A peine le premier ministre, le ministre de l'agriculture et celui de la transition écologique descendirent-ils de leur voiture qu'un groupe de militants syndicalistes agricoles les enferma dans une des étables de l'exploitation. En effet entre « l'appel au patriotisme agricole », la promesse d'une « panoplie de mesures » et l'argument fallacieux d'une « mauvaise compréhension des normes européennes » par le monde agricole, les paysans avaient la certitude que cette moisson de leurres serait une fois encore fauchée avant que de passer le perron de l'Elysée. La terre ne ment peut-être pas, mais les bureaucrates à la solde de Bruxelles, c'est autre chose. Le doute fit place à la certitude quand ce grand méchant mou de Lemaire annonça qu’il tirerait les oreilles aux industriels et distributeurs qui ne respecteraient pas la loi Egalim et qu'il .
Les gentils manifestants décidèrent que les émissaires du président de la république pourraient profiter de l'hospitalité paysanne tant vantée, aussi longtemps que leurs engagements ne seraient pas tenus. Ils ne dormiraient donc pas ce soir dans leur lit douillet mais entre la noiraude et la blanchette. Une décision qui devrait faire du foin ; encore heureux qu'il ne s'agisse pas d'un groupe d'écolos irresponsables. Les proches des otages n'ont pas à s'inquiéter, l'exode rural a laissé derrière lui des sabots et des combinaisons de travail en nombre suffisants, les malgré nous seront nourris, blanchis, logés en échange de quelques menus travaux et de la rédaction d'un bilan de fin de séjour laudatif à paraître sur Tripes et veau d'or.
Dans la soirée, la cellule "Matignon-délocalisé" rédigea ce communiqué de redition en rase campagne : "Les demandes de "ces femmes et ces hommes « qui se lèvent tous les matins pour nous nourrir » sont justifiées. En conséquence, le prix du gazole agricole n'augmentera pas et une avance de trésorerie sera même déployée dès le mois de février ; les délais concernant les procédures administratives pour les retenues d'eau, les megabassines et la construction de bâtiments d’élevage seront raccourcis avec des possibilités de recours réduites. Une paille ... La soirée continua sans encombres, et le karaoké sur le thème du réarmement agricole réchauffa le choeur des participants. On entendit le mannequin à tête de premier communiant, l'air aussi ballot que celui sur lequel il était juché, entonner un « Emmanuel nous voilà » enamouré devant le bûcher où brûlait Carmentran (1) à l'effigie de Rousseau (2) . Au petit matin, l'areopage ministériel regagna son étable parisienne à la satisfaction générale, les poches pleines de big mac au roquefort (pour endurer les barrages) et de promesses de retrouvailles à venir, puisqu'au-delà des apparences, on avait beaucoup de choses en commun. Plus tard, au hasard d’une manifestation ou d'un blocage, on se rappellerait ces joyeux souvenirs devant une flambée de pneus à la préfecture pour célébrer la fin des normes protectrices et le dépeçage de ce qui reste de modèle social, à l'abattoir du capitalisme.
(1) Carmentran, c'est .... oh, vous trouverez bien la signification quelque part.
(2) Monsieur Arnaud Rousseau, président de la Fnsea, nous demande de préciser qu’il s'agit de madame Sandrine Rousseau, activiste parlementaire, avec laquelle il n'a aucun lien de parenté.