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Billet de blog 23 février 2022

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Pour une véritable démocratie

Si l'élection est le résultat d’un réflexe aristocratique, substituant une aristocratie héréditaire par une aristocratie élective. Une aristocratie élue qui a tout intérêt à maintenir le peuple à distance du politique, à dépolitiser le citoyen, à subtiliser le débat. Dans ce cas l'abstention ne traduit-elle pas finalement le désir d'une véritable démocratie et d'une citoyenneté plus exigeante.

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"La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie, une prison sans mur dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l'amour de leur servitude."
Aldous Huxley

La démocratie est censée donner le pouvoir au peuple, or elle apparaît aujourd’hui le plus souvent sous une forme dite représentative, dans ce cas le pouvoir est confié à des représentants élus. Or il semble que le principe de l’élection connaît aujourd’hui des difficultés, l’abstention est le premier « parti » dans de nombreux pays de d’Europe et du monde. Cela traduit-il un désintérêt pour la politique? Ou une mutation dans la conception et l’exercice de la citoyenneté ? Cet outil de l’élection qu’on associe aujourd’hui volontiers à la démocratie n’est-il pas en réalité le résultat d’un réflexe aristocratique ? Ne remplaçons nous pas une aristocratie héréditaire par une aristocratie élective qui tire non plus sa légitimité de dieu ou de la naissance mais de l’élection et donc du peuple lui même ?

Historiquement le peuple a longtemps été et est encore aujourd’hui largement considéré comme incompétent et inapte à l’autonomie, il serait une masse irrationnelle, égoïste, facilement manipulable, voir violente. Il fait peur aux élites dirigeantes comme à lui-même. Cette nouvelle aristocratie élu ne tente-elle pas de maintenir le peuple a distance du politiques, à dépolitiser le citoyen, a subtiliser le débat ? La délibération démocratique ne dépend pas t’elle pas de l’existence d’un État de droit, puisqu’à l’inverse dans une dictature les citoyens n’en ont pas la possibilité ? Mais dans le même temps, la pratique démocratique de la discussion publique ne tend t-elle pas à contredire l’État voir à le remettre en cause ? Est-ce que le peuple a la capacité politique de se gouverner seul, ou a-t-il besoin d’être gouverné par une élite pour que triomphe le bien commun ? Y aurait-il une bonne et une mauvaise façon d’être démocrate ? Une bonne et une mauvaise façon d’être « près » du peuple ?

Une présomption d’incompétence qui est par ailleurs combattue par nombre de mouvements sociaux, tel que le mouvement altermondialiste, les rassemblements des places, les mouvements de désobéissance civile, l’hacktivisme, les luttes écologiques tel que les zones à défendre... L’inachèvement démocratique est d’autant plus vivement ressenti que les formes d’engagement des citoyens se sont élargies et développées. En effet il semble aujourd’hui qu’on observe dans une partie de la population un regain d’intérêt envers le politique et les systèmes de démocratie « participative » « délibérative » ou « directe ». Ne faisons nous pas face à une situation potentiellement explosif, où parallèlement l’intérêt pour la politique s’accroît alors que la confiance dans le monde politique diminue. N’observe t-on pas aujourd’hui une unification d'un espace public grâce à la modernité ? Le niveau d'instruction n'a jamais était aussi élevé dans l'ensemble du monde, serions nous parvenu à l'idéal d'Habermas. N'avons nous pas atteint le public rêvé par les Lumières ? Ou alors observons nous le déclin des institutions publiques dans le cadre desquelles les citoyens se rencontrent en égaux et la détérioration du débat public ?

Si l'on juge que le projet d'une plus grande participation des citoyens à la « chose » publique vaut la peine d'être poursuivi, il faut s'interroger sur la façon de réhabiliter le politique comme capacité de délibération collective et sur la manière la plus efficace de concrétiser un tel idéal. La démocratie délibérative suppose de permettre et d'organiser le débat public, garantissant à chacun un pourvoir égal de prendre la parole sans que ne viennent s’exercer de contraintes internes ou externes (comme l’État) susceptibles d’y porter atteinte. Et est ce tout simplement réalisable, puisque la délibération suppose l’égale capacité de chacun a prendre la parole et à en faire usage ? Que se passe-t-il lorsque les groupes sociaux écartés de la délibération publique entrent en action et prennent la parole en dehors de l’espace politique reconnu ? Quel sont les risques pour les minorités (femmes, noires, classes populaires ...), pour lesquelles il faut garder à l'esprit les rapports de domination a l’œuvre dans la société et dont l’agora n’est pas exempté ? Ne pourrait-on pas par ailleurs imaginer que ces nouvelles formes de participation puissent être utilisées comme des outils visant à canaliser le mécontentements populaires ou à l’assimiler dans une forme institutionnalisée?

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