Une scène pour dire Marie-France Pisier ? Celle des mandarines, dans Antoine et Colette, le court-métrage de François Truffaut daté de 1962.
Antoine Doinel est invité à diner chez Colette, Colette quitte le diner avant qu’il ne se termine, au bras du bellâtre Albert, laissant le jeune Werther sixties aux prises avec ses parents, dépiautant des mandarines, proprement enfariné, abandonnant à ses gaucheries et au concert télévisé son soupirant des Jeunesses musicales de France avec le plus absolu naturel, le naturel de celle à qui le désir des hommes ne fait chaud que quand il lui chaut, lui fait froid quand ça lui va.Ce qu’on admire ou ce qui horripile, chez Marie-France Pisier, c’est cette « déprise » naturelle, cette liberté aristocratiquement, légèrement acquise, comme innée, face au désir d’autrui et principalement au désir des hommes.Ni Delphine Seyrig, qui semble avoir appris à se déprendre, qui exsude la sagesse apprise, ni Bernadette Lafont, qui travaille en maudite, sous la lumière crue, à s’en déprendre, ni Juliet Berto, qui boude pour jamais, obtuse : Marie-France Pisier.Chez Marie-France Pisier, cette sauvagerie de la féminité pour qui le désir des hommes est l’autre qu’on ignore si cela chante, en quoi l’on se consume si cela chante, est comme native, elle qualifie, elle enveloppe, elle est une aura qu’on n’a pas, qui « vous a ».Une sauvage née coiffée, Marie-France Pisier.« Pourquoi n’êtes-vous pas venue ce soir ? »« J’avais dit « peut-être ». »Marie-France Pisier n’est pas en lutte, elle ne lui vient pas comme vous vient telle militance, cette incapacité à être l’objet d’un désir quand cela n’est point du jour. Elle est Marie-France Pisier. Elle n’est pas vous quand vous voulez.Et sa voix porte trace de cette liberté, de cette insoumission distinguées, tantôt profonde comme celle d’une Atride, tantôt légère comme celle d‘une ingénue, jamais telle ou telle quand le désir l’attend telle ou telle.Seule ou consumée, Marie-France Pisier, comme il lui plaira : à tout jamais déprise.Colette habite Rue de l’écluse et, comme l’écluse, elle laisse de l’amour, ou de l’amour de l’amour d’Antoine Doinel, passer silencieusement ce qu’elle entend, ce qu’elle veut bien. « Une minute, Albert, j’vais chercher mon manteau. Ben ça y est, hein, j’ suis prête, on s’tire. Salut. »Billet de blog 26 avril 2011
Marie-France Pisier, la déprise
Une scène pour dire Marie-France Pisier ? Celle des mandarines, dans Antoine et Colette, le court-métrage de François Truffaut daté de 1962.
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