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Billet de blog 21 novembre 2011

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Hollande se pose là

 François Hollande balance.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

François Hollande balance.

L'on n'entend pas par là qu'il hésite mais bel et bien qu'il balance.

D‘arrière en avant.

Le discours qu'il a prononcé à Strasbourg devant les jeunesses socialistes, le samedi 19 novembre, a marqué l'exaspération de ce balancement.

L'on n'aura vu que lui, imitation du Mitterrand frappé de furor rhétorique des grandes heures à part.

L'on n'aura vu qu'un balancement d'arrière en avant, engagé par des brassées, qu'un déséquilibre du penchement, dont on a peine à croire qu'il soit entièrement le produit d'une volonté entraînée de l'orateur, qu'une théorie d'effets de manche, dont on peut postuler qu'il est tout autant symptôme que gymnastique apprise.

Le bras entraîne le corps vers le chemin.

Cependant que le pied colle au pupitre.

Et, bien entendu, la langue suit.

Elle suit ne suivant pas, puisqu'il n'y a rien à suivre et que le corps penche mais ne progresse point.

La langue suit, ritualisant un bégaiement dont la pierre angulaire est l'adverbe « là ».

Les dictionnaires nous disent de cet « embrayeur du discours » de François Hollande, qui semble fait pour éponger tout l'excès nerveux de ce corps penché, qu'il a pour fonction de « marquer le lieu où se trouve le locuteur ou un lieu plus ou moins éloigné de lui ».

Qu'il hésite entre l'indication hésitante de la situation présente et le signalement vague d'une situation à venir, qu'il fixe un point indéfini depuis ce point en fuite éternelle qu'est le présent dont seule la mémoire, le délire poétique ou l'apophétie sauraient rendre compte.

Qu'il hésite, en somme, entre une ombre et une ombre.

« Là », serine François Hollande, à la fois immobile et en marche, c'est-à-dire penché.

« Là où je suis, qui n'est pas un ici , par là où je suis , je vous parle de ce où je vais » ; et la main, qu'accompagne un regard comme apeuré (par soi, par autrui ?), mouline dans l'air un point de chute encore à circonscrire.

Rien d'étonnant à ce que la jeunesse soit le cheval de bataille du candidat socialiste : il est tout entier au surgissement, à l'élan, il figure l'émergence, l'émergence à son stade émergent, celui au cœur duquel nul n'est encore ni tout à fait à ce qu'il est ni tout à fait à ce qu'il vise.

Celui au coeur duquel on se saisit à son âge désirant, pas encore à son âge arpenteur.

Martine Aubry reprochait à François Hollande son flou.

Le discours de Strasbourg lui donne raison : le corps de François Hollande traduit, dans le présent fugitif, le déséquilibre de l'incertain devant sa portée, entre fixation dans l'irrésolution de ce qui engendre et vision brumeuse de ce qui est à engendrer.

Pas de port, pas de cap : une tentation contrariée du progrès.

Une « jeunesse » consumée par un désir sans siège et sans objet.

C'est ici, à ce stade de l'observation du symptôme, sans doute plus subi que joué, que peut intervenir le transfert vers les terres de l'analyse politique ; et ce transfert n'est pas nécessairement frappé au coin que l'on croit.

L'on peut certes reprocher au candidat socialiste de mettre en scène avec un zèle symptômal excessif l'élan entravé, bridé, la volonté contrariée, la chevauchée immobile, en un mot, le cheminement conservateur.

On peut lui tenir rigueur de sa disposition à incarner sur la scène l'homme aux rats freudien voulant et ne pouvant pas, l'inhibé.

Nicolas Sarkozy est un corps que dévore une énergie prête à sourdre et qui se fait voie de toutes parts sous un costume qui peine à la contenir.

Le ressort est tendu.

Le discours achevé, on sait qu'il mordra.

François Hollande est un corps déjà offert à sa téléologie, à sa route vers un là, mais qui « demeure » quand les jours de l'action « s'en vont »...là...

Un corps conservateur.

Le corps d'une émergence, d'une jeunesse conservatrice.

Paradoxale ? Voire...

J'arrive, j'émerge, dit-il, je veux, je prétends mais je demeure.

Inhibition, flou, entrave, conservatisme, sans doute...

Mais aussi distance herméneutique, longueur de temps de l'analyse du là.

Du présent de l'action, de sa portée, de son devenir.

Il est avéré que le peuple de France, converti à l'idée que sa dignité n'en passe plus par la formulation de ce non politique

En 2012, l'électeur dira où...

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