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Billet de blog 2 novembre 2010

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La santé est un droit fondamental pour tous ... sauf en France ?

Après lecture attentive du très bel article de Carine Fouteau sur les soins des sans papiers, je n'ai pas pu m'empêcher de créer un billet en complément

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après lecture attentive du très bel article de Carine Fouteau sur les soins des sans papiers, je n'ai pas pu m'empêcher de créer un billet en complément (j'espère qu'elle ne m'en voudra pas).

Je ne reviendrai pas sur le fait que le gouvernement, à partir de nos impôts, commandent des rapports qu'ils ne lisent même pas, ils vont même plus loin puisqu'ils proposent les lois avant même la parution dudit rapport.

Je ne reviendrai pas non plus sur les aspects éthiques et l'atteinte aux valeurs de notre république qui, malheureusement, devient habituelle.

Par contre, il me parait intéressant d'envisager l'aspect de la santé publique.

La Déclaration universelle des droits de l'homme, dans son article 25, précise que " Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires"

Par ailleurs, l'OMS définit le droit fondamental à la santé : " La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale."

L'instauration d'une participation financière de 30 euros pour les personnes en situation irrégulière afin d'accéder aux soins semble contraire à la fois à la Déclaration des droits de l'homme et à celle de l'OMS. En effet, un revenu de 634 euros par mois ne saurait répondre à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, d'ou l'instauration de l'Aide Médicale d'Etat (AME). Mais, en imposant une "franchise" de 30 euros, cela signifie donc que sur un budget de 634 euros par mois, il faudra faire des choix entre la santé, l'alimentation, le logement ... et on se retrouve donc de nouveau en contradiction avec la Déclaration. Par ailleurs, l'OMS parle de "possession du meilleur état de santé" ce qui va bien au delà des soins en situation d'urgence.

Un certain nombre de conséquences, en terme de santé publique, vont découler de cette mesure. Il est bien évident qu'avec un tel niveau de revenu, les soins vont être relégués au second plan, derrière la nécessité de se nourrir et de se loger ce qui représente déjà un exploit que d'arriver à concilier ces deux besoins de base.

Il y aura donc deux possibilités : soit les bénéficiaires de l'AME auront recours aux services d'urgence pour des pathologies qui pourraient être prise en charge par la médecine de ville, soit ils attendront et lorsque leur état de santé se sera aggravé, ils seront alors dirigés par obligation vers les services d'urgence. Pour ces deux possibilités, cela entrainera donc un engorgement des services d'urgence ... services déjà engorgés et dans lesquels les moyens humains sont régulièrement diminués. Cette conséquence n'est pas anodine y compris en terme de sécurité des soins et des malades : le risque de passer à côté d'une urgence grave est beaucoup plus important quand les services sont surchargés.

D'autre part, en matière de santé, l'attente représente toujours un risque : risque d'aggravation, risque de contamination et de dissémination de pathologies infectieuses voire décès. Et le coût humain et économique (je place bien entendu le coût humain en première place) sera majeur. A partir de ces constats, les chiffres annoncés pour défendre cette mesure sont inutiles ... puisqu'ils ne prennent pas en compte les coûts engendrés par cette même mesure. Seules des analyses médico-économique, qui prennent en compte le coût économique mais aussi humain, pourraient permettre d'obtenir des chiffres fiables et porteurs de sens.

Cette mesure (parmi d'autres) remet donc bien en cause le principe fondamental de l'accès aux soins pour tous, c'est également une atteinte aux principes de la république (ou se situe l'égalité dans cette mesure) et risque d'entraîner des complications et souffrances inutiles pour les bénéficiaires de l'AME mais peut également provoquer des crises sanitaires par augmentation, par exemple, des maladies infectieuses (tuberculose, HIV).

Au niveau des professionnels de la santé, les mesures prises par ce gouvernement ne sont pas tolérables d'un point de vue éthique, déontologique et professionnel. Mais ces mesures sont tout aussi inacceptables pour chaque citoyen qui croit en les valeurs de Liberté, Egalité et Fraternité.

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