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La Conférence coûtera à Berne entre 9 et 14 millions d’euros. Elle mobilisera 4000 soldats helvétiques. Elle vise incidemment à replacer au cœur du jeu diplomatique un pays dont la frilosité irrite ses voisins.
Elle intervient à l’heure où la situation militaire évolue : une douzaine de pays, USA compris depuis le 30 mai, Allemagne depuis le 2 juin, ont autorisé Kiev à frapper le sol russe avec leurs armes, ce qu’elle a aussitôt fait dans les oblasts de Koursk et Belgorod.
Tandis que l’armée de Poutine avance vers Karkiv et Soumy, pousse en vain à Avdiivka, l’Ukraine tente de réduire ses capacités opérationnelles. Elle a d’ores et déjà réduit de 15% l’activité des raffineries russes, au point que Moscou a dû demander au Kazakhstan de lui tenir en réserve 10000 tonnes d’essence, se plaçant une fois encore en dépendance d’un allié peu fiable.
Le conflit semble se rééquilibrer : pourquoi, dès lors, ce désintérêt pour un événement qui semble intervenir à point nommé ?
En premier lieu, si les États-Unis, qui ne sauraient s'engager pour longtemps, y dépêcheront, derrière Kamala Harris et le très iréniste Jake Sullivan, une délégation de haut niveau, il n’accueillera aucun représentant russe. Moscou n’y est conviée qu’au titre d’entretiens bilatéraux, ce qui a entraîné la défection de la Chine, qui en suit bien d’autres, la plupart suscitées par le Kremlin ou Pékin. L’on sait déjà que Turquie, Arabie Saoudite, Brésil, Égypte, Indonésie n’y participeront sans doute pas et que nombre d’amis africains, caucasiens ou moyen-orientaux de la Russie les imiteront.
L'Inde de Modi, que son hostilité à la Chine et les faiblesses actuelles des USA conduisent à convoiter un rôle de médiateur mondial, boudera néanmoins les débats.
Sur les 160 invités de Berne, 80 ont pour l’heure répondu : seuls les représentants du camp démocratique se rendront sur les cimes du Bürgenstock.
En second lieu, la base de discussion retenue est le plan en dix points présenté fin 2022 par Zelensky à l’assemblée générale de l’ONU puis au G7, en ces temps où l’Ukraine rêvait de reconquêtes. Maximaliste, il a déjà fait l’objet de discussions lors des conférences de Copenhague, Djeddah, Malte et Davos, entre juin 2023 et janvier dernier. Il préconise la sécurisation des infrastructures ukrainiennes, notamment nucléaires, celle de l’acheminement du blé vers ses destinations commerciales et humanitaires, le retour des enfants déportés par Moscou, la restauration de la frontière de 1991 et le retrait des troupes russes : c’est dire qu’il a tout pour séduire Poutine…
Organisée peu habilement, sur des bases obsolètes et en période d'incertitude électorale américaine, la rencontre du Nidwald, que Poutine a qualifiée de « cirque », semble vouée à passer à côté de son objectif premier.
À tout le moins autorisera-t-elle à l’Ukraine épuisée une cure alpestre de méthode Coué, au moment où toute son énergie est requise pour jouir de la manne d’équipements et de la nouvelle doctrine occidentale de présence au sol qu’elle a conquises de si haute lutte.