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Billet de blog 27 novembre 2016

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Conférence "Femmes et migration" organisée par l'Association KÂLI - 26 novembre 2016

Voici le tout début d'un "compte-rendu" d'une conférence dont le thème était "Femmes et migration". C'était passionnant, j'espère ne pas trop travestir le propos des différents intervenants. Première partie d'une série d'interventions riches et instructives que je tenais à partager.

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Ce samedi a eu lieu une conférence sur le thème "Femmes et migration", organisée par la toute jeune association KÂLI, qui travaille auprès des femmes migrantes, notamment en assurant à Montreuil des permanences sociales à leur destination, et en jouant un rôle de veille sociale qui manquait jusqu'ici. Elles ont d'ors et déjà un véritable rôle d'expertise à mon sens, alors qu'elles sont toutes bénévoles et ne touchent aucune subvention.

Étant un peu une maniaque de la prise de notes lorsqu'un sujet me passionne, j'ai retranscrit une partie de ce que j'ai écrit sur mon petit carnet. Je vous fais part du propos des deux premiers intervenants, auxquels j'ai ajouté des liens internet pour plus de précisions lorsque je trouvais cela utile. Je me suis dit que ça pourrait en intéresser certain.e.s.

En espérant ne pas travestir le propos des intervenants, je vous laisse découvrir ce qui s'est dit lors de cette super après-midi. La suite viendra lorsque j'aurais le temps de le retranscrire...

Conférence « Femmes et migrations »

26 novembre 2016. Paris.

« Les gens normaux ne savent pas que tout est possible. »

                                                                       Hannah Arendt.

PREMIERE PARTIE :

LES RAISONS QUI POUSSENT LES FEMMES A L’EXIL ET LA VULNERABILITE VECUE PENDANT L’EXIL

Après une brève introduction présentant l’objet de l’association KÂLI et indiquant que des permanences se tiennent à Montreuil, la première personne à intervenir est Bérénice Michard, du Réseau Euromed Droits.

Bérénice Michard, Réseau Euromed Droits : Causes de l’exil et conditions du parcours migratoire

Bien souvent ce sont les guerres, les conflits, qui poussent les femmes à s’exiler - bien qu’il ne faille pas minimiser ni oublier qu’elles sont bien des sujets agissants, maîtresses de leurs décisions, qui ne font pas que subir.

Plus globalement ce sont les structures patriarcales qui les poussent à partir. Les raisons principales qui les poussent à l’exil sont :

-          Le statut légal des femmes en vigueur dans leur pays d’origine, car elles sont souvent considérées comme des « mineures » (pas le droit de divorcer, de travailler sans l’aval du mari, etc.).

-          Le manque d’opportunités, d’accès aux droits, à la santé, notamment la santé liée à la sexualité et au contrôle des naissances, mais aussi le manque d’accès à l’éducation (avec par endroits, notamment dans certaines zones rurales, des taux d’analphabétisme autour des 80%). Les femmes ont moins facilement accès au marché du travail et sont confinées aux travaux domestiques, non reconnues comme activité en tant que telle. A diplôme égal, elles trouvent moins facilement de travail.

-           Les violences basées sur le genre, qui sont structurelles : violences sexuelles, mutilations génitales, crimes d’honneur, mariages forcés, etc. Le cadre légal n’est pas adapté, et l’impunité est très répandue pour ces violences. Même quand la loi existe, la justice est souvent rendue par des hommes, et la culture patriarcale est très répandue au sein des juges et des policiers. Par ailleurs, ces violences sont intériorisées par les femmes elles-mêmes comme faisant partie d’une norme sociale.

En zone de conflit, les violences sexuelles à l’encontre des femmes sont des armes de guerre, qui brisent les résistances de la communauté toute entière.

Les risques existent également lors du parcours migratoire, particulièrement lorsque les femmes utilisent les filières irrégulières, et dans les lieux de transit.

Dans les camps de réfugiés situés dans les pays limitrophes de la Syrie par exemple, on observe des mariages précoces, pour éviter que les filles soient victimes de traite et/ou de prostitution. De plus, elles ne sont ainsi plus alors à la « charge » de leur famille.

Dans les centres de rétention administrative (CRA) situés en Turquie et en Grèce, il n’y a aucune prise en charge des besoins spécifiques aux femmes : beaucoup de lieux ne sont pas adaptés, avec par exemple des sanitaires mixtes, ou pas de salle pour allaiter, ce qui poussent les femmes à ne pas satisfaire un certain nombre de besoins primaires.

Lors du parcours d’accès à l’asile, il est très difficile de faire reconnaître les violences faites aux femmes comme une raison « en soi » d’obtenir l’asile. La liste des pays dits « sûrs » (c’est-à-dire respectant les libertés fondamentales et les droits de l’homme et dont les ressortissants sont quasiment certains de se voir refuser l’asile) est problématique à cet égard, d’autant plus que les demandes d’asile sont examinées rapidement. Les violences à l’égard des femmes n’y sont pas prises en compte.

Une directive européenne existe, ainsi que la Convention d’Istanbul adoptée par le Conseil de l’Europe en 2014, qui fixe un cadre juridique pour lutter contre les violences faites aux femmes, mais l’application de cette convention et les transcriptions dans les lois nationales varient d’un pays à l’autre. http://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/the-convention-in-brief

Louis Imbert, ANAFE : Au sujet des femmes en « zones d’attente » en France.

Les zones d’attente sont des lieux situées aux points de frontière (comme les aéroports ou les ports), où peuvent être détenues jusqu’à vingt jours des personnes dites « sans-papiers », c’est-à-dire n’étant pas en règle avec les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire (absence de visa, passeport non valide).

Pour une meilleure définition : http://www.anafe.org/spip.php?article188

Il existe en France 65 zones d’attentes. En 2015, ce sont 9000 personnes qui ont « transité » par des zones d’attente, dont seulement 927 ont demandé l’asile, soir une diminution de 90% en 15 ans.

Cette chute spectaculaire est due à la multiplication des accords bilatéraux passés avec les pays d’origine et avec les pays de transit, ainsi qu’à une politique de sanctions financières envers les compagnies aériennes refusant de prendre à bord des personnes reconduites dans leur pays d’origine.

Les personnes sont contrôlées au moment de leur passage dans les « aubettes », guérites dans lesquelles se tiennent les agents de la police aux frontières (PAF), ou directement à la sortie de la passerelle des avions.

Même lorsqu’elles ont des papiers en règle, les personnes peuvent être retenues en zone d’attente au nom du « risque migratoire ». On évalue ainsi que certaines personnes risquent de rester sur le territoire de façon illégale lors de leur descente d’avion, ce qui revient à trier les personnes « à la tête du client », et relève de l’arbitraire. Ils peuvent relever de cette suspicion en l'absence de réservation hôtelière ou d’attestation d’accueil par exemple. [ A ce sujet je conseille ce texte totalement hallucinant situé sur le site du Ministère de l’Intérieur : http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Dossiers/En-immersion-a-l-aeroport-de-Roissy-Charles-de-Gaulle/La-PAF-en-premiere-ligne-Aubettes-passerelles-et-Parafe ]

L’ANAFE intervient en zone d’attente pour effectuer des visites, assure des permanences juridiques, et essaie également d’influer sur les autorités, en tentant de faire évoluer la loi. L’ANAFE demande notamment :

-          La fin de l’enfermement en zone d’attente

-          Faire que les recours des personnes retenues soient suspensifs des décisions d’expulsion

-          La mise en place d’un droit systématique à un avocat pour toute personne retenue

La question des femmes en zones d’attente :

Nous ne possédons pas de chiffre officiel sur la proportion de femmes en zone d’attente, car l’Etat ne recense pas les personnes qui y sont enfermées en fonction du sexe.

On observe des femmes enceintes en zone d’attente en France. Non seulement elles ne bénéficient pas du suivi médical indispensable, mais à cela certaines épreuves comme l’enfermement, les embarquements forcés, les soumettent à des stress extrêmes.

On y observe aussi des jeunes filles mineures ayant fui les persécutions liés au genre (excisions, mariages forcés, violences). Or la plupart du temps leurs demandes d’asile sont refusées pour ces simples motifs. Il est un cas d’une jeune fille que l’on renvoyé dans son pays d’origine au motif qu’il paraissait « improbable » que son père veuille la marier si tôt.

C’est donc une double peine que subissent les femmes, maltraitées dans leur pays d’origine, et maltraitées à leur arrivée en France. Elles ont le tort d’être à la fois « femmes » et « étrangères ».

Mais la question des violences policières en zone d’attente est aussi un sujet. Durant les tentatives d’expulsions, les femmes sont régulièrement frappées puis placées en garde à vue lorsqu’elles refusent l’embarquement, puis condamnées, et enfin expulsées du territoire.

L’ANAFE demande par conséquent que la législation sur les demandeuses et demandeurs d’asile vulnérables soit appliquée et qu’elles et ils soient libérées des zones d’attente. Malheureusement la législation n’est pas appliqué car l’OFPRA refuse bien souvent les demandes d’asile et que les recours sont non suspensifs de l’obligation de quitter le territoire.

La vulnérabilité qui touche les femmes retenues en zone d’attente est donc de deux ordres : elle est liée au pays d’origine et leur situation de femme en tant que telle. Mais elle est également produite par les institutions elles-mêmes, par le fait de les maintenir dans l’enfermement, qui porte en soi des violences sexistes et racistes.

Pour plus de précisions, consulter le site de l’ANAFE qui est très complet et très bien fait. http://www.anafe.org/

 La prochaine partie concernera les viols de guerre, ainsi que le trafic d'être humains et la torture au cours des parcours migratoires.

La suite viendra ben... quand j'aurais le temps, vite j'espère.

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