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Billet de blog 17 août 2011

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Que vaut la dette ?

Que vaut la dette ?De ce qui est cause de souffrance en soi, l’on peut à bon droit interroger la gravité. La mesure du mal par l’idéation en fait une sorte de création propre, quelque chose qui, au-delà de la dualité en soi-pour soi, est un « à soi ». Si je connais ce dont je souffre, ce dont je souffre se déleste de ce poids de l’étrangeté, de l’adventice, de la sauvagerie qui en fait l’adversité pure.

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Que vaut la dette ?

De ce qui est cause de souffrance en soi, l’on peut à bon droit interroger la gravité. La mesure du mal par l’idéation en fait une sorte de création propre, quelque chose qui, au-delà de la dualité en soi-pour soi, est un « à soi ». Si je connais ce dont je souffre, ce dont je souffre se déleste de ce poids de l’étrangeté, de l’adventice, de la sauvagerie qui en fait l’adversité pure.

Me voici en mesure, mesurant, de traiter de façon fraternelle avec ce qui, s’il m’accable, est aussi en moi un objet de connaissance, c'est-à-dire une propriété, c'est-à-dire en moi mon produit.

La souffrance phénoménologique n’est pas l’égale de la souffrance subie du dehors.

Elle en est comme le double domestique, l’hypocoristique.

Que vaut la dette ?

A mesure que s’affole sous nos yeux la compagnie perversement soudée des prêteurs et des débiteurs taraude cette question béjaune.

Cette dette dont je souffre, que vaut-elle, quel est son poids, à quelle aune se mesure-t-il ?

De quel poids souffre l’endetté ?

Quelle est la taille de la tuméfaction que forme et fourbit en lui le prêteur ?

Ce qui obère a-t-il une mesure ?

Si oui, qui en rend compte ? La mesure de la dette est-elle partagée ? La valeur qui définit la mesure de la dette a-t-elle valeur absolue ? Dans le cas contraire, que vaut la dette qui fasse sinon consensus, harmonie ?

La solvabilité se définit-elle au monde comme la capacité à adhérer et à se soumettre à une valeur dont la mesure est tacite ? Ne peut-elle se définir comme la capacité de rembourser ce monde qui « prête vie » en comblant son déficit de signification ? Y a-t-il des dettes « sublimes? Celui qui dit « que vaut la dette ? », celui-là n’est-il pas le toujours, le souverain solvable en tant qu’il convie à la subordination de l’ordre humain à l’homme, en tant qu’il fait de l’homme la mesure de toute dette ? Quelle est la valeur de la dette monétaire relativement à cette dette « distinguée » ?

Que vaut la dette qui n’est point recours à l’homme ? Que vaut la dette quand elle gagne cet étrange état de célibat, quand elle est à elle-même sa propre fin, quand elle est réductible à « l’intérêt de la dette » ?

Que vaut la dette dont l’intérêt est la dette ? Que vaut le remède qui assassine ? Que vaut le remède qui assassine quand sa prise n’est pas imposée par une nécessité intime d’en terminer ? Que vaut la dette qui n’est plus recours si la contracter n’émane pas d’un désir intime de sujétion de l’emprunteur et de son prêteur ? De leur difficulté à s’inventer plus avant hors de la sujétion ? De leur angoisse de s‘inventer hors de la sujétion à l’objet ? De leur angoisse d’être sujets pleinement depuis l’asservissement de leurs objets ? De se libérer de ce qui est « présence du sujet dans le temps » et qui signifie le confinement au temps ? D’être présent au temps du sujet, ce temps dont le trait permanent, faisant leçon, est l’impermanence des objets conçus face à la permanence du sujet concepteur ?

Que vaut la dette si l’hypothèse de son annulation est en l’idée ? Que vaut la dette si sa négation est un objet de pensée ?

Que vaut la dette en un temps ayant raboté le règne des évidences au point de nier le temps et l’espace comme distincts, l’histoire comme fatale, dieu comme éternité ? Que vaudrait la dette en un temps qui ne vivrait pas dans l’appréhension de ces constats mais dans la jouissance de leur avènement comme condition première d’une réinvention du monde ? Que vaut la dette pour celui qui, ne redoutant pas d’être libre, ne s’endette qu’au profit de cet « être libre » ? Que vaut la dette qui n’est point sujétion à la dette ? Quel espace entre « pas un clou » et « tout l’or du monde » ?

Que vaut la dette à son créditeur de celui qui ne rembourse point ? Que vaut une dette qui ne vaut plus rien ? Quelles conséquences à l’affranchissement général ? Quelle est la valeur du dédommagement du prêteur ? Définit-elle une valeur de la dette ?

Que vaut la dette ?

En soi, dans le temps, entend-on.

L’épistémologie appliquée à la débandade systémique actuelle, la critique de l’économie de l’endettement saura-t-elle faire de l’endettement un objet de connaissance ? L’endetté saura-t-il de ce dont il souffre qu’il est en lui objet de connaissance, le prêteur saura-t-il reconnaître en autrui la circonscription de son objet ?

Que vaut la dette ?

Quel est le poids dans le temps de ma souffrance ?

Le temps du poids de ma souffrance est-il sans temps ?

Où s’origine et s’achève le temps de ma souffrance ?

Ce lieu est-il du temps ?

Ce temps est-il mien ?

Le temps de ce lieu est-il de mon temps ?

Que vaut la dette ? Quel est son degré de puissance, son « mana », son « wald » étymologique ?

En quoi s‘origine-t-il sinon en celui qui est de cette puissance le patient ?

En quoi s‘origine-t-il sinon en la perversité de celui qui est en puissance un patient ?

Dont la puissance est le désir d’impuissance ?

Que vaut la dette ?

Ad libitum

Deux sages au désert, l’un de l’autre le fou.

Leur apparaît soudain le mirage d’une oasis.

L’un des deux court au mirage et meurt d’épuisement.

L’autre s’assied, s’interroge : « que vaut cette oasis ? » et meurt d’insolation.

Du second sage, quels enfants sauront poser aux enfants du premier, la poser de sorte qu’ils y répondent, cette question : « que vaut la dette ? »

L’on pose ici que des enfants, ils auront, perdus pour perdus, été les plus libres.

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