Paulo Roberto Falcão est né en 1953. Il fut l'un des plus grands joueurs de l'Histoire du football mondial.
Il s'illustra particulièrement en sélection, au sein de l'Internacional de Porto Alegre et de l'AS Rome.
Il fut surnommé "le Roi de Rome" à l'occasion de son passage en Italie entre 1980 et 1985.
Il était membre du milieu de terrain exceptionnel de l'équipe du Brésil qui participa à la Coupe du monde 1982 en Espagne.
Il y jouait aux côtés de Sócrates, disparu le 4 décembre dernier.
Falcão nous parle ici de son compagnon de jeu.
1) Paulo Roberto, dans quelles circonstances avez-vous connu Sócrates ?
Je l’ai rencontré comme adversaire dans les années 70 à l’occasion d’un match entre L’Internacional de Porto Alegre et le Botafogo de Ribeirão Preto (club de la banlieue de São Paulo, premier club de Sócrates entre 74 et 78).
Mais je l’ai mieux connu en sélection nationale. Quand nous avons été convoqués pour la Coupe du monde 1982 en Espagne.
Pendant la phase de qualification, les joueurs qui évoluaient à l’étranger n’avaient pas été appelés.
Or, je jouais à l’AS Rome.
C’est la raison pour laquelle je n’ai connu le « Magrão » (le grand maigre) qu’au cours de la phase de préparation.
2) Quelles étaient vos relations ?
C’était un type très sensible.
Nous avons partagé des moments extraordinaires en 82.
En 86, nous nous sommes revus pendant trois mois au cours de la phase de préparation à la Coupe du monde au Mexique.
Quand Télé Santana m’a exclu de l’équipe (ma condition physique étant considérée précaire, on me préféra Alemão), en même temps que le défenseur Oscar, Sócrates est passé près de moi et a posé affectueusement sa main sur ma tête. Je n’ai rien dit. Pas besoin. J’avais compris toute l’affection qui passait dans ce geste.
3) Que représente-t-il pour vous sur le terrain et au dehors ?
Sur le terrain, chacun connaît son immense talent. Hors du terrain, il a toujours été admiré pour ses positions sociales et politiques, pour sa participation à ce qu’on a appelé la « démocratie corinthienne » (système autogestionnaire qui s’appliqua à la vie quotidienne du club du Corinthians de São Paulo) qui fut un élément de la lutte des « Diretas », anti-dictatoriale.
Il marqua à cette occasion l’Histoire du Brésil en compagnie, en particulier, des joueurs Casagrande et Wladimir.
4) Vous vous rappelez le match Brésil-Italie de 1982 (2-3, buts de Sócrates et Falcão) : avez-vous un souvenir précis de votre relation à Sócrates au cours de ce match incroyable ?
Au cours du match, non…je me rappelle juste que les deux phases qui amenèrent nos buts avaient été beaucoup travaillées à l’entraînement. Sur mon but, Toninho Cerezo attire à lui les défenseurs, je peux avancer vers le centre et marquer. Avant le match, dans les vestiaires, un peu rabat-joie, j'avais prévenu mes coéquipers que je trouvais bien trop détendus : je jouais en Italie, je connaissais les Italiens, je savais que la partie n'était pas jouée d'avance, j'avais raison...
5) Qu’avez-vous ressenti en apprenant la mort de Sócrates
Je savais qu’il n’allait pas bien. À la suite de sa première crise, je lui avais longuement parlé. Nous nous étions retrouvés sur le plateau du programme télévisé « Carton vert » qu’il animait.
Je pensais qu’il s’en sortirait cette fois encore. Ce fut une surprise et une grande douleur.
6) Que diriez-vous de l’implication de Sócrates dans la vie politique du pays ?
J’ai répondu. Elle ne pouvait qu’être importante : Sócrates était le contraire de "n’importe qui".
7) Un souvenir de Sócrates sur le terrain, un seul ?
Son jeu du talon, toujours utile, jamais purement décoratif.
8) A quel autre joueur vous fait-il penser ?
À aucun. C’était un organisateur, il marquait : son style était absolument unique.
9) Que devenez-vous ?
Je suis entraîneur. J’ai entraîné l’Internacional de Porto Alegre jusqu’en juillet dernier. Je reviens d’une formation en Europe et je m’apprête à retourner au travail.
10) Comment voyez-vous l’avenir de la sélection brésilienne, de l’équipe de France ?
On saura enfin ce que vaut l’équipe de France version Laurent Blanc en juin. Quant à la sélection brésilienne, la prochaine Coupe des confédérations rendra son verdict à son sujet...
(Propos recueillis par Emmanuel Tugny)