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Billet de blog 19 juillet 2017

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Sous les 3% à tout prix

Passer sous les 3% de PIB de déficit, quitte à fragiliser l'armée, la recherche et l'enseignement supérieur. Ça vaut vraiment le coup ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tout ça pour ça. Tout ça pour passer sous la barre des 3%. On se croirait dans un meeting d’athlétisme si on mesurait en seconde ou en mètres.

“Du jamais vu sous la 5ème République”. “Un général cinq étoiles humilié” . “L’autoritarisme juvénile du Président.” Cette après-midi, je fais défiler les articles sur l’écran tactile, de plus en plus surpris par l’ampleur de cette crise. Le chef d’état-major des armées Pierre de Villiers, respecté de tous, a claqué la porte. Il n’a pas supporté la coupe budgétaire de 850 millions d’euros à la défense et surtout, le recadrage musclé -et très déplacé selon les militaires- du Président, le 13 juillet, devant ses pairs.

Pas de démission dans le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, mais l’exaspération a gagné chaque syndicat, chaque professeur sans doute, chaque chercheur peut-être, chaque élève probablement. 331 millions d’euros en moins. Pas un de moins.

Et tout ça pour les 3%. J’espère que la médaille sera belle quand on passera sous ces fatidiques 3%, et la Marseillaise chantée haut et fort. Parce-que c’est sans doute ça le plus surprenant dans cette histoire : ces coupes doivent seulement permettre de passer le déficit sous la barre des 3% du PIB. C’est la limite autorisée par les accords de Maastricht pour les pays de la zone euro. Une limite fixée en 1992. Il y a 25 ans. Nul doute que cette limite a conservé sa pertinence. Rien n’a changé depuis.

Il y a bien pourtant le général Pierre de Villiers qui clame depuis des années que l’armée est vieillissante, insuffisamment équipée, et insuffisamment financée ; et que la dissuasion nucléaire pâtit de ce manque de moyens. Il y a bien ce livre remarquable de Pauline Maucort (La guerre et après.., ed. Les belles lettres), qui donne la parole à des soldats, qui expliquent leur détresse devant l’incompréhension des politiques. Il y a aussi que la France est la deuxième nation occidentale derrière les Etats-Unis à avoir le plus de militaires sur des théâtres extérieurs -pour un budget dix fois moindre.

Dans les universités et les labos, il y a bien aussi ces 87 000 bacheliers qui se retrouvent gros-jean cette année, sans affectation, par manque de place en fac. Il y a bien eu des chercheurs qui dénonçaient, déjà, en 2016, “un suicide scientifique et industriel” à l’annonce d’une coupe budgétaire de “seulement” 256 millions d’euros. Il y a bien ces profs et instits, parmi les moins bien payés d’Europe, qui, pourtant, forment les jeunes. Ça paraît important comme tâche.

Sans ces économies nous aurions fini l’année à 3,2% du PIB de déficit, comme le notait la Cours de comptes fin juin 2017 après avoir révélé les filouteries comptables du gouvernement Valls. 0,2 point à gagner donc, en affaiblissant les armées, l’enseignement supérieur et la recherche (sans parler des autres ministères car cet article serait alors trop long). Macron a néanmoins promis d’augmenter le budget de la défense en 2018. Nous verrons si le coup d’accordéon va au bout.

Et alors, une fois sous ces 3%, ¿ que pasa ? L’Allemagne est contente. Si on avait l’esprit mal placé, on croirait que nos sympathiques voisins d’outre-Rhin veulent nous affaiblir.

Article également publié sur Medium

Illustration 1
Sûr de passer sous les 3% avec une telle perche.

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