La République a souffert comme la Nation. Les deux esplanades parisiennes ont connu des violences entre des CRS et des jeunes, le week-end du 9 avril. Mais celles de République dans la nuit de samedi à dimanche sont passées presque inaperçues.
La scène a donné à voir des participants à la « Nuit Debout » avec des attitudes face à la police diamétralement opposées. Alors que certains ont basculé instantanément dans la violence après un feu de voiture, d’autres se sont efforcés de restaurer le calme. Au risque d’être blessés.
Une voiture en flamme à République
L’ambiance était pourtant festive. Comme la veille, des concerts faisaient danser les couche-tard de la « Nuit Debout ». Un DJ avait posé ses platines et ses enceintes au pied de la grande statue allégorique de la République. Un djembé résonnait au loin.
Vers 3h45 du matin, un véhicule s’embrase à l’angle ouest de la place, à côté du boulevard Saint-Martin. Le public de quelques centaines de personnes se retourne sans comprendre. « Ça doit juste être trois cons qui ont cramé une autolib [les voitures électriques de la mairie en location, ndr] », dit une voix dans la foule.
Aussitôt, des CRS en tenue de combat sortent de leurs fourgons garés le long du boulevard Saint Martin, à quelques dizaines de mètres seulement de l’incendie. Ils établissent un périmètre de sécurité autour du feu. En moins de cinq minutes, dans la pénombre de la place, des individus se mettent à jeter des bouteilles vides sur eux. Comme s’ils avaient attendu un signal. La riposte ne tarde pas. Des gaz lacrymogènes viennent enfumer l’endroit où l’arrière du public se trouvait un instant auparavant.
Les lanceurs se décalent sur la chaussée. Sous la lumière orangée des lampadaires, ils s’excitent entre eux. Ils ne sont pas plus d’une trentaine à fouiller les poubelles en quête de cadavres, de munitions. D’autres gaz lacrymogènes leur répondent. La situation se calme. Mais, des CRS sont à présent positionnés au bout de la rue du temple, à trois cent mètres au sud-est. Le front se décale sur eux. Ils deviennent les nouvelles cibles. Encore des gaz. Ils chargent. Tirs de flashball. Quelques grenades assourdissantes. Puis, la situation se stabilise. Les casseurs se dispersent pour de bon.
En tenaille entre CRS et casseurs
Mais pas seulement par peur des interpellations. Si les affrontements se sont arrêtés beaucoup plus rapidement que dans l’après-midi à la Nation, c’est en grande partie grâce à une autre frange des participants à la « Nuit Debout ». Dès le premier tir de gaz lacrymogène, des personnes se sont approchées pacifiquement des CRS pour les exhorter au calme. Debout ou assis à quelques mètres des boucliers déjà criblés d’impacts de pierres, ils ont voulu les empêcher de répondre aux provocations. Plus tard, à l’embouchure de la rue du temple, ce sont carrément une vingtaine de personnes qui ont organisé un sit-in devant la ligne des policiers lourdement équipés.
Dans la zone des casseurs, tout au long des affrontement, des voix résonnaient dans la foule : « Arrêtez de balancer sur les keufs ! », « Lâche ta bouteille toi ! », « Lui, il faut le dégager ! ». Lorsque seulement une dizaine de mètres séparait les deux camps, certains se sont positionnés à mi-chemin, les bras écartés, pris en tenaille de plein gré.
Ces personnes ont pris de gros risques. Ils se sont mis dos à la foule en colère, sans protection aucune, alors des bouteilles se fracassaient régulièrement sur le sol juste à côté d’eux. Lors des affrontements rapprochés, des grenades assourdissantes ont explosé à moins d’un mètre de leurs pieds (sans blesser personne). Ils ont aussi tenté de raisonner des casseurs manifestement ivres, au risque de retourner contre eux-mêmes leur haine.
Cette nuit-là, la réaction de citoyens engagés a sans doute mieux servi l’apaisement que les gaz de la police, vite dissipés.