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Billet de blog 8 novembre 2014

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Il est 5h, il est l'heure

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ça faisait un moment que j’avais envie de te parler mais je ne savais pas comment t’aborder. J’ai pensé t’interpeller, ici, sur Médiapart. Encore fallait-il que je puisse t’intéresser, alors j’ai pensé à différents thèmes.

D’abord, j’ai voulu te parler de résistance.
Je voulais te raconter comment j’avais découvert qu’on m’avait lobotomisée. Regarder « attentat démocratique » avec l’intervention d’Etienne Chouard, m’avait fait prendre conscience que j’avais bêtement cru ce que l’on m’avait enseigné. La vérité était ailleurs. J’avais lu le rapport, alarmant, de la Commission Nationale Consultative Des Droits De L’homme, sur la recrudescence de l’intolérance en France. Il m’avait poussé à me demander si les musulmans d’aujourd’hui, n’étaient pas les juifs d’hier ? Sous peu, à Leidenstadt nous aurions à choisir un camp : résistant ou collabo ?
Je me suis dit qu’essayer de comprendre ce moment d’histoire, qui se déroulait sous nos yeux, était peut-être prématuré.

Ensuite, j’ai voulu te raconter comment j’ai répondu à l’appel de désobéissance civile des Anonymous.
J’avais scotché, dans le hall de mon immeuble, un papier où j’avais écris «démocratie sourde + aveugle= dictature ». Ma phrase avait tenu une minute avant de se faire arracher. Moi, docteur Enora, je te balançais mon diagnostic : « cancer de la démocratie », pour lequel tu ne m’avais même pas consulté.
J’ai vite compris que j’avais intérêt à bien réfléchir à la manière dont j’allais te parler et qu’il faudrait que je m’y prenne autrement.

Alors j’ai imaginé comment on décrirait de notre pays, si la mère patrie devenait réellement notre mère, qu’en dirions-nous?.
Nous serions tous ses enfants, légitimes, illégitimes. Celle qui devrait nous élever, tapinerait pour son mac. Lui aurait le pouvoir, nous aurions la peur. Nous ne dirions rien, c’était toujours pire ailleurs. Nous saurions que, pour assouvir les besoins de ses clients, notre mère, au mieux, nous ferait passer à la trappe, au pire, nous serions abusés. Maman, ça ne la dérangerait pas que l’on nous fasse « un peu mal », il ne faudrait pas y aller trop fort pour continuer à gagner de l’argent avec nos corps. Négligente, entre ses mains nous serions en danger. Livrés à nous-même et sans repères, nous, les vilains petits canards, nous oscillerions entre la déprime et la révolte. Parfois nous gueulerions nos carences, maman nous foutrait la raclée du siècle. Elle aurait ses chouchous sur qui elle taperait toujours un peu moins. On comprendrait alors que nous n’aurions pas intérêt à recommencer. Dans cette tentative de survie, il nous faudrait réchapper à cette guerre contre tous qui risquait d’exploser. Nous, les enfants de la France, nous aurions besoin de Boris Cyrulnik.
Bon, là je me suis dis que je venais déjà de t’apprendre que t’avais le cancer de la démocratie, si en plus je t’annonçais le syndrome de Stockholm, tu risquerais de me lancer une grenade.

Alors j’ai eu envie de te raconter comment, enfant, j’ai compris la vie.
Petite, lorsque je commençais une phrase par « maman si ‘… », ma mère me coupait la parole, implacable : « avec des si, on refait un monde ». J’avais envie de t’emmener danser sur le chemin du « si », toi et moi, refaisant ce monde en chantant, Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si.
Je me suis dis que t’allais penser que j’avais pris des champignons hallucinogènes, je me suis ravisée.

A un moment, j’ai même changé d’avis, je ne cherchais plus des thèmes mais des catégories de personnes. C’était plus à toi que je voulais causer.
J’ai voulu demander le divorce à François…
Lui dire qu’on était tous des Valérie. Que les cocus, c’était aussi nous, ses électeurs, devenus des flamby périmés. Seulement, dans cette France qui était mienne, il n’était pas possible de divorcer de son président. Il pouvait nous battre, nous humilier, nous menacer, tout en mentant aux autres, les fous, c’était nous. C’était au quinquennat, à la mort.
Après, j’ai voulu parler à Ségo…
Je voulais savoir où étaient passées les belles paroles de sa période bleue fraternité : "oui, la gauche doit se ressaisir … avoir une lucidité radicale … que personne ne soit laissé sur le bord du chemin". Lui demander si, en plus de s’être oubliée publiquement en demandant de créer une vérité collective au sujet du barrage de Sivens, elle n’avait pas l’impression de piétiner le cadavre déchiqueté de Rémi?
En réfléchissant un quart de seconde et en me rappelant le bruit des casseroles, je me suis dis qu’ils n’en avaient rien à carrer, Ségo et Francisco, de ce que je pouvais leur écrire. Ma démocratie était sourde, aveugle et muette. J’en tirerai les conséquences, mais je ne me retirerai pas. Jamais. J’avais finalement décidé de parler à des gens comme moi : les anonymous me l’avaient bien dit, « la révolution c’est nous » !

Je n’avais toujours pas la bonne approche, je ne trouvais pas les bons mots.
J’ai donc décidé de me changer les idées et de plonger dans la vie. Un bon dîner entre amies avec Carole, Chantal, Arumi, Samia et Céline me gorgerait de bienveillance. Tout y est passé, une nouvelle constitution, le revenu de base, les biens communs, la popote, la manif pour Rémi...
Le constat fut frappant, les idées, les colères, les envies de changement, tous les thèmes étaient là, ici et ailleurs, ils étaient partagés par une majorité de femmes! Moi, je ne les partageais qu’avec des femmes…

Déclic, je l’avais enfin mon approche, j’étais prête à t’écrire ! J’ai compris que j’avais envie de te parler un peu plus à TOI femme (mais pas que !) : mère, sœur, cousine, voisine, caroline, boulangère, ZADiste, anarchiste, raciste, banlieusarde, fonctionnaire, infirmière, avocate, caissière, joueuse de poker, danseuse, ingénieure, prof, animatrice, pharmacienne, élue locale, écologiste, chômeuse, jeune, vieille, lycéenne, gothique, footballeuse, CRS, hôtesse de l’air, femme de chambre, vendeuse, commerciale, dresseuse de tigre, agricultrice, croyante ou athée… A toi et à toutes les autres.
J’étais prête à charger la plume, tagger mes feuilles de papier. Il était l’heure, il était 5 heures du matin. Mais j’avais un peu picolé ce soir là. Vannée, je me suis endormie.
J’ai lentement glissé dans les bras de Morphée et je me suis mise à rêver.

« I have a dream, that one day… », dans mon rêve, il y avait Martin Luther King.
On était des milliers. Non, en fait, on était des millions (Allez, c’est un rêve !).
On avait des banderoles « pour » et on croyait à notre cause, une démocratie réelle.
On n’était pas « contre », en opposition, on était « pour », en construction.
On ouvrait le champ des possibles, on balayait ce qui nous rongeait depuis trop longtemps.
On faisait des ateliers de concertation pour reprendre notre pouvoir kidnappé et, au passage, on collait une belle paire de seins à notre pays des droits de l’homme ET de la femme !
On était pour la non-violence, pour la liberté de manifester.
On voulait foutre un coup de pied au cul à cette constitution archaïque et dépoussiérer ces institutions qui nous étouffaient, toutes et tous.
Déterminés, on portait à bout de bras nos banderoles et on chantait nos slogans. Aretha, Amy, Maria, Carole et tant d’autres nous prêtaient leurs voix. On chantait notre « non-violence » à s’en casser la voix.
On avait tous souffert finalement : on avait failli se faire karshériser par Nico, nous, les sauvageons ; Francisco avait parqué nos cousins et cousines après leur manif pour tous. Et maintenant, un de nos enfants était mort, tué par une grenade de la nation.
Dans mon rêve, il y avait aussi Rémi, Zied, Bouna et les autres.
Il y avait même des martiens ! Depuis que l’on avait entendu les juifs s’exprimer contre le sionisme, on avait compris : c’est encore plus beau de se battre pour les droits des autres.
On savait nos libertés grignotées et nous n’allions pas laisser une petite poignée se partager le gâteau, pendant que l’on rongeait la poignée.
Dans mon rêve, les hommes se battaient pour l’égalité homme-femme, presqu’aussi fort que le bonjour tristesse!
On mangeait du tieb et du cassoulet.
On arrivait à ce passage, comme dans les films américains, où la musique est intense, où tu as la boule au ventre, quand ta gorge se noue. Ce moment rêvé de tous où la cause commune et les gentils gagnent. Cette fin où tout ce qui semble impossible est possible. Et BAM ! La musique s’arrêtait, un écran noir affichait « to be continued ».

Bon alors, toi ma sœur, toi mon frère, on l’écrit ensemble la suite de l’histoire ?

 

Inspirations :
Anonymous France
Attentat Démocratique
Étienne Chouard
Le mouvement Colibris
Une femme lucide dans le métro
Mouvement pour un revenu de base
Comprendre l'enjeu des salaires

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