L’œuvre de Mathias Pérez, peintre né en 1953, pensionnaire de la Villa Médicis entre 1980 et 1982, professeur de peinture à l’Ecole supérieure des beaux-arts du Mans, me semble depuis toujours préoccupée et vertébrée par l’instauration en son coeur de circulations, de dispositifs, d’agencements, de figures sérielles l’autorisant à rencontrer sa perpétuation non pas en tant qu’œuvre mais en tant que « devenir de l’œuvrer », c'est-à-dire en tant que « travail dans le temps ».
La question de cette œuvre me semble, depuis toujours, celle de la garantie donnée par l’articulation formelle, figurale sinon figurative, non pas de son éternisation comme forme, figure, complexe formel et figural mais comme temps de l’accomplissement de la tâche.
En quelque façon, l’œuvre de Mathias Pérez me semble déterminée, comme œuvre, par une sorte d’éthique du « pouvoir faire dans le temps », du « pouvoir toujours faire toujours », par une téléologie de la tâche se refusant à soi-même comme telle, c’est à dire comme terminaison ou comme aporie.
Voilà une peinture qui, comme la philosophie de Lévinas, celle de Guitton, pose de l’éternité dans le temps, de l’infini dans le champ.
La peinture de Mathias Pérez est une fantasmagorie : celle de la machine à faire toujours dont l’œuvre, la chose, ne seraient que la fabrique, la voie, le moyen, l’organe.
Depuis l’œuvre conçue pour être toujours à faire, la tâche se voue tout entière au devenir de la tâche.
La peinture s’inféode ici à une nécessité, pour l’être, de devenir, outre l’œuvre et depuis l’œuvre, outre et depuis sa présence, l’être de la pratique.
La perpétuation d’un devenir la consume, la justification de son temps singulier y est, à mon sens, le pressentiment impérieux d’un avènement possible de l’éternel, d’un éternel converti à la tâche.
Dans le même temps et naturellement, la forme subordonnée au pressentiment du devenir possible d’une éternité, se désignant comme la condition raisonnée d’émergence de l’éternel, ne s’abandonne pas à soi, elle ne définit pas son règne comme inexpugnable, ses supports, ses matières, ses dimensions comme farouches, enclos, refusés, comme leur propre fin, comme téléologies en soi.
Ainsi, elle s’affronte à un devenir contaminant. Toute la vie, en effet, peut être l’hôte de ce dispositif de l’œuvre conçue pour qu’il y ait toujours tâche. Quel que soit son lieu, l‘engagement de la forme à devenir, hors de soi, l’origine d’une pratique sans limite s’illustre. Alors, en tant qu’hors de soi, elle rencontre, le pressentant, outre l’éternel, l’infini. Le temps, l’espace, justifiés par l’éternel et l’incommensurable lointain, accueillent une praxis en éternel et infini devenir, un être de la pratique, en effet.
Si l’œuvre de Mathias Pérez chemine toujours pour cheminer toujours, l’éternel et l’infini, le « premier » (comme le brahman…) s’y inscrivent, chaque jour davantage, comme formes et plus essentiellement comme sous-tensions de gestes valant dispositif de leur éternel engendrement outre l’œuvre.
Les travaux les plus récents de Mathias Pérez voient l’organe producteur d’éternité et d’infinité de la tâche, l’agencement valant convocation à toujours faire, le céder à des formes « chargées » au sens rituel, quoique vidées, c'est-à-dire manifestant en leur chair, constituée corps glorieux, une présence de l’incommensurable.
Chez Mathias Pérez, vraiment, l’éternité de l’œuvre s’est « retrouvée » en l’œuvre.
Site de l'artiste : http://www.mathiasperez.com/