Le film l’Alan J. Pakula, avec Robert Redford, adapté du livre des deux journalistes qui ont enquêtés sur le scandale du Watergate pour le compte du Washington Post, met de scène deux hommes traqués par la machine d’Etat parce qu’ils en savent trop. Un film qui est étonnamment d’actualité, et qui fait froid dans le dos.
Clair T, celle par qui le scandale Bettencourt à pris des allures d’affaire d’Etat, n’est certes pas menacée de mort, mais quand on lit le compte rendu de l’interrogatoire mené par les sbires zélés du Parquet, en pleine nuit, et en sans la présence de son avocat, on comprend tout de suite que la machine d’Etat, n’est pas seulement venu enquêter, ou éclaircir une affaire, mais bien traquer un témoin qui en sait trop.
« Le mot pression mesemble tout à fait adapté. ... absolument scandaleux l' acharnement du parquetà son encontre » s'indigne maître Gillot le lendemain de l’audition de sa cliente.
Cette nuit là, alors que des officiers de la police judiciaire ont débarqué chez Clair T, voilà les premières questions qui lui sont posées.
Pourquoi êtes-vous parti à Fourques ? demande l’officier de la police Judiciaire.
Je suis partie à Fourques parce que je ne supportais plus la pression des journalistes…Je me sentais harcelée… Sur les conseils de mon avocat, Me Gillot Antoine de nous mettre au vert, je suis partie avec mon époux et mes enfants chez les cousins de mon mari à Fourques.
Vous avez fait un certain nombre de déclarations à Mediapart qui ont été publiées le 6 juillet au matin. Les avez-vous lues? Les déclarations qui vous sont prêtées par Mediapart correspondent-elles à vos échanges avec votre interlocuteur prénommé Fabrice ?
Imaginez maintenant cette femme seule, interrogée dans lanuit, chez elle, sans n’avoir eu ni le temps, ni le choix de faire venir son avocat, littéralement tétanisée par le scandale que ses déclarations ont produit, seul face à la machine d’Etat, et à un procureur qui, elle le sait comme tous les français, est lui aussi mêlé dans l’affaire…Comment dans ces conditions ne pas céder à la pression et revenir sur certaines déclarations et parmi ces déclarations,celles, les plus gênantes, qui mettent en cause le Président de la République lui-même ?
A l’aune de ces deux premières questions on le voit bien, la police n’est pas venu pour éclaircir un affaire d’Etat, mais bien pour savoir comment et pourquoi la comptable a parlée aux journalistes de Médiapart.
Rares sont ceux pourtant, parmi les intellectuels, les magistrats, les hommes politiques, et les journalistes de notre pays qui se sont émus de ces méthodes qui rappellent les jours sombres de notre histoire. « Des méthodes de Fascistes !» s’est exclamé Xavier Bertrand. Non pas pour stigmatiser la manière dont un témoin avait été interrogé, en pleine nuit, chez lui, sans la présence de son avocat, mais au contraire pour dénoncer la calomnie qui s’est abattue sur le gouvernement.
« Plus le mensonge est gros, plus il passe » disait Joseph Goebbels, et si méthodes de fascistes il y a, pour reprendre les mots de Xavier Bertrand, c’est bien la machine d’Etat qui en fait usage dans cette affaire.
Rappelons simplement qu’il y a des enregistrements, et un témoignage non pas sous X, comme ceux utilisés dans l’affaire qui oppose la Police aux jeunes de Villiers-Le-bel, mais à visage découvert.
On le comprend, la stratégie du gouvernement est simple : quand on vous met la pression, il faut que la pression change de camp !
Ils sont accusés, qu’à cela ne tiennent, ils accusent, ils dénigrent, ils mettent en cause…Le mot « fasciste » insulte ultime est lâché.
Sauf que, face à des enregistrements accablants, impliquant notamment le procureur qui mène aujourd’hui l’enquête, leurs déclarations n’ont aucun fondement, et répondent à la qualification juridique de la diffamation, à l’encontre d’un journal qui a fait son travail, et d’un témoin, qui rappelons le n’a rien à gagner si ce n’est son honneur.
Clair T l’avoue, ce n’est pas qu’elle voulait faire de la délation à l’encontre d’Eric Woerth…Si l’on ne l’avait pas accusée d’avoir volé ces carnets, elle n’aurait rien dit. Tels sont les propos de la modeste comptable.
Comment ne pas s’émouvoir sur ces fameux carnets de comptes, qu’on lui reprochait d’avoir volés et qui soudain réapparaissent dans les mains de la police judiciaire qui vient l’interroger en urgence ?
Quel effet cela à du produire sur son esprit de voir réapparaître subitement ces carnets qu’on l’accusait d’avoir volé, carnets qu’elle retrouve… dans les mains des hommes du président ?
Il serait temps que les intellectuels libres de notre pays, s’il en reste, les journalistes, les hommes politiques, les magistrats,prennent la mesure de cette affaire, car l’indignation populaire est grande et si rien n’est fait, ce sont les institutions de notre démocratie elle même, qui auront perdu toute crédibilité.
Evidemment, on comprend que c’est un moment difficile pour le gouvernement, et qu’il n’est pas facile de reconnaître que de telles pratiques ont eut lieu, il n’est pas facile de se couper le bras parce qu’il est gangrené, il est difficile de rebrousser chemin lorsqu’on s’est engagé dans la voie du mensonge, mais ce qui est en jeu, c’est l’Etat, et l’ordre public, l’Etat qui dépasse ces différents acteurs, dont on se souviendra qu’à l’aune de l’honneur avec lequel ils ont servi la France.
« Ils avaient le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre » disait Churchill. L’UMP devrait réfléchir à cette phrase, car en se déshonorant pour éviter un scandale, ils n’auront certainement au bout du calvaire que scandale et déshonneur.