majesté, en intensité, elle y est depuis un enchantement, un engagement.

Emmanuel Tugny (avatar)

Emmanuel Tugny

Ecrivain, musicien, chroniqueur. Né en 1968.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mireille Perrier est, sur les scènes et les plateaux français, aux deux sens du terme, une "présence" : elle y est, elle y est à pleins poumons, elle y est en majesté, en intensité, elle y est depuis un enchantement, un engagement. Et puis elle y passe, aussi, elle s'y promène sans déranger, sans heurter les meubles,  sans châtier les quilles, avec la légèreté des ombres chez Von Stroheim, Cocteau, Mankiewicz,  Preminger, Jarmush ou bien Carax...

Je lui ai proposé un entretien au moment où, immergée dans son travail, elle se penche vers la chanson. Il fut vif, alerte et profond.

Emmanuel Tugny : Chère Mireille, à l'heure où nous sommes lus, à quoi travailles-tu?

Mireille Perrier : Je travaille une pièce sur ma rencontre avec le peuple Rom, un peuple qui a vécu un génocide durant la guerre 39-45 et dont on a dit que c'était un génocide de rang inférieur et donc justifié. Un sujet qui me permet de travailler sur l'histoire dont j'ai hérité et que je vois se perpétuer...

Ce que je peux t'en dire de là ou j'en suis....  l'histoire relate la vie d'une femme occidentale en perte de repères dans son propre monde et d'une attitude de négation envers une femme Rom, et son chemin vers l'approche et la connaissance de cette femme et ce qu'elle comprends d'elle et de son monde au contact de cette femme. La barrière de la langue est une donnée importante, trois femmes dont deux femmes Roms, dont une qui joue de la harpe. Avec des textes ou poèmes d'artistes Roms. Un travail sonore, toujours et la lumière inspirée par la cité et la forêt. Mais il m'est difficile de parler de ce que je fais au moment même où je suis en train de faire, je suis en plein dedans, avec les affres, les doutes, les avancées, comme une création quoi... j'aimerais mieux passer à autre chose...un autre sujet ...Quand ça sera fini, oui, je le partagerai...!

Tu as, au long d’années de pratique de ton métier, constitué une sorte de « trajectoire » : comment la qualifierais-tu ?

Je me demande si le mot « trajectoire » aujourd'hui fait encore sens,  le spectacle est reçu davantage comme comme 'un résultat', 'un aboutissement' en lui-même, 'un événement',  parmi d'autres, qui sont comme autant de finitudes répétées. La notion du 'geste', comme risque, expérience, qui s'inscrit dans le temps, sur toute une vie a disparu, en parti à cause d'une idéologie libérale incluant la culture comme divertissement et avec l'arrivée du numérique, le nombre de la mémoire des ordinateurs . On est aujourd'hui attendu sur la finalité d'un spectacle, qui s'apparente à un produit fini, sans tenir compte du geste de artiste qui s'inscrit dans un parcours. 

Si je devais parler de mon geste, il se situe dans l'acte créatif, aussi bien dans mes interprétations cinématographiques, que théâtrales et que dans des projets d'adaptions, d'écriture et de mise en scène. Il se situe dans la prise de risques créatifs, la liberté et l'engagement. Un engagement dû aux transformations de mon époque. J'ai vu, dans les années80, l'essor de la publicité, en 90, le cinéma avalé par les télés, l'apparition de la pauvreté exclue, en 2000, la liberté d'expression se réduire, les médias se soumettre à l'idéologie d'actionnaires, en 2010, le virtuel, la bourse, les dettes prendre place sur le réel et la peur individuelle, s'installer...

Le lien qui nous relie au monde, se transformer...

Ce lien, les médias qui aurait ce pouvoir d'instruire, de susciter la curiosité, de cultiver, de générer, de penser ensembles, de créer du dialogue....aujourd'hui, divise, juge, incite à se positionner pour ou contre, perverti le sens même des mots et vit de drames et de spectaculaire...

L'art vivant ne peut qu'en subir les conséquences, son dialogue avec le public s'est déplacé, inévitablement, le lien au monde s'apparente à de la confusion, le public est à la recherche de repères, (ou d'identifications!). Le théâtre ne peut exister en dehors des réalités sauf pour alimenter une culture de divertissement alors qu'il a besoin de l'assemblée, d'un public. Si il retrouve sa dimension humaine, c'est dans une forme de catharsis, de miroir et de mémoire en renouant des liens d'histoire, de sens et de réflexions.

Il se doit de combler en quelque sorte le terreau sans lequel il ne peut se développer. 

Les artistes du spectacle vivant se retrouvent nommés 'intermittents'. Une volonté de nier cet art se manifeste par les théâtres menacés de fermetures, avec en premier visés, les viviers de création, les subventions se réduisent...les programmateurs ne diffusent soudainement que des spectacles des arts du cirque et de la danse et marionnettes...Non que ces arts n'aient pas leur place dans le monde de l'art, mais de toute évidence, le choix d'écarter le langage, la voix est la volonté qui transparaît derrière les décisions politiques culturelles.

Au moment où mon dernier spectacle, adapté d'un essai de Jean Ziegler, sur l'absence de dialogue entre les pays du Nord et du Sud a été joué à Paris, il y a eu une campagne contre le spectacle 'politique', relayée dans plusieurs journaux, Le Monde, entre autres, parlait de quatre ou cinq spectacles les laminant en deux, trois phrases. Alors, oui, se perfectionner dans cette voie en France reste un exercice difficile....mais heureusement, cela évolue avec une demande de s'arrêter pour penser de plus en plus grande du public et les jeunes générations pour lesquelles cela devient une véritable nécessité. J'ai cependant toujours été curieuse, ce film tourné il y a  trente ans et qui ressort cette année, sur les reporters de guerre qui ont appris leur métier de cinéastes ou photographes au sein de l'armée, le révèle déjà. Dans ce film, la jeune comédienne que j'étais questionne spontanément Raoul Coutard, Marc Flamand, Pierre Schoendoerffer, sur leur métier de reporter de guerre. J'avais accepté d'interroger ces 'dinosaures' afin de répondre aux questions que me posait le cinéma (reportage-fiction) de Philippe Garrel, de Leos Carax, de Jean-Luc Godard...J'ai aussi été très proche de Félix Guattari qui m'a transmis par son exemple la conscience que le devenir de l'être incluait une implication plus vaste que l'individualité....Alors, je ne sais pas comment je peux qualifier mon trajet...Léos Carax avait écrit un jour, que j'étais comme un oiseau libre et que si on cherchait à m'enfermer, je trouverai toujours le moyen de sortir de la cage...Je me reconnais assez...C'est une constante que je reconnais dans mes différentes interprétations et aujourd'hui dans mes créations...   

Il semble que tes lectures, que les produits de pensée dont tu te nourris, que les dialogues que tu entretiens avec leurs auteurs, influencent ton rapport au jeu, à la dramaturgie. C’est mystérieusement apparent lorsque tu es sur scène ou à l’écran. Comme rends-tu techniquement si lisible ce qui devient dès lors pour toi une sorte de travail préparatoire ?

On m'a collé dans les années 90-95, l'étiquette 'd'intello' qui faisait doublon avec les étiquettes de : 'trop films d'auteurs', 'pas assez médiatique'. Ces trois étiquettes, à un moment où j'étais très sollicitée, m'ont valu de faire partie des listes d'acteurs et réalisateurs qui ne devaient plus travailler, listes dénoncées avec courage par Pascal Ferrant au sept d'Or. Et cinq ans plus tard, un cinéaste qui me proposait un rôle, s'entendait dire par un des grands castings de Paris que Madame Perrier n'étais plus 'bankable'...

Oui, la préparation d'un rôle peut m'amener à lire, mais pas seulement... à rencontrer des gens aussi, expérimenter des métiers, visiter des lieux, j'ai besoin de sentir les univers dans lesquels les personnages de mes rôles évoluent pour traduire des émotions. Et tout en tenant compte de ce que veut le réalisateur, j'apporte ma propre vision du rôle. J'essaie de trouver l'endroit de nécessité, à partir du texte, de la vision du réalisateur et de la distance à combler qui me sépare d'un rôle. Je ne peux me contenter d'être exécutante seulement, où lorsque ça se produit, j'ai la sensation de ne pas être allée assez loin. Cela concerne le cinéma. Au théâtre, la plupart des pièces en France repose sur la mise en scène et la forme. Je me sens plus proche du théâtre anglais, qui défend davantage le théâtre d'acteur, inventif et collectif où l'acteur existe au delà d'une direction d'acteur. Préparer un rôle au théâtre est une longue construction, qui se nourrit bien sur, d'expériences, de lectures mais l'émotion provient davantage du geste et du corps et de ce qui s'invente au présent.   

Pour les projets personnels, c'est différent. Comme j'aborde, l'écrit, et des questions d'histoire, de peuples, ou des combats et des textes qui soulèvent des questions politiques, de l'art de vivre ensembles, effectivement, là je dois me documenter, lire beaucoup...

 Lorsqu'on est, sinon une "actrice intello", du moins quelqu'un qui pense avec une certaine rigueur critique son métier, comment aborde-t-on les situations d'inactivité ? 

 Je ne connais pas l'inactivité. c'est ce que beaucoup ne comprennent pas, c'est entre deux activités qu'on travaille le plus...enfin, que je travaille le plus...

 Tu as croisé un grand nombre d'acteurs, de réalisateurs, de metteurs en scène : desquels dirais-tu qu'ils ont exercé sur toi une influence décisive aux plans professionnel ou humain?

 Vaste question....Il y a entre les acteurs au cinéma une fraternité naturelle, due à notre choix d'être des passeurs, des gens pas comme les autres, des enfants....Alors oui, il y a une fraternité immédiate, après, il y a des complicités qui se créent, ou non, selon....Sur un tournage, on peut être de la même distribution et ne jamais se rencontrer...C'est le cas de Michel Bouquet dans Toto, c'est un acteur dont j'admire le talent, depuis de longues années.  On a fini par se rencontrer dans le train qui nous ramenait à Paris. J'ai évolué dans un milieu de jeunes stars, en refusant d'en être. Il me semblait que c'était un autre métier, celui de la représentation, de femme d'affaires, de gardienne de territoire et que ce n'était pas pour moi. J'avais beaucoup de popularité mais m'écartais de la représentation. J'ai alors suscité beaucoup d'interrogations, d'incompréhension, je dérangeais... le milieu du cinéma, castings, producteurs, etc.. Je voulais rester libre. C'est pourquoi des liens se sont crées plus naturellement avec des comédiens ou des réalisateurs de l'ancienne génération. Yves Montant, Daniel Gélin, Arletty... J'ai tourné deux films avec Jean Yann. La première fois, il m'impressionnait, il me regardait relire mon scénario et m'a dit: "A quoi sert un scénario?, moi je le lis jamais, ils mentent tout le temps... Vous êtes en train de lire qu'une grosse femme blonde va arriver dans une Mercedes jaune, et vous allez voir arriver une petite brune dans une 4 chevaux rouge'...Quand on s'est retrouvé sur le deuxième film il m'a dit :" Je leur ai raconté que c'était une histoire de pieds noirs qui avaient atterris dans les Cévennes et faisaient sécher des fromages sur les toits, ils m'ont tous cru ces cons....Faut vite que tu me racontes le scénario" On a tellement ri sur ce film que j'en avais parfois mal aux mâchoires. On chantait aussi, j'évitais seulement les sujets politiques, j'avais compris qu'on était trop loin pour se comprendre. Un jour, il m'a fait un compliment sur mon jeu, peu de compliments m'ont atteint comme celui ci.

Je ne sais pas, s'il m'a apporté, ce sont les moments en eux mêmes qui, quand ils sont pleins, joyeux, chaleureux, qui apportent. Les comédiens de théâtre fonctionnent en cercle beaucoup plus fermés, et venant du cinéma, je n'ai jamais vraiment été admise dans ce cercle.

Les réalisateurs, c'est différent. Beaucoup m'ont contaminés leurs univers, Jaco (Van Dormael); son imaginaire, son humanité et son humilité, Léos (Carax); sa passion du cinéma, son exigence, Sophie (Tatischef); la douceur de son regard sur la vie, plein d'humour, Jean Philippe(Toussaint); sa vision burlesque, Aline (Issermann); son opiniâtre volonté à révéler les secrets humains, Eric Rochant; son humour, Amos (gitaï), son intérêt pour les mythes, l'histoire et son invention créatrice, Abd Al Malik; son amour pour l'autre, sa sagesse, Philippe (Garrel); sa poésie en l'image, Fred Cavayé; le rythme de son cinéma d'action et je vais arrêter, non que je les oublie, mais, ce serait long...et passé, même si c'est encore présent, ça ne l'est que pour moi.

Nous sommes la somme des gens que nous rencontrons...Une influence décisive? Le premier metteur en scène Nicolas Peskine qui m'a poussé vers le plateau et où le lendemain d'une première représentation de Marivaux, 'La Colonie',j'ai choisi d'être comédienne. Antoine Vitez aussi, en ce sens qu'il a reconnu chez moi et encouragé mon désir de mettre en scène. Et même si j'ai mis de coté ce désir, parce que j'avais vu qu'on ne faisait pas de proposition d'interprétation aux femmes metteurs en scènes; elles faisaient peur et je voulais jouer! Il a été important. Peut-être un ou deux proches qui ont pu exercer à un moment , une influence, ou l'étincelle de confiance qui nous manque parfois.  

 Serge Daney m'avait  beaucoup impressionnée par sa faculté de voir, dans un film fini, ce qui se  passait réellement sur un tournage. Il avait deviné tous les rapports entre les acteurs et Bernard Menoud, le réalisateur, sans y avoir été. Ce jour là de l'entretien, il m'avait révélé que mon chemin serait difficile, parce que j'avais, selon lui, une vitesse de jeu qui impliquerait une difficulté à trouver des partenaires par la suite....    

"Une vitesse de jeu" ?

 Oui, une rapidité de jeu, de réaction, une mobilité, c'est les mots qu'il a employés...

 Du cinéma d'aujourd'hui, dirais-tu qu'il se distingue par quelques traits?

 Ce que j'ai pu observer et constater, c'est l'orientation et on peut dire la censure exercées par les chaînes de télévision dans les années 95-2005, c'est à dire, demandant exclusivement des comédies et le rejet des films qu'ils appelaient 'd'auteurs', assimilés alors à des films, ennuyeux, intellos, etc. Beaucoup de cinéastes de films d'auteurs en France, ne pouvaient plus faire leurs films ou se mettaient à essayer la comédie. Les productions de cinéma, obligées de passer par les chaînes et habituées à produire des films d'auteurs se sont alors tournées vers des co-productions étrangères et travaillaient davantage avec des cinéastes auteurs venus d'ailleurs et davantage acceptés. Ce qui a facilité la découverte d'auteurs asiatiques, des pays de l'Est, et d'Orient. Les scénarios de télévision, subissaient maintes versions, passant de mains en mains, sous le regard des directeurs de chaînes qui supervisaient. Il est clair qu'à partir de 92 , les directions de chaînes ont exercé un contrôle aussi bien sur les castings et les scénarios des films cinéma et télévision.  Ces nouvelles directives ont eu pour conséquence de produire des films réalistes, plus anecdotiques, moins libres et moins singuliers s'adressant à des publics ciblés. Les auteurs en France n'avaient d'autres solutions que de se tourner vers les Etats-Unis ou d'autres pays pour parvenir à monter leur film.La Francea perdu un magnifique potentiel de créativité cinématographique, mais de la même façon qu'elle a perdu ses valeurs, la gratuité, des libertés et une qualité de vie et d'échange avec l'arrivée du néo-libéralisme.Le cinéma n'en est que le reflet, il renvoie une vision du monde et de l'humain dans celui-ci. Avec d'un coté, des films très réalistes, quotidiens et de l'autre, (ce que je nomme)  fables, je pense à David Lynch, Leos Carax, Haneke et d'autres artistes....qui développent un vrai style, un langage cinématographique.

Les exigences de marché ont fabriqué un cinéma international qui exige des stars banquables internationales. C'est à ce niveau que les risques se prennent...cela a pour conséquence de rendre de plus en plus difficile la production et la diffusion (visibilité) des films à petit ou moyen budget, de restreindre les libertés des cinéastes, et surtout de gommer la singularité, la poésie et une innocence propre au cinéma. Des qualités que je retrouve cependant encore dans le cinéma Belge, libérés de préjugés et donnant cours à une création souvent plus audacieuse. 

Quel rôle ne t’es-tu pas vu proposer dont tu penses qu il serait celui de ta vie? Existe-t-il au répertoire? Dans le cas contraire, décris -le?

On nous pose souvent la question à nous acteurs...Il n'y a pas un rôle, mais plusieurs, une multitude...Quelqu'un a dit que c'est l'état de désir permanent qui fait un bon acteur, je le pense aussi. Un acteur peut tout jouer, c'est la raison pour laquelle on choisit cette vocation.

Je me souviens avoir été très surprise de recevoir un film d'action, de Fred Cavayé. Qui avait bien pu imaginer me voir en commissaire? Il n'y a pas de plus grande joie pour un acteur que celle de se déplacer....

Ce sont ces multiples rencontres à travers différents rôles qui en font sa richesse...

Et puis un rôle ne vous est pas proposé par hasard, il faut se méfier des rôles qu'on refuse, parfois, ils vous convoquent à revisiter une part d'ombre que vous ne parvenez pas à dépasser dans votre propre vie. C'est en cela que nous travaillons sur une partie intime de nous mêmes. Et les comédiens ont de grosses valises....

Il m'est arrivée de refuser un film deux fois, la première parce que ce fait divers, l'histoire d'une femme qui continuait à aimer son amant en prison alors qu'il avait tué son fils. ça me semblait impossible à défendre...et puis je me suis dit que ça rejoignait le mythe, que c'était au delà de toute compréhension, j'ai accepté. Puis on m'a présenté le comédien, j'ai refusé une seconde fois, étant persuadée, que l'on ne parviendrait pas à jouer une passion ensemble. Le metteur en scène, m'a répondu, "une actrice peut tout jouer", j'ai été piquée, et j'ai accepté. En cours de tournage, il a remplacé la fin du film,  que j'avais fini par accepté, j'ai été très déçue.

 Bien sûr, on peut avoir des regrets, Je me souviens d'un film en Hongrie, Mon XXème siècle qui retraçait l'histoire de L'Europe à travers des jumelles. J'ai donc passé deux, trois jours à faire des essais dans ce studio d'après guerre à Budapest. La réalisatrice avait été convaincue par la militante, mais non par la séductrice. Sans partenaire, il est difficile de jouer la séduction devant une caméra....Mais j'ai très peu de regrets, j'accepte ce qui arrive, les regrets sont une perte de temps.

Ce qui me consterne, c'est le peu d'imagination pour les rôles de femmes aujourd'hui....elles sont réduites à des rôles de mères dès 37 ans, puis de grand-mères....Dans une société ou la peur de perdre son travail, la peur de l'autre, de penser tout haut, de vivre...s'installe en chacun, on recherche des films ou spectacles et comédiens qui confortent. Heureusement que l'art se révèle de lui même parfois, s'apparentant à des petits miracles....Au cinéma, les rôles s'inventent au fur et à mesure, et le rôle existe une fois qu'il est crée. Au théâtre, il est plus facile de choisir au sein d'un répertoire de rôles écrits. Oui, j'aimerai jouer Tchekhov ou les femmes ont la part belle, mais aussi Ibsen, (où les rôles d'hommes sont nettement plus intéressants), Lars Noren, Bond, Witkiewicz et beaucoup d'autres...Mon dernier rôle, dans la Trilogiedu revoir est celui d'une femme qui a des idées de droite. Au début, c'était bizarre d'entendre de ma bouche, des propos du genre:" La pauvreté , en soi, n'est pas un vice. Nous n'avons guère de sympathie pour les petites gens, nous ne voulons plus rien avoir à faire avec eux." Et puis, je me suis amusée, (surtout que ces propos aujourd'hui, sont devenus très ordinaires et que beaucoup les partagent.....) Ce qu'il y a de beau dans l'art vivant, c'est qu'il ne peut exister sans dépasser le jugement.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.