Leur jeunesse est celle des mites, elle vaut celle des abeilles.
Il est des enfants dont l'insouciance garantit la durée du pas et qui vont sainement nulle part.
Il est des enfants que leur mnémophilie pousse à goûter l’exténuation, à en convoquer les mânes. Ceux-là veulent être jeunes toujours, ceux-ci vieux déjà.
Il est des enfants dont le rêve est celui de l’inaltérabilité de la peau de chagrin, d’autres dont le rêve est celui de la permanence de son dernier état.
La jeunesse ne se borne pas toujours à ignorer l’âge vermeil, il lui convient parfois de le refouler comme son monstre, il lui convient aussi, parfois, de désirer « en être » par goût vrai ou depuis le sentiment que le chemin est illusion ou vanité, qui y mène tout droit, et que le saut d’une étape est produit de sagesse.
Ainsi peut-on se mettre « en marche », non pour goûter le voyage, non pour aller vers le neuf, mais pour gagner plus vite le terme que l’itinéraire offusquait.
Emmanuel Macron est, semble-t-il, de ces enfants-là, qui séjournent en la fraîcheur patinée du grenier.
On le constate en marche, pressant le pas, poussant la voix et l’envie prend de se demander vers quoi tend la marche, où mène le pas, ce que conjure la voix.
L’on s’interroge et l’on écoute.
Initiative libérée, société civile exhaussée, légitimité partagée, persévérance en soi prisée, idéologie démonétisée, primat de l’offre consacré, vieille politique daubée, humanités, culture classique réifiés, partis et corps intermédiaires flétris, gauche et droite transcendées, état-providence satanisé, Europe vraiment fédérale caressée puis prorogée : voici ce qu’on entend, voici ce qu’on écoute, voici ce qu’on lit, tout au charme de la circulation en l’esprit nostalgique d’une voiture de masques où commercent avec courtoisie les fantômes politiques de Jean Lecanuet, Valéry Giscard D’Estaing, Bernard Stasi, Jacques Barrot, Simone Veil, Dominique Baudis, Michel Rocard, Christian Blanc, Jacques Delors, François Léotard, Jean-Pierre Soisson, Olivier Stirn, … François Hollande : Indépendants vintage, radicaux de gauche de toujours, valoisiens parce qu’il faut bien vivre, deuxième gauche de retour, Parti républicain des années Jeanne Mas, UDF des années disco, Convention des institutions républicaines des années twist, UDSR des années Piaf…
Il est des enfants des roses et des résédas, des jardins, des enfants que telle folie pousse à muser par les parfums sylvestres.
Il en est d’autres qui, de toutes les essences, fussent-elles serrées dans des coussinets de lin pour rassurer la nuit, préfèrent la naphtaline et qui couvent la mérule quand leurs contemporains, hilares, courent ce qui survient de lièvre.
D’autres enfants qui lisent Paul Ricoeur, qui le lisent jusqu’à l’aimer et qui fondent une éthique sur une mémoire ou, peut-être plus sûrement, sur le goût, étrange à l’insouciant, qu’ils en ont.
Nul ne songerait à faire reproche à Emmanuel Macron de telle légèreté, nul ne songerait à contester son sérieux, ce sérieux que gaine un vêtement comme rêvé par Terence Young, c’est presque le contraire…
L’on peut au contraire s’étonner de ce qu’un jeune homme ait en tête, prenant pied sur le chemin, d’y prendre pied pour gagner le temps vieux, d’y prendre pied comme pour atteindre le bel état d’exténuation où l’on contemple ce qui advient comme un présage de ce qui est toujours advenu.
L’on peut s’étonner de ce que ce jeune homme hurle jusqu’à « se faire » la voix rauque de celui qui, à l’instar du Gabin de Dabadie, « sait qu’on n’sait jamais ».
Voici Emmanuel Macron, jeune homme vieux, Protée politique en marche vers ce qui fut, le confondant avec ce qui sera, abolissant l’élan primesautier du temps.
Voici Emmanuel Macron, accordant au mot « révolution » son acception originelle de « retour au départ »...
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Voici venir ce qui est sans âge, ce qui est politique contre ce qui est temps, ce qui est devenir contre l’Histoire, ce qui est récit sans récit, dirait peut-être Tonton Ricoeur…
Il est des enfants que l’on aime et dont on regrette cependant qu’ils croissent à couvert de la vie.
L’on aimera Macron mais l’on votera pour vivre.
Pour Solenn H.
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Sortie le 25 février 2017 chez Gwen Català éditeur