Revient à la mémoire le souvenir de ces fous-rires abominables des enterrements, de ces saccades de rire qui charrient à la fois, en leur rigodon obscène, le tremblement de la proie et le gondolage du contempteur.
Agrandissement : Illustration 1
Veronese, autoportrait, entre 1558 et 1563
Huile sur toile, 63 × 51 cm, musée de l'Hermitage, Saint-Pétersbourg
Paul n’est pas Callot, Ensor ou Dix. Sa gueule ne se fend pas sur tel rire épouvanté, sur telle nuit édentée dont ricanerait la viduité affreuse. Il est aussi ce qui reçoit, il est aussi l’hôte. Il s’est interrompu pour vous accorder une attention dont l’expiration souterraine est l’expression vraie.
L’ambre de son œil liquide roule sur soi sans vous concéder de répit. Il vous entraîne dans cet enroulement sans borne où le turannos risible épouse le pharmakos pitoyable, la révérence le pied de nez, la compassion le ricanement, l’éminence les latrines.
Paul n’est pas Goya, Bacon ou Ligozzi.
Cette face qui est de sortie, cette face qui vous reçoit dans sa carrée terreuse, cette face dont l’expression dérive, au gré du pas, entre sagesse, effroi, mépris, amusement, ne se borne pas à se signaler soi. Au contraire, en se fardant soi-même, en faisant repli sur soi, en s’enroulant sur son avers, en épuisant le spectateur, elle l’engage à prendre appui, à faire étape sur l’évidence stabilisée d’une aspérité tonitruante.
Revenons à soi, observons de nouveau Paul Caliari ailleurs, sans préjudice de ce ravissement attendu qu’imposera sa face.
Laissons-la un moment dérouler seule son onde obstinée, son branle étrange qu’homogénéisent ses contrariétés.
Détournons le regard.
Jusqu’à cette manche à crevé, par exemple, sous quoi claironne un rien de gueule…
Une virgule de vermeil, un doigt de sang.