En leur temps, Michel Platini et Jean Tigana furent retoqués par des clubs de niveau relatif.
L’un échoua à Nancy, ayant échoué à Metz, l’autre finit postier, comme ses camarades des Caillols, déjà, émargeaient aux budgets de clubs professionnels.
C’était le temps où, sous le galop de « l’ Oranje mécanique » menée par Suurbier, Krol, Rep, Cruijff, Neeskens, Haan, Rensenbrink, à Amsterdam ou à Munich, l’herbe ne repoussait pas.
C’était le temps du football total, celui, aussi, de la soldatesque en cheveux de Franz Beckenbauer, de Vogts, de Breitner, de Schwarzenbeck, de Netzer, celle de Bruxelles 72 ou de Munich 74…
Des blancs, tous, O tempora…
Pas un temps pour avortons, gringalets, crève-la-faim.
Pas un temps pour gueules (hâves) de métèques.
Au Brésil, même, l’ivrogne blond Marinho Chagas menait la danse d’une équipe à qui l’héritage de l’équipe de Pelé, celle des Gerson, Rivelino, Tostão, Brito, Clodoaldo, Jairzinho, Carlos Alberto, faisait belle la jambe.
Et, par comparaison, fort laide la danse…
Un temps pour Blancs, un temps fait pour force, puissance, mesquinerie technique d’ensemble.
En France, Oswaldo Piazza, l’hidalgo blanc, incarnait la plastique d’un football de la chevauchée, du sang, de la sueur et des larmes.
L’on n’avait certes pas Platoche, pas Jean-Amadou, à Saint-Etienne, mais l’on avait du cœur.
Un cœur de forge
C’était le temps du football de Blancs.
Celui dont la Fédération française de football semble aujourd’hui considérer, sidérée par les exemples espagnol et barcelonais, qu’il est un football de Noirs…
Et voici que l’on s’y perd un peu…
Quels Noirs : Drogba ou Milla ? Luc Sonor ou Ashley Cole ? Tigana ou Vieira ? Paulo César Cajù ou Serginho Chulapa ? George Weah ou Obafemi Martins ? Trésor ou Adams ? Théophile Abega ou Alou Diarra ? Cubillas ou Paul Ince ? Makélélé ou Djetou ? Joseph-Antoine Bell ou Thomas N’Kono ?
Ainsi de suite…
L’idée de rompre en visière un football uniquement fondé sur l’intensité des courses, l’affrontement physique, la production athlétique, un football-décathlon à la Hans-Pieter Briegel, un football à la Taiwo, l’idée de promouvoir à nouveau un football de la virtuosité technique des corps, quels qu’ils soient, celui de Giresse, celui d’Osim, de Garrincha, celui de Nasri, d’Omar Sahnoun, de Salif Keita, de Valderrama, de Pelé, de Lakhdar Belloumi, de Messi, de Baggio, d’Eto’o, d’Inesta, de Gascoigne, de Claude Papi, du Noir-Blanc-Roux Ademir da Guia, est une idée que justifie pleinement la nécessité de faire jeu, de faire spectacle et, on le voit bien aujourd’hui, de faire résultat.
Mais l’association de telle ou telle forme de football à telle ou telle couleur de peau est moins qu’hérétique.
Elle est tout bonnement idiote.
Et l’on ne connaît rien au jeu de football si on l’émet.
Demeurent donc à disposition du jugement, face à la conversation révélée par Mediapart, deux voies possibles : la condamnation de la curieuse idiotie, de la bêtise, de l’aveuglement soudains de professionnels divaguant à bâtons rompus en un temps tristement "décomplexé" en ce qui regarde le rapport timoré ou agressif à la différence, et celle de l’instrumentalisation ordinairement mais strictement raciste d’un jeu dont la beauté tient aussi au fait qu’il a toujours su faire valeur et ipséité de la distinction de l’origine ethnique ou physique, du talent et de la fonction.
Or, comment croire sans désespérer tout à fait que ce n’est pas au coin de la sottise pure et sans intention seconde que sont frappés les propos rapportés par Mediapart ?
Je fais, en tout cas, pour ma part, audacieusement, sans doute, ce pari optimiste-là…