Les mots ne veulent pas nécessairement dire grand-chose. Les secouer dans l’air ou le vent du temps n’ajoute point à leur signification, ne remédie en aucune façon à leur « insignification ».
Le sens des mots gît au cœur de l’expérience des sujets.
Tenter de forcer un mot à faire sens en un esprit où il n’a pas ou plus cours est aussi vain que de servir l’hostie à l’incroyant, que de convier celui pour qui la madeleine n’est qu’un gâteau beurré à retrouver l’enfance en y goûtant.
A l’occasion de la préparation tragiquement dodécaphonique du second tour des élections cantonales, la mode est à la convocation à l’envi du couple « république/républicain ». Et cela est certes vertueux car il n’est pas pour une république d’autre étiage lexical que ce couple de mots-là.
Mais tonitruer « république, front républicain, attitude républicaine, vote républicain », est-ce toucher à l’entendement, est-ce se faire comprendre ?
Encore faudrait-il pour se faire entendre, que quelque chose se fût inscrit, en le cœur de l’électorat, de ce que signifie le mot « république ».
La République y a-t-elle veillé ?
A-t-elle veillé à ce que l’idée de l’organisation étatique d’une communauté des destins s’inscrivît en les esprits ?
Y a-t-elle veillé, à l’école, dans les zones d’influence des services dont elle a la charge ?
A-t-elle veillé à ce que les propos publics de ceux qui en incarnent le destin se rapportent avec insistance à l’idée de communauté démocratiquement choisie des existences, des identités et des destins ?
La République, en somme, a-t-elle fait en sorte, depuis qu’elle a renoué avec elle-même, la guerre passée qui l’a vue disparaître, que le mot « république » trouve, en les occupants de la Cité, un écho ?
Il y a, en France, des partis républicains dont la responsabilité objective est de préférer activement le sens du bien commun, de la part commune, de l’identité collective, de la conception d’un « même relatif », de la définition juridique (édictée depuis le droit) de l’être national, au soulignement des ruptures identitaires, au signalement des particularismes et des particularités, à la désignation obsessionnelle d’un autrui, à une définition « ontologiste » (édictée depuis le sang) de l’être national.
Et puis il y a les autres.
Ceux-là ont tout à gagner du renoncement des partis républicains à s’exercer avec constance à une pédagogie de la vertu républicaine, à l’incarnation dans la pratique du pouvoir de cette vertu-là fondée sur l’alliance de la démocratie et d’une autorité démocratique nourrie du sens de l’identité d’autrui, quel qu’il soit.
Le Front National n’est point un parti républicain, ni au regard de son histoire, ni au regard de son rapport à l’éthique républicaine. Son propos n’est certes pas de fonder une communauté mais d’y insérer des coins. Il n'est pas de souder depuis la loi, mais de disjoindre depuis le sang, le milieu, ou la classe.
Face à lui, un front républicain objectif se délite par paresse, abandon, renoncement au républicain.
Qu’importent, au fond, les débats regardant les consignes de vote. Ils ne sont que le symptôme ou la conséquence d’une longue et progressive palinodie de la République qui s’est elle-même, au long des années, privée d’ambition républicaine et qui en est réduite, philosophiquement exsangue par sa faute, à prétendre au lieu que de prouver, à assommer au lieu que de convaincre, à répudier ce qu’elle a généré : en un mot, à être ridicule.
Marianne fut bien Cendrillon, qui humblement œuvra à la beauté de Marine…