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Billet de blog 29 octobre 2011

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Le politique à l'atelier !

L‘actuel est, comme l’écrivait Louis-Ferdinand Céline à propos des journaux du soir, un “formidable artichaut de nouvelles qui rancit.”Son emballement à péremption rapide, sa primeur rococo est une convocation névralgique à sentir, à ressentir, à entendre, à juger.

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L‘actuel est, comme l’écrivait Louis-Ferdinand Céline à propos des journaux du soir, un “formidable artichaut de nouvelles qui rancit.”

Son emballement à péremption rapide, sa primeur rococo est une convocation névralgique à sentir, à ressentir, à entendre, à juger.

De cet emballement échappe d’autant plus la signification, en l’actuel, qu’il n’est pas la conséquence, la téléologie d’une pensée du monde qu’incarneraient au monde des unités morales (des institutions jalouses de leur libre-arbître) de conception de l’emballement, d’architecture de l’événement.L’idéologie, en effet, ce Léviathan fustigé au comptoir du café du commerce politique, cette fabrique à faux entendement, cette fauteuse de coercition mortelle ne serait bonne que morte, mieux, elle serait morte, laissant Dieu et l’Histoire prospérer pour leur part, quoi qu’en eussent Hegel, Nietzsche, Kojeve ou Fukuyama. Règne en l’actuel un Réel d’autant plus pervers, d’autant plus étrangement inquiétant qu’íl est le produit affranchi d’un organe dont se prive aux forceps le politique.L’idéologie a modelé son Golem, ce Golem l’a mise à bas en en abolissant la portée dialectique, la dimension créative par émulation.Ce Golem a mis fin au dialogue trop fiévreux, trop bruyant, à l’éristique “all' italiana” de ses créateurs. L’actuel est une créature affranchie du conflit des visions du monde qui l’ont engendré.Il va son chemin et oppresse ceux qui ont perdu exprès les clés de son engendrement, il est l’objet célibataire d’une main devenue invisible par pudeur (et sans doute par paresse) que ses fautes historiques ont conduite à confondre décence et abandon.L’actuel est un être nébuleux, qui ne change jamais puisqu’íl change toujours, que ses maîtres ont abandonné par pudeur et consomption...et qui se venge.La fin du dialogue des fictions infantiles du devenir est garantie par un accord tacite: la délégation au sujet comme “présence au monde” de sa prospérité et de son salut. Le “fais ce que tu es” a succédé, sans que s’interrompe le cours de l’Histoire, de la narration politique, au “fais ce que tu dois”.Le moteur est lancé, la clé de son mécanisme est demeurée au vieux monde, plus qu’inatteignable : impensable.La vie de la cité n’est plus le produit de la détermination par le dialogue antagoniste de la vie de la cité, elle est, elle est ce qui, résolution volontariste de ce dialogue, le rend impossible.La nave va, les capitaines écopent.Le sujet politique, à quelque stade de responsabilité qu’íl opère, est l’objet de son objet: il souffre du célibat de sa créature, de cette créature dont l’essence est pourtant la satisfaction de son tropisme de résolution, en fin de compte, des conflits urticants inhérents à la vie propre de la raison historique.La cité monétariste, la cité usurière, la cité garantissant l’émancipation possédante, l’endettement du sujet vis à vis de soi, son indépendance éminente, sa belle autonomie autarcique et pour tout dire solipiste, l’inféode. L’objet désiré fait du désirant son objet, le sujet politique est “de soi”. Les remèdes négociés sont autant de castrations. Ce corps de désir libéré, aliéné en une cité libérée par la victoire de son désir désormais dogmatique souffre de soi.Voilà qu’une maladie étrange conduit la paix du sujet, libre de persévérer en soi, à causer son angoisse.Et voilà que de cette angoisse procède un affolement, celui qui émane du constat que quelque chose en soi, de soi, cloche, l’affolement du “plein coeur”, du for intérieur, qui ne peut plus user de distance critique face à une souffrance qui n’est autre que celle que cause son être-objet, son aliénation en cité, son appendice séculier, coutumier.Le politique n’est plus objet distinct conçu pour tous, il est expansion, coextension de soi. Il fait mal et c’est un mal en soi, de soi, qui opère du dedans.Foin de l’action, de la construction d’un sens : c’est un examen de conscience, un examen réflexif qui s’impose, une “critique de la déraison pratique”...Or, ceci suppose un temps, une éthique de la partition, de l’établissement du partage entre le sujet politique et le politique. Quelque chose fait coin, cloche, entre l’émancipé, l’affranchi et la cité qui lui ressemble.Quelque chose fait qu’íls ne s’entendent plus quoique les mêmes...Réagir, être aux ordres, se subordonner à l’objet est manifestement de peu d’utilité : de combien de temps disposent encore les pays endettés à mourir pour continuer à être ce que leurs citoyens endettés à mourir sont ? Combien de temps mettront les pays endettés ou créanciers à mourir d'avoir renouvelé à l’envi leur pacte avec ce diable objectif qu’est la maladie du “mourir de soi”?Prudence.Longueur de temps.

Thomas d’Aquin nous parle : "prudence."

Non point lâcheté, pusillanimité mais examen abstrait, examen aveugle et sourd des conditions du retour d’une téléologie conçue, d’un avenir vraiment objet, d’une cité assujettie à la pensée et non plus maîtresse de ses séides éperdus à peine élus.Le courage, l’audace sont là.L’impavide est celui qui fait retraite.Le temps semble venu du retour de la pensée créative, si chère à Gilles Deleuze, appliquée au salut politique; le temps semble venu d’examiner les conditions d’une “distinction” du politique comme création tenue, “arraisonnée”, de la pensée du devenir collectif.Le temps semble venu, sa fin ne garantissant rien moins que la mort de l’histoire comme dialectique des pensées du salut collectif, rien moins que la mort de Dieu qui fait figure de recours naturel (de “même catégorie”, dirait-on en boxe) quand le Réel des hommes bourrèle, de la réapparition du concepteur, du “poète” politique, de l’idéologue ayant appris de ses errances d’enfant poète bête ou cruel.Prudence, suspension, longueur de temps, fabrique, compte-rendu de la fabrication, résistance courageuse à l’emballement, quête de la durée et de la résistance des objets de pensée politique, tels pourraient être les outils éthiques du politique nouveau.

L’actuel hurle l’urgence d’un retour à la forge.

À l’atelier.

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