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Billet de blog 24 avril 2011

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Le Brésil d'où je suis

Pour Luis Gomes  Se perdre en réflexions rétrospectives ne peut être le fait du philosophe, de l'écrivain tels que je les conçois. Le philosophe et l'écrivain ont selon moi pour métier la création d'un flux parallèle à celui de la vie, qui l'éclaire, tout à fait comme l'écho rend compte de l'impact sonore et de son ondoiement.

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Pour Luis Gomes

Se perdre en réflexions rétrospectives ne peut être le fait du philosophe, de l'écrivain tels que je les conçois. Le philosophe et l'écrivain ont selon moi pour métier la création d'un flux parallèle à celui de la vie, qui l'éclaire, tout à fait comme l'écho rend compte de l'impact sonore et de son ondoiement.


Le philosophe ni l'écrivain n'immobilisent pour voir. Ils "voient" un mouvement qui, sitôt qu'ils le voient, les observe déjà de déjà loin avec quelque ironie. C’est la belle leçon, par exemple, des romans de Stendhal. Prétendre immobiliser pour voir n'est pas une prétention philosophique, n'est pas une prétention littéraire. Comment dire ici « mon » Brésil, « mon » Porto Alegre, sachant que le flux du fleuve Brésil, du fleuve Porto Alegre me portent comme pour rire, au moment où j'écris, la plus radicale et salutaire des contradictions.
Que fut le Brésil, que fut Porto Alegre, pour moi, à quelques pas de maconscience, d'où j'étais, d'où je suis ?
Peut-être essentiellement la particularité magnifique en quoi consiste, depuis le règlement d'un chaos, la mise en désordre de la règle, cette capacité de rédemption aristocratique, superbe, orgueilleuse, de la mélancolie et de sa pente au fond vulgaire. Quittant le Brésil pour quelque temps, je retiens que j'y ai appris que le désespoir est une indignité, que l'espérance est une discipline possiblement collective susceptible de fonder une civis, une polis, une civilisation, une urbanité, une politique. Je n'ai appris du Brésil ni la joie ni la tristesse, ni la cordialité ni la défiance; j'ai appris du Brésil une façon d'esthétique, d'éthique de l'espoir, j'ai appris du Brésil une méthode, un travail de l'espoir, le dépassement dialectique de l'écart entre l'allégresse du fou et la gravité du sage. Le Carnaval, oui, sans doute, mais pas celui des corps, celui des âmes, pas celui du pas, pas celui des nerfs : celui des rythmes étranges de l'Être.
"S'il est un homme", son ombre passe, chante et danse au Brésil et cette ombre est lumière au monde.


C'était une ombre, elle a pris de l'avance : elle m'observe souriant, sifflotant "Apesar de você..."

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