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Chacun le constate, la langue du moment fait un usage intempérant de la forme « en mode ».
Cette étrange locution adverbiale transfère toutes les formules attributives du champ humain vers le règne « modal » de la machine. Elle consacre la conversion de l’organique nature humaine en une « nature machinale ».
L'un des grands projets de la philosophie émancipatrice occidentale qui a défini la modernité consistait à faire émerger un « sujet » critique et dominateur « d'objets du monde » et, plus largement, une culture humaine maîtresse d’un « réel donné ».
Il semble que la contemporanéité œuvre, à rebours et pour des raisons qui tiennent fondamentalement à l'empire du marché sous séquestre capitaliste, à faire du sujet non plus le souverain des objets mais leur vassal et même leur émule.
En somme, plus le sujet contemporain revendique sa liberté de consommateur et de prédateur, plus il obtient en retour son inféodation à l'objet, plus il est l'objet des objets, l'engin des engins, la machine des machines.
Le sujet contemporain n'a pas besoin de se doter de prothèses pour être « transhumain » : sa condition d'esclave fiévreux des machines, comme le pressentait Antonin Artaud dans son Pour en finir avec le Jugement de dieu de 1947, le rend presque naturellement machinal !
Dès lors, il n’est plus en vie, il est « en mode vie » ; il ne vit plus : il est « sur ON »…