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Billet de blog 27 nov. 2015

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Sentir la joie malgré la tristesse

Et bien voilà, la réalité nous a rattrapés… Nous ne sommes pas dans une fiction, ceci n’est pas un scénario inspiré de Homeland ou d’une autre série à succès. Nous sommes dans la vraie vie. IRL comme on dit. Tous les français sont encore groggys et l’ambiance est plus que morose malgré l’ouverture des marchés de Nöel...

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Et la consommation à outrance qui s’annonce dans les prochains jours ne pourra pas effacer les plaies,  ou alors seulement en surface et de façon éphémère.

Pourtant, dans ce chaos, la joie doit être plus forte. Et nous pouvons la sentir en regardant le drapeau tricolore fièrement brandi sur les façades des français aujourd’hui. Et demain, nous pouvons l’entretenir en rejoignant ce week-end notre club de foot, de basket, de tennis ou autre. Retrouvons-nous dans les salles de concert et soyons plus rock que jamais !

Paris, Bamako, Tunis, Bruxelles…. Quelle sera la prochaine ville ? Rien ne sert de se voiler la face, l’horreur peut continuer, voire aller crescendo. Oui mais… à quoi bon nourrir notre cerveau à longueur de journées depuis vendredi 13 novembre de nouvelles qui mettent nos nerfs à vif ? Gare à la soupape de sécurité, elle peut sauter. Car la pression dans nos cœurs est grande.

Il faut dire que d’habitude, les grands titres anxiogènes concernent un lointain pays, un fait divers qui n’arrive pas tous les jours et rarement à proximité de chez soi. Mais cette fois depuis bien longtemps, peut-être pour la première fois, on peut ressentir ce que d’autres ont vécu en temps de guerre. Certes cette guerre là n’est pas pareille, mais le mot, lui, est bien le même. Et dans ces moments inhabituels, beaucoup ont su témoigner d’un sentiment de joie qui les habitait. Paradoxe ?

Etty Hillesum par exemple, née en 1914 aux Pays-Bas et morte en 1943 au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne, était juive. Comme Anne Franck, elle a tenu un journal qui témoigne de son mal de vivre qui progressivement, s’est transformé jusqu’à la célébration d’un cheminement intérieur menant à la joie, même à l’approche de la mort. Certes, tout le monde n’a pas cette approche mystique de la vie. Mais ces témoignages montrent que la joie peut surgir même dans la confusion la plus totale, qu’elle est même plus forte que tout. Quand la mort ricane, la joie peut l’écraser comme une mouche.

C’est ce que pensent les écrivains Yasmina Khadra, Douglas Kennedy et Frédéric Lenoir qui étaient récemment tous trois réunis au théâtre des Folies Bergères à Paris pour une conférence sur La puissance de la joie. Plutôt osé de leur part de maintenir une telle conférence trois jours après les attentats. Et pourtant, ils l’attestent : La joie peut cohabiter avec le chagrin. Quant à la salle, elle était pleine…

Depuis ce vendredi qui marquera à tout jamais les esprits, nous sommes nombreux à réfléchir sur nos vies le sens qu’on donne à la nôtre : « profitons-nous assez de ceux qu’on aime, de ce qu’on aime faire, sommes-nous assez conscients des petits bonheurs au quotidien, de la joie d’être en vie tout simplement ? » ? C’est vrai, pourquoi vit-on ? Qu’est-ce qui anime chacun d’entre nous le matin en se levant ? Autant de questions qui viennent à l’esprit quand on est dépouillé et submergé par la tristesse.  Mais la vérité, enfin une vérité, est peut-être de voir cette petite lumière qui est toujours là, tapie au fond de soi, cette lumière à l’intérieur de vous, de lui, d’elle, de moi qui nous rappelle notre humanité.

Et cette lumière, elle est visible dans le drapeau français qui avait été volé par le FN depuis longtemps. Elle prend le dessus sur le français qui râle sur son pays, sur son voisin, sur tout. N’avez-vous pas remarqué comme on entend moins de râleurs ces derniers jours, comme si la fierté l’avait emporté, à commencer par tous ces jeunes prêts s’engager dans l’armée pour nous défendre. Tant de raisons d’éprouver cette joie dans la tristesse. Alors continuons pour longtemps cette fois, comme un acte citoyen, de faire la fête, de se faire des accolades à la fin d’un match, d’écouter de la musique, de danser, pour célébrer ce qui nous unis. Et d’écouter particulièrement du rock, ce qu’il a à nous dire, en mémoire de la tragédie du Bataclan, de ceux qui buvaient un coup au bistrot du coin…

Faisons monter le son, distribuons des ballons, prenons la vie à bras le corps. Et comme le rappelle un des sages aujourd’hui, Edgar Morin sur son fil twitter : « C’est parce que la vie n’a peut-être pas de sens que c’est à chacun de donner du sens à sa vie ».

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