Billet de blog 23 avril 2011
21 avril : la peur n'écarte pas le danger
Pour SaphoL’on peut à bon droit craindre, pour 2012, un 21 avril.Mais la peur n’écarte pas le danger.Qu’est-ce qu’un « 21 avril » ?
Pour SaphoL’on peut à bon droit craindre, pour 2012, un 21 avril.Mais la peur n’écarte pas le danger.Qu’est-ce qu’un « 21 avril » ?L’on peut entendre par « 21 avril » deux choses.La première est politicienne : l’arrivée en tête au second tour de l'élection présidentielle d‘un candidat auto-proclamé « républicain » et d’un candidat du Front National.La seconde est politique : l’arrivée en tête au second tour de l’élection présidentielle d’un candidat porteur d’un projet constitué en vision de la cité à venir et d’un candidat dont la vision de la cité à venir est illisible ou nulle.Le Front national est porteur d’un projet de cité. Ceci ne se conteste point. Ce projet, ceci établi, n’est pas enfant de la nation, du moins pas de la française car la nation française n’a d’essence que plurielle. Elle n’a jamais été nation que depuis la réunion des contraires, l’accueil des divergences, la réunion des singularités, des idiosynchrasies potentiellement adverses.Le Front national n’est pas un front national.Il emprunte son projet au fond d’être tribal de l’espace nommé France, à celui que Michelet a si magnifiquement balisé dans son Histoire de France. Le Front national fonde son projet de société sur le renoncement de la nation française à son identité bohème, vagabonde, bigarrée, nomade, hospitalière, généreuse à l’autre. Il fonde son projet sociétal sur le refoulement de l’identité d’un pays « finistère », d’un pays constitué en dernière étape heureuse du voyage d’autrui, d’un pays dont les tribus furent si souriantes à l’arrivée du voyageur qu’elles ont construit pour lui, apprenant de lui, des maisons au cœur de leurs maisons, des champs au cœur de leurs champs, échangé avec lui leurs coutumes, forgé avec lui une langue, formé un corps de loi qui en a fait un frère, un recours, un « autre même », en un mot, un co-national au sein d’une nation devenue métisse.Le Front national n’est pas un front national, il est un front tribal, pré-national, il ne parle point au nom de la France, il parle au nom de ce qu’elle a nié, de soi, en soi, au long de l’Histoire nationale : sa disposition au soulignement des différences, à l’affirmation de l’appartenance terrienne, campaniliste, tribale.Le Front national est un front tribal, il n’est ni national, ni français d’inspiration, sa proposition politique ne fut au reste jamais qu’une marge de la proposition métisse et internationaliste du champ politique national, au long de l’Histoire.Certes, il dit des choses de la France, il dit, par exemple, le désespoir social, il dit la possible révolte d’un peuple bafoué, livré à soi, quotidiennement giflé par les abandons du service public, par la condescendance de pouvoirs successifs qui n’opposent à sa misère grandissante qu’oboles dérisoires. Il dit le décalage grandissant entre les ambitions affichées par la macroéconomie multilatérale et ses résultats sur la routine des gens de chez nous.Mais il dit aussi de la France qu’elle tire de tout cela une appréhension croissante de l’autre, un repliement sur ses prés carrés tribaux, il dit que cela est juste et bon, que cela est « bien de chez nous » et il a tort.Il a tort parce que face à sa souffrance, l’espace français est encore et toujours pluriel, ses banlieues, sa classe ouvrière, sa classe moyenne appauvrie, sont des espaces de solidarité plurielle, leurs méthodes de résistance à la souffrance ne se fondent point sur l’auto-conviction d’une responsabilité de la tribu d’en face. La France souffre comme France, sa souffrance n’est point l’occasion d’un retour à son âge « pré-national ».Elle comprend qu’elle souffre, qui le dit avec netteté recueille son suffrage, Front national inclus, mais il suffit de la regarder en face, de l’observer historiquement, de l’observer en sociologue, pour s’apercevoir qu’elle n’impute pas sa souffrance à sa marqueterie, à sa constitution bigarrée.Cependant, le Front national, qui n’est pas national, dit quelque chose, il délimité une cité, ce qu’il dit fait sens, il ne se borne pas à rafraîchir les ruines de la cité contemporaine, il propose sa reconstruction.Convoquant l’obscurité dangereuse d’une sorte de cerveau reptilien de la terre de France, certes, mais il le fait.Et c’est la profession de ce rêve (mauvais, sans doute mais qu’importe) qui assure la présence au second tour de Marine Le Pen.Marine le Pen forme une cité, donne un sens au vote de l’électeur.Ce vote sera le vote d’un architecte.Qui saura comme elle faire de son électeur un architecte ?Qui saura opposer une autre cité à la cité rêvée par Marine Le Pen, une cité qui ne soit pas celle dont la décadence n’est sans doute plus répressible ?Qui saura, dans le camp « républicain » (c’est-à-dire dans le camp national, car, en Pays de France, ces deux mots furent au fond toujours strictement synonymes, même en Monarchie) proposer à son électeur d’être l’architecte d’un pays autre, d’une autre Cité française, d’une cité fondée sur la continuité généreuse de l’alliance de cœur et de raison des différences, cette alliance qui dit au monde, comme elle l’a presque toujours dit, qu’à la fraternité politique des hommes en quête de bonheur commun rien ne résiste qui soit d’ordre politique?C’est le dessin d’une cité à venir, l'invitation aux urnes d’architectes républicains qui fera barrage au « 21 avril », pas un bal des experts de l’impossible sauvetage d’un modèle politique en capilotade.C’est le devoir des électeurs républicains de pousser leur classe politique à travailler à l’esquisse d’une cité française neuve, fondée en fraternité, dont ils reconnaîtront qu’ils peuvent être, pour le bien commun, les maçons et les architectes.La peur n’écarte pas le danger : 21 avril il y aura, sans doute, si un seul camp fait sienne l’ambition de réinventer, de la cave au grenier, notre maison commune.
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