ENO-80

Abonné·e de Mediapart

9 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 février 2022

ENO-80

Abonné·e de Mediapart

Mythe de l'Europe berceau de la démocratie

Et si les Grecs n'avaient pas inventé la démocratie. Si on prétend souvent que les valeurs démocratiques sont spécifiquement « occidentales », en vérité l'occident est bien plus prompt à éprouver du mépris voire de la haine pour la démocratie directe et les peuples qui l'ont pratiquée ou la pratique encore.

ENO-80

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mythe de l'Europe berceau de la démocratie

En réalité, la démocratie représentative occidentale n’a pas grand-chose a voir avec la démocratie Athénienne, d’autre part les grecs n’ont pas inventés la démocratie. En effet aujourd’hui le mythe selon lequel la démocratie est naît à Athènes est de plus en plus remis en question. Si certains ont prétendue (comme Samuel Huntington) et prétendent encore que les valeurs démocratiques sont spécifiquement « occidentales » et qu’elle n’a pas pu voir le jour ailleurs. Pour Francis Dupuis-Déris, les élites du vieux continent étaient plus prompt a éprouver du mépris voir de la haine pour toute forme de pratique vraiment démocratique. Et en réalité « bien des peuples d’Afrique et des nations autochtones d’Amérique, entre autre prenaient leurs décision collectives en assemblée, préférant palabrer jusqu’à l’atteinte d’un consensus plutôt que de forcer la décision par un vote majoritaire ». D’autres historiens comme Marcus Rediker font également référence aux pratiques démocratiques des pirates.

Du point de vue de l’anthropologue David Graeber, Athènes est une version plutôt dégradée (militaire et brutale) de la démocratie, des procédures et pratiques bien plus démocratique que celles exercées à Athènes ont excitées un peu partout dans le monde. De plus le modèle athénien n’est pas le résultat de la pure tradition occidentale mais a été fortement influencé par l’Égypte, l’Iran et l’Inde Enfin selon lui la prise de décision de manière collective et égalitaire n’est spécifique à aucune "civilisation", culture ou tradition, la démocratie n’a pas été inventée, pour lui toutes les sociétés dites « traditionnelle » on tendance spontanément a s’organiser sur un « mode » démocratique. Cela résulterait du fait que les société « traditionnelle », sans « État », donc sans « institutions coercitives » trouvent d’avantage d’intérêt à la prise de décision collective, à la recherche du consensus autour des décisions. « Négocier plutôt que voter, chercher un consensus plutôt qu’une majorité. » Pour lui une démocratie ne peut advenir qu’en dehors des structures de domination systémiques.

Pour Clastres, il faut remettre en cause notre manière occidentale de regarder les sociétés dites « primitives » comme des société inachevées, car sans État, comme si l’État était le signe d’un niveau supérieur de développement d’une civilisation. L’État n'est pas une condition indispensable à la vie en société. De plus selon lui, ces sociétés disposent de réelles formes d’organisations politiques choisies. Si il n’y existe pas de pouvoir coercitif c’est par volontés politique de ces membres. L’exemple du chef Guayaki qu’il a étudié, ne peut ni punir, ni emprisonner, et si il peut prendre des décisions il ne peut les imposer par la force. Il ne dispose que d’un certain prestige et d’une autorité de parole (même s’il ne fait pas la loi), son devoir c’est d’assurer la paix au sein du groupe, « plus qu’un juge qui sanctionne, il est un arbitre qui cherche à réconcilier ». L’absence de coercition ne signifie pas pour autant ici l’absence de pouvoir politique. Ce pouvoir est bien détenu mais il est le fait de la société tout entière, et de toute façon, le pouvoir du chef dépend du bon vouloir du groupe. De plus dans ces sociétés demeurant sans État il n’y pas d’inégalité puisqu’il n’existe aucune structure qui permette d' introduire une différence. Elles sont aussi généralement dotées de mécanismes pouvant contrer l'ambition personnelle, et inhiber le désir de posséder d’avantage que ce que les besoins de chacun exige, d’autant que les échanges des biens et services ne permet pas l’accumulation en capital. Ainsi selon lui : « les sociétés sans État sont certes des sociétés d’abondance, mais elles ne comprennent de désir de surabondance ». Or le risque est qu’a son tour le désir de possession, mute en désir de pouvoir et que « pouvoir politique » et « pouvoir économique » se renforcent mutuellement.

L’histoire de la démocratie (directe) serait donc très ancienne, de plus des expériences démocratiques auraient existé même sous la domination de roi, d’empereur ou d’une aristocratie. Ainsi par exemple en chine impériale ont été organisé des conseils ou des clubs auquel participé la population. De même qu’en Afrique ou en Inde ou des assemblés délibératives se sont tenu dans les villages. Francis Dupuis-Déri fait aussi référence à l’organisation d’assemblées non-mixtes par les femmes iroquoises à l’arrivée de la colonisation Française ou par les femmes Igbos. En réalité, bien des sociétés « primitives », avaient des pratiques bien plus démocratiques (que se soit pour les prises de décision ou la gestion des conflits) que les puissances colonisatrices européennes y associant même parfois les femmes et les enfants. Or les puissances coloniales, ne voyaient généralement pas d’un bonne œil cette auto-gouvernance et cherchaient à la faire disparaître, ainsi avec la colonisation, beaucoup de ces pratiques délibératives ont disparu parfois définitivement. Ces pratiques démocratiques ont aussi existé en Europe au moyenne age, et cela pendant des siècles, le rois contrairement a ce que l’on peut penser ne s’occupait pas du tout des affaires du peuple, celui-ci s’organisait librement la aussi à l’échelle locale, dans chaque village, grâce aux assemblés d’habitants.

Par la suite c’est le parachutage de représentants (préfets, ect.) de l’autorité du roi dans les villages et la convocation des nobles en assemblés ( qui est en quelque sorte l’ancêtre éloigné de nôtre parlement actuel) afin de lever les impôts, qui a donné naissance à la démocratie représentative qu’on connaît aujourd’hui. C’est ce qui explique selon Francis Dupuis-Déris que des Républiques « démocratiques » se soient développées un peu partout en Europe y compris dans des pays qui n’ont pourtant pas connu ni de guerre d’indépendance ni de révolutions républicaines. Pour lui : « le parlementarisme n’a rien à voire avec la « démocratie » d’Athènes, et la révolution française n’est pas à l’origine de la diffusion planétaire de l’idéale « démocratique », malgré ce qu’en pense bien des françaises et français. »

Pour Francis Dupuis-déri « les Républicains on finalement stabilisé leur pouvoir, qu’ils avaient pris au rois pour imposer leur domination sur le peuple ». Alors que la Révolution fut une période durant laquelle de nombreuses assemblées, clubs, sociétés populaires ce sont organisées et pas seulement à Paris, elles ont par la suite été interdites car perçu par le nouveau pouvoir comme le fait de comploteurs, de « fédéralistes » qui menaceraient la République « une et indivisible » de fragmentation en multiples factions ingouvernables. Un rejet du fédéralisme qui témoigne par ailleurs, de la volonté d’un pouvoir fort et central et du refus de l’autodétermination a l’échelle locale des régions ( le régionalisme), ou des pays colonisés, (revendication d’indépendance), c’est aussi a ce titre qu’on a réprimé la pratique des langues régionales mais aussi de certaines croyances, religions ...

Et si aujourd’hui on maintient le mythe selon lequel le modèle athénien est été remis au goût du jour après la Révolution Française, en réalité c’est Rome qui fut le modèle. De plus ceux que l’on nomme les « pères fondateurs de la démocratie » en plus d’être véritablement anti-démocrate (il mépriser la démocratie directe) ils étaient misogyne, aussi le vote a d’abord était censitaire (seul les plus riches pouvaient voter) et réservé aux hommes uniquement.

Si l’on a tendance a présenter l’occident et les démocraties (élective) Européens comme un modèle à suivre qu’il faudrait reproduire partout dans le monde, d’une part celle-ci est basées sur un mensonge et une confiscation du pouvoir du peuple, de plus, elle a était et est trop souvent imposée. On mène des guerres en son nom qui compte de nombreuses victimes civiles, pourtant on nie ou on refuse a ses peuples la capacité de s’autodéterminer. « Les grandes agences internationales exigent que les États organisent des élections pour pouvoir recevoir de l’aide internationale. » Si l’on connaît l’ingérence des grandes puissances occidentales dans de nombreux pays, le modèle politique, démocratie (élective), ou dictature importe peu quand il s’agit de conclure des accords économiques ou de signer des contrats, le principal c’est d’avoir des interlocuteurs.

Enfin il faudrait sans doute arrêter de présenter les démocraties occidentales comme en avance, dotées de valeurs supérieurs et d’avantage respectueuses des droits des citoyens. On oublie assez volontiers que, en ce qui concerne le droit de vote des femmes, les grandes démocratie occidentales sont bien a la traîne, l’Albanie l’a établie en 1920, l’équateur en 1929, le Sri Lanka en 1931, l’Uruguay, le Brésil et Thaïlande en 1932, Cuba, la Turquie en 1934, la Birmanie en 1935 la Bolivie en 1938, alors qu’en France c’est seulement depuis 1944 que les femmes ont le droit de vote. En effet suite à la Révolution Française les droits des femmes dont celui de participer au élections ont été volontairement oubliés et cela même si elles étaient présentes dans les rangs des révolutionnaires. De plus certains peuples, avant la colonisation incluaient les femmes et parfois même les enfants dans les processus de décision (c’est le cas des Somalis notamment). Francis Dupuis-Déri écrit même a ce propos, que c’est les colonisateurs britanniques qui vont volontairement exclure les femmes des rencontres avec les cherokees.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.