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Billet de blog 23 août 2011

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Pour une candidature Strauss-Kahn

Dominique Strauss-Kahn, nous dit-on, est sur le point d’être libéré.L’affaire qui le regarde a consacré de façon à la fois éclatante et consternante l’emprise absolue du devenir individuel sur le devenir politique caractéristique du contemporain.

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Dominique Strauss-Kahn, nous dit-on, est sur le point d’être libéré.

L’affaire qui le regarde a consacré de façon à la fois éclatante et consternante l’emprise absolue du devenir individuel sur le devenir politique caractéristique du contemporain.

Le vouloir-être individuel, l’abandon de l’espérance collective au profit d’une fixation des énergies sur la réalisation d’un désir de possession individuelle du contexte, matérialisé ou non par l’obsession de l’intérêt comme valeur « détachée » du gain lié à l’activité collective de production, par l’obsession de la conquête réduite à son étiage égotique ou perversement narcissique, voilà ce qui faisait le temps politique, voilà, plus exactement, ce qui faisait un temps politique disruptif, suicidaire, un temps politique de mise à mort du politique.

Un temps politique saturnien ou, qui sait, tout bonnement idiot.

Foin du FMI, des élections présidentielles françaises, foin de la trajectoire d’un homme dont l’on ne saurait nier qu’il a illustré en France, ces vingt dernières années, une certaine idée du devenir socialiste, qu’avec cette idée l’on se trouve en accord ou pas.

Depuis le 14 mai, une façon de dernière touche était mise au tableau de la déréliction de l’être politique, de sa substance en l’être, de sa nature de conception par l’entreprise collective des conditions d’un salut collectif obligeant le salut individuel.

La social-démocratie européenne, le Fonds monétaire international, le Parti socialiste français, les élections présidentielles, tout ceci faisait une belle jambe à un forum en débandade.

Et bien entendu, tout ceci offusquait, le temps nécessaire à la contemplation béate et cathartique de la corruption de l’exemplaire autrui, du bouc projeté au désert, l’ensemble de l’actualité internationale, de sorte que la plastique fantasmée d’une esclave et la libido exécrée d’un maître répondaient, aux côtés des aléas de la réalisation malade du profit boursier, du monde comme espace de définition d’une humanité.

Elle fut pénible, l’affaire Strauss-Kahn, elle le fut au premier chef pour l’innocent, pour l’innocente, qu’en saurons-nous ?

Mais elle fut pénible, aussi, l’individu dépassé, pour ceux qui croient, en ce temps, en la nécessité résolue d’affirmation du primat de la conception politique, de la conception d’une Cité à venir sur la sympathie, l’empathie, l’affect, la commisération ou l’admiration personnelle.

Dominique Strauss-Kahn, nous dit-on, est sur le point d’être libéré.

Si cela est juste, cela est bel et bon.

Mais ce qui intéresse celui qui tient le politique pour le dépassement dialectique des conatus individuels, des cheminements vers un salut solipsiste, que ce salut entraîne ou non l’émulation (la preuve du contraire semble aujourd’hui apportée, entre brutalité des uns et dépression des autres), ce qui intéresse celui qu’a navré, d'une part, l’étrange et objective complicité de ces derniers mois entre la vacuité programmatique, l’absence de tout bouquet d’une vision ambitieuse et synthétique du devenir sociétal offerte aux électeurs, et d’autre part la jouissance de la mort impériale du politique mesurée à l’occasion de l’affaire du Sofitel et de la petite mort de son hôte, c’est une libération d’ordre symbolique.

Vacuité politique des postulants au trône branlant, occasion morbide donnée à ceux qui en jouissent de frapper, voici ménagée, sous couvert de liberté de l’information, de prise en compte générale et censément irréfragable de la primauté absolue du destin individuel en un temps affranchi du poids censément irréfragable du despotisme idéologique, l’incarcération véritable du sujet politique.

Le voici convié à se choisir lui-même comme son guide, de programme en programme.

A s’observer lui-même en violeur, aussi, en victime d’injustice, en femme de chambre violentée, en femme de chambre sournoise…

Ce que possiblement l’on a libéré, en libérant Dominique Strauss-Kahn après une période "couverte" par un bégaiement nauséabond de l'information, et à ce moment précis de l’actualité, ce moment puissamment symptomatique, opportun, sans doute, à l’avènement du meilleur, ce kairos, en un mot, c’est l’exigence de politique.

Voici peut-être venu le temps où, ses dents baignant dans la réduction à la chronique méphitique de ce qui fut la vie politique, ployant sous le boisseau d’un malheur généré par la libération sans frein de l’initiative du sujet affranchi du souci d’autrui, séduit au spectacle des soubresauts du monde arabe, par l’idée que des luttes solidaires puissent du malheur venir à bout, l’électeur en appelle de nouveau à l’ambition de chacun pour tous.

A cet égard, comment ne pas souhaiter, que l’on se positionne à droite ou à gauche, que Dominique Strauss-Kahn mette un point final à ce qui fut, au plan symbolique, une période de terrible subordination, d’humiliation, du politique, en présentant à la primaire socialiste d’octobre un programme manifestant avec panache la nécessité radicale, au champ politique, de la souveraineté du politique ?

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